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La capacité économique I

3. Un instrument de contrôle juridique

Le principe d’une imposition fondée sur la capacité économique de l’individu est ancré dans la Constitution fédérale (A.). Les lois fédérales et cantonales d’imposition du revenu en Suisse adoptent le système de l’imposition du revenu global net. Celui-ci se veut une concrétisation du principe de la capacité économique (B). Le Tribunal fédéral veille à son respect à travers sa jurisprudence où il développe des règles à partir des notions d’équité horizontale et verticale (C.).

Un principe ancré dans la Constitution A.

a. L’art. 127 al. 2 Cst. féd.

L’art. 127 al. 2 Cst. féd. prescrit que l’impôt obéit aux principes de l’universalité, de l’égalité de traitement et de la capacité économique, pour autant que sa nature le permette. Cette norme garantit la justice en matière fiscale en Suisse310. A la différence des droits de mutation ou d’enregistrement qui sont de nature réelle, l’impôt sur le revenu a la caractéristique d’être un impôt personnel. Si cette norme constitutionnelle a une portée restreinte en présence d’impôts spéciaux,

308 Si Alban avait travaillé pour une entreprise active dans le domaine de la construction, les travaux réalisés auraient pu être qualifiés de revenu d’une autre activité lucrative indépendante au sens de l’art. 18 al. 1 LIFD et, par conséquent, imposables.

309 Cet exemple s’inspire de l’arrêt du TF du 29 janvier 1982, consid. 2c publié à la RDAF 1984 17 p. 19. Au considérant cité, le TF indique ce qui suit : « le contribuable qui érige une maison dans le dessein d'y habiter, en exécutant lui-même certains travaux, n'a exercé par là aucune activité qui vise à réaliser un gain et n'obtient pas ainsi un revenu au sens de l'AIN. » ; sur la délicate distinction avec le gain en capital en cas de revente ultérieure, voir les mêmes, ad art 16 N 18, LOCHER, Kommentar, ad art. 16 N 52 et s.

310 REICH, Steuerrecht, p. 83 N 122.

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elle est directement applicable à l’impôt sur le revenu qui est le plus apte à remplir cette fonction de justice en matière fiscale311.

Avec une majorité de la doctrine, nous sommes de l’avis que le principe de la capacité économique constitue une manifestation particulière du principe de l’égalité de traitement, lequel s’applique à l’ensemble du droit positif suisse (Cst. féd. 8 I)312. Celui-là représente le moyen, et, celle-ci, la fin. L’égalité de traitement est ainsi garantie dans le texte de la Constitution fédérale à deux reprises : d’une façon générale pour l’ensemble de l’ordre juridique et de manière spécifique pour le droit fiscal. Une garantie abstraite de l’égalité de traitement assure formellement le respect du principe. Il convient en outre d’en vérifier l’application à l’occasion de cas concrets pour en mesurer les effets.

Le principe d’égalité prend toute sa dimension « lorsque la loi donne à l’administration un pouvoir d’appréciation ou une latitude de jugement »313, c’est-à-dire souvent en matière d’imposition du revenu. On l’a vu, l’impôt sur le revenu cherche à refléter l’égalité relative des moyens dont disposent les contribuables afin de répartir les charges de la collectivité équitablement. Cette égalité dans les rapports traduit le fait que l’on ne consent pas tous au même sacrifice face au paiement de l’impôt314. L’approche est fonctionnelle et ne se limite pas à une pétition de principe. L’adjectif fonctionnel signifie que l’égalité n’est pas prédéterminée ; l’autorité d’application ou le juge en vérifie le respect à l’occasion d’un cas d’application compte tenu des circonstances et des arguments des parties. L’interprète ne peut pas se satisfaire d’une analyse formelle des critères ou facteurs pertinents, il doit s’assurer que celle-ci

311 En ce sens, voir ATF 128 I 102 consid. 6d p. 112 ; arrêts du TF 2C_467/2008 du 10 juillet 2009 consid. 5.4, 2C_668/2013 du 19 juin 2014 consid. 7.1 ; OBERSON, Droit fiscal, p. 39 N 28.

