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de droit fiscal

3. Les normes et mesures correctives

Si la construction juridique que choisit le contribuable ne correspond pas à la réalité de ses intentions, l’autorité fiscale peut se trouver libérée du rapport de

683 Arrêt du TF 2A.470/2002 et 2A.473/2002 du 22 octobre 2003 consid. 4.1 publié à la RDAF 2004 II 65 p. 71 et s. ; REICH (Steuerrecht, p. 139 N 14) donne à cet égard l’exemple de la notion d’immeuble utilisée à l’art. 4 al. 1 let. c. 1ère phrase LIFD ; à propos de la notion de succession, voir NOËL (ad art. 24, N 6) ; TORRIONE,Fraude et soustraction, p.167 ; SALOM, p. 47 et p. 50 ; OBERSON, Droit fiscal, p. 63 N 13 ; RIVIER, Revenu, p. 105.

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base. Elle dispose d’instruments de sauvegarde de sa créance. Ces instruments sont au nombre de deux :

1° Les normes correctives (A.) ; 2° La théorie de l’évasion fiscale (B.).

Après les