312 Dans ce cens, YERSIN,L'égalité de traitement, p. 165 et les références citées ; selon la systématique de la présentation de cette dernière auteure, les principes de l’égalité de l’imposition, de l’universalité de l’imposition et de la capacité contributive dérivent de l’égalité de traitement ; dans ce sens, voir ég. TORRIONE, Barèmes dégressifs, p. 249 ; REICH, Steuerrecht, p. 83 N 119 ; le même (Steuerrecht, p. 83 N 120) fait remarquer l’incohérence systématique de l’art. 127 Cst. féd. qui est une norme de protection des droits fondamentaux située dans le chapitre sur les finances de la Confédération ; GLAUSER, Le principe de déterminance, p. 14 ; OBERSON, Droif fiscal, p. 34 N 16 ; WURLOD, p. 21 ; OBRIST moins marqué dans sa position selon la systématique de la section qu’il consacre à la « capacité contributive », la mentionne toutefois comme un « corollaire » du principe de l’égalité de traitement, p. 183 ; MOOR/FLÜCKIGER/MARTENET,p. 839 et s. ; en droit allemand, voir TIPKE/LANG, p. 263 N 1.

313 MOOR/FLÜCKIGER/MARTENET,p. 857.

314 SENN, p. 151 ; OBRIST (p. 170) ajoute « la théorie du sacrifice » selon laquelle le paiement d’un impôt est considéré comme un sacrifice qui doit toucher chacun avec la même intensité ; ég. GLAUSER, Le principe de déterminance, p. 14. On y reviendra au moment de discuter de la notion d’équité verticale, infra p. 135.

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est réalisée dans les faits. Pour réaliser l’égalité de traitement, le juge doit ainsi tenir compte de la situation dans laquelle se trouve le contribuable et des particularités du problème posé315. Dans la pesée des intérêts, la procédure (ou la méthode) compte autant que les valeurs et conceptions dominantes. Le principe de l’égalité de traitement dans l’impôt constitue le visage abstrait de la garantie : le législateur ne doit pas traiter a priori un individu de façon plus favorable qu’un autre, en l’absence de motifs objectifs316. L’analyse porte sur le texte de la loi. Elle a lieu ex ante, à savoir avant la survenance des faits pertinents et l’intervention de l’autorité d’application dans une décision de taxation.

b. L’égalité dans et devant la loi

La question de l’égalité dans et devant la loi suppose en général une prise en compte d’intérêts contradictoires et l’exercice d’un jugement de valeur. C’est la raison pour laquelle elle peut recevoir une réponse différente en fonction des époques et des idées dominantes317. La doctrine déduit en outre de l’égalité de traitement le principe de l’universalité de l’impôt qui donne lieu aux exigences de généralité et d’uniformité de l’impôt. Toute personne ou groupe de personnes doit être imposé selon la même règlementation juridique, les exceptions qui ne reposent sur aucun motif objectif étant inadmissibles318. Le principe de la généralité de l’impôt prohibe la surimposition d’un petit groupe de contribuables et englobe une protection constitutionnelle des minorités319. Les discriminations reposant sur des critères comme la nationalité, la religion ou l’ethnie sont en particulier interdites. Les discriminations indirectes, à savoir celles qui aboutissent de fait au même résultat, sont aussi prohibées320.

315 REICH, Leistungsfähigkeitsprinzip, p. 13 ; pour MOOR (Dynamique du système juridique, p.

121) la garantie de l’égalité de traitement est analogue à une clause générale permettant au juge « d’invalider des programmes normatifs raisonnablement insoutenables » ; OBERSON R., De la capacité contributive, p. 389.

316 Sur les différences terminologiques en langue allemande, voir YERSIN, L'égalité de traitement, p. 164 ; du point de vue terminologique, on peut distinguer les principes de l’universalité de l’impôt et d’égalité devant l’impôt, mais en réalité on vise la même chose : le traitement identique des tous les contribuables. Pour cette raison, on renoncera à utiliser cette dichotomie.

317 OBERSON, Droit fiscal, p. 34 N 18 ; MOOR/FLÜCKIGER/MARTENET,p. 854 ; ég. ATF 137 I 167, consid. 3.5 p. 175 et s. ; 136 I 1, consid. 4.1 p. 5 et s. ; 127 I 185, consid. 5 p. 192.

318 YERSIN (L'égalité de traitement, p. 166) distingue la portée des deux adjectifs, sans incidence de fond ; RIVIER, Revenu, p. 83 et s. ; RUSCONI, p. 43.

319 YERSIN, L’égalité de traitement, p. 166.

320 Pour des exemples en matière d’imposition à la source, voir en particulier ATF 136 II 241 ; 140 II 167.

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Le principe de l’égalité devant l’imposition représente le visage concret de la garantie : dans leurs décisions, les autorités d’application de la loi ne doivent pas traiter un individu de façon plus favorable qu’un autre en présence de situations similaires321. A l’inverse, un traitement différencié s’impose lorsque les situations respectives diffèrent. Le principe de l’égalité dans l’imposition apparaît comme la composante fonctionnelle de la garantie : en présence d’une situation d’application de la loi, la situation personnelle de l’individu est mise en perspective avec celle des autres.

c. La fin plutôt que les moyens

Des considérations de finalité entrent également en compte au moment de veiller au respect du principe de la capacité économique322. Celui-ci commande de privilégier la situation réelle des contribuables, leurs intentions, à la forme juridique apparente. Dans le choix des éléments à mettre en relation pour la comparaison, les effets éventuels de la décision sur les comportements à venir des contribuables ne peuvent être ignorés. C’est ainsi que se pose la question de la liberté d’appréciation ou la latitude de jugement dont dispose l’autorité ou le juge au moment d’appliquer la loi. Plus la loi est précise, et moins son application est susceptible de varier en fonction des personnes qui en ont la charge323. Le principe d’égalité s’oppose à ce que la forme juridique choisie par le contribuable le place dans une situation économique plus ou moins favorable. Le principe de neutralité de l’impôt vise en effet à limiter les effets de distorsion de l’économie que pourrait causer le droit fiscal. Le système fiscal ne doit pas entraver la décision du contribuable de mener son entreprise sous la forme juridique qu’il estime apte à atteindre le but qu’il s’est fixé. Raison individuelle, société simple ou en nom collectif : ces structures juridiques ne doivent pas être désavantagées les unes par rapport aux autres. Pour autant, le contribuable sait que la création d’un nouveau sujet de droit donne naissance à un sujet fiscal supplémentaire. La fondation d’une personne morale ajoute un niveau d’imposition. Le contribuable qui limite sa responsabilité patrimoniale en agissant par le truchement d’une personne morale doit accepter les conséquences logiques de l’interposition d’un sujet de droit entre lui-même et ses avoirs. Ainsi, la double imposition économique qui en résulte ne viole

« en soi » ni le principe de la neutralité de l’impôt ni celui de la capacité

321 MOOR/FLÜCKIGER/MARTENET,p. 856 ; TANQUEREL, p. 82 et les arrêts cités.

322 Du même avis, KOLLER, p. 767.

323 En ce sens, MOOR/FLÜCKIGER/MARTENET,p. 857.

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économique. Cependant, il arrive que l’impôt sur le revenu cherche à limiter les effets de la double imposition économique.

La loi prévoit l’imposition partielle des dividendes pour les contribuables qui détiennent au moins 10 % du capital-actions d’une société anonyme. Les bénéfices que celle-ci distribue ne sont en effet imposables qu’à raison d’une fraction du montant versé qui varie selon que les actions sont détenues dans la fortune commerciale ou la fortune privée du contribuable324. Cette procédure a pour effet de réduire à la fois la matière imposable et la progressivité du taux pour certains contribuables.

Le principe d’égalité prohibe enfin l’imposition d’un même revenu auprès du même contribuable par deux collectivités publiques différentes. Le principe de l’interdiction de la double imposition, inscrit à l’art. 127 al. 3 1ère phr. Cst. féd., sert de grief au contribuable qui se plaint de ce que deux collectivités publiques entendent imposer simultanément (au cours de la même période) le même substrat économique. Un canton excède les limites de sa souveraineté fiscale lorsqu’il prétend prélever un impôt dont la perception est de la seule compétence d’un autre canton (double imposition virtuelle) ou lorsqu’il impose plus lourdement un contribuable en raison du fait qu’il n’est pas « entièrement soumis à sa souveraineté fiscale » (imposition discriminatoire)325.

Un principe concrétisé dans la loi B.

a. Le revenu global net

Le principe constitutionnel de la capacité économique est concrétisé dans le régime légal en Suisse, lequel ne repose pas sur le système d’imposition du revenu par cédules, mais sur celui d’un revenu global net326.

Le Tribunal fédéral considère que prendre en considération l’ensemble des revenus dans une assiette d’imposition large concrétise le principe de l’imposition selon la capacité économique327. Il s’agit en particulier d’éviter « les lacunes»328, car lorsque l’ensemble des avantages économiques sont appréhendés, les situations des uns et des autres peuvent effectivement être comparées. Les lois fiscales sont, en principe, conçues de façon à déterminer le revenu brut, puis le revenu net et le revenu imposable, sans distinction de nature entre les

324 Art. 20 al. 1bis LIFD pour les revenus de la fortune privée et 18b LIFD pour les revenus de la fortune commerciale.

325 OBERSON,Droit Fiscal,p.477N12 ;TANQUEREL, p. 84 et s.

326 En ce sens, REICH, Leistungsfähigkeitsprinzip, p. 11.

327 ATF 140 II 157 consid. 7.4 p. 162.

328 Ibidem. 295

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différentes formes de revenus. Des exceptions existent naturellement329. Le calcul de l’impôt et la fixation du taux s’opèrent, en deuxième lieu, à partir d’un pot commun. Cette méthode diffère du système appliqué en France, par exemple, où les revenus se voient appliquer des taux particuliers en fonction de leur nature.

Le système suisse garantit ainsi l’équité horizontale et verticale.

b. Quant au lieu, au temps et à la matière

La capacité économique commande la prise en compte de l’unité de lieu (i.), de temps (ii.), et de matière (iii.) dans l’imposition.

i. Le lieu. Le système légal vise à appréhender l’intégralité des revenus acquis durant la période fiscale indépendamment de leur source géographique. Si la détermination du revenu était limitée aux facteurs imposables situés en Suisse ou liés avec celle-ci, l’autorité fiscale n’aurait qu’une vision « tronquée » des moyens réels du contribuable. En droit suisse, l’assujettissement fondé sur un rattachement personnel est ainsi illimité. Pour des raisons de répartition internationale des revenus, il ne s’étend toutefois pas aux entreprises, aux établissements stables et aux immeubles situés à l’étranger330. Cela étant, l’ensemble des revenus mondiaux sont déterminants pour fixer le taux. La même solution vaut a priori pour les pertes331. Le Tribunal fédéral a précisé le sens de cette exception au principe de l’imposition du revenu global net dans une affaire où des contribuables, domiciliés en Suisse, avaient fait valoir la déduction d’un excédant d’intérêts passifs liés à un immeuble situé en France332. Dans une interprétation de l’art. 6 al. 3 LIFD, le Tribunal fédéral a retenu que :

« [D]u moment que l’assujettissement fondé sur un rattachement personnel en Suisse ne s’étend pas aux rendements (positifs) des entreprises, des établissements stables et des immeubles situés à l’étranger, il est cohérent que les résultats négatifs ne puissent - sous réserve des pertes des établissements stables (art. 6 al. 3, 2e phrase, LIFD) - être déduits lors de la détermination de l’assiette imposable en Suisse, même si cela déroge au principe de l’imposition du revenu global net. »333

En réponse à la doctrine qui considère cette exception comme contraire à l’égalité de traitement, le Tribunal fédéral rappelle qu’il est lié par le texte et la systématique de la disposition légale qu’il

329 A ce sujet, infra Chapitre 7.

330 Art. 6 al. 1 LIFD.

331 Art. 6 al. 3 LIFD.

332 ATF 140 II 141 ; pour une décision reposant sur des faits similaires et tranchée à la lumière du principe de l’égalité de traitement, voir ATF 140 II 157.

333 ATF 140 II 141 consid. 5.3 p. 150.

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appartient au législateur de modifier334. De même, il souligne régulièrement que « du point de vue de l’égalité de traitement, ce qui compte est la situation économique globale des contribuables, qui doit être évaluée en fonction de l’ensemble des revenus de ceux-ci »335.

ii. Le temps. Le système légal vise à appréhender l’intégralité des revenus acquis durant la période fiscale. Le principe d’anuité de l’impôt et l’étanchéité de la période fiscale peuvent causer des écarts avec la situation économique réelle du contribuable. On y reviendra en détail dans la seconde section de ce chapitre336.

iii. La matière. L’opération de détermination de la matière imposable suppose de déduire les frais et dépenses nécessaires à l’acquisition de ces revenus, ainsi que certains éléments relevant de la situation personnelle du contribuable. Le contribuable n’est enrichi qu’à concurrence de la différence entre ce qui entre dans son patrimoine et ce qui en sort au moment de l’acquisition. C’est ainsi uniquement l’entrée nette (recette) qui augmente le patrimoine du contribuable, selon le principe de la capacité économique. En dérogation à celui-ci, la loi fiscale opère exceptionnellement des différences de traitement malgré la similarité des objets337.

c. Un aperçu des tensions entre le principe de la capacité économique et le système d’imposition

Si les lois fédérales et cantonales en Suisse suivent ce régime incluant les facteurs géographique, temporel et matériel, des exceptions sont faites à l’imposition du revenu global pour des motifs socio-économiques, de technique juridique et d’économie administrative338. Le gain en capital est la première d’entre elles. Les lois fédérales d’imposition du revenu prévoient en effet les exonérations des gains en capital de la fortune privée et du produit de la vente des droits préférentiels de souscription (Bezugsrechten)339. De telles exonérations entrent en conflit avec une imposition conforme au principe de la capacité économique. En vertu du droit constitutionnel, le Tribunal

334 ATF 140 II 141 consid. 5.3 p. 149 et s. avec les références citées.

335 Arrêt du TF 2C_1133/2015 du 11 novembre 2016 consid. 5.2 publié à la RDAF 2016 II 537 p. 541.

336 Infra p. 141 ss.

337 Infra Chapitre 7.

338 Infra Chapitre 7.B.

339 Art. 16 al. 3 et 20 al. 2 LIFD ; en revanche, pour l’attribution ou l’exercice de tels droits, voir p. 41.

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fédéral est toutefois tenu d’appliquer les lois fédérales qui le lient (Cst.

féd. 190)340.

Un principe concrétisé dans la jurisprudence C.

Pour les impôts directs, l’art. 127 al. 2 Cst. féd. constitue un grief constitutionnel recevable devant le Tribunal fédéral. Celui-ci a eu l’occasion de montrer que le principe de la capacité économique a une portée double : il s’applique, d’une part, aux contribuables ayant des revenus identiques et, d’autre part, aux rapports entre contribuables ayant des revenus différents341. La méthode du Tribunal fédéral consiste à comparer des situations de fait en exerçant une forme de retenue, notamment en raison de la qualité d’autorité spécialisée de l’administration fiscale. Il distingue, à cet égard, la question de l’équité horizontale (a.) de celle de l’équité verticale (b.). Cette jurisprudence appelle trois commentaires (c.).

a. L’équité horizontale

Le principe d’égalité fiscale horizontale (ou équité horizontale) exige qu’à situation de fait équivalente corresponde une charge fiscale équivalente. Les individus dont la capacité économique est semblable doivent payer des impôts correspondants. La doctrineinsiste, à juste titre, sur l’utilisation du mot « gleich » et non « identisch » pour montrer que ce n’est pas une véritable identité de situations qu’il faut rechercher, mais bien des situations similaires ou analogues342. Le Tribunal fédéral l’a confirmé :

« [D]ans les rapports horizontaux, le principe de l’imposition selon la capacité économique n’exige pas une imposition absolument identique, la comparaison étant également limitée dans ce cas. »343

Exiger davantage reviendrait en effet à priver la disposition de toute portée. Les parties pourraient prétexter sans cesse que des différences mineures existent et, ainsi, faire échec à la comparaison344. En outre, ce principe ne vise pas le revenu imposable, car il va de soi qu’à revenus imposables semblables, les contribuables ont une charge fiscale

340 Pour une présentation des arguments qui plaident en faveur et en défaveur d’une inclusion des gains en capital dans la base imposable, infra Chapitre 7.B.

341 ATF 133 I 206 consid. 7.2 publié à la RDAF 2007 II 505 p. 515 et s. ; 118 Ia 1 consid. 3a p. 3 ; 110 Ia 7 consid. 2b publié à la RDAF 1985 51 p. 57 ; ég. OBERSON R., De la capacité contributive, p. 387.

342 MENGIARDI, p. 107. Pour des exemples où les situations n’ont pas été jugées analogues, voir AUER/MALINVERNI/HOTTELIER, Vol. 2, p. 483.

343 ATF 140 II 157 consid. 7.3 p. 162.

344 MOOR/FLÜCKIGER/MARTENET,p. 840 et s.

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identique. Ce qui est visé, c’est un traitement approprié de deux situations économiques semblables345.

Si l’identité des situations n’est pas nécessaire, l’équité horizontale demeure problématique à faire valoir en justice. Faute de critères précis, l’autorité dispose d’une marge de manœuvre importante ; le juge l’apprécie avec retenue346.

« Dans l’examen de dispositions légales inévitablement imparfaites, le juge constitutionnel doit par conséquent faire preuve d’une certaine retenue sous peine de courir le danger de créer une nouvelle inégalité alors qu’il cherche à

« Dans l’examen de dispositions légales inévitablement imparfaites, le juge constitutionnel doit par conséquent faire preuve d’une certaine retenue sous peine de courir le danger de créer une nouvelle inégalité alors qu’il cherche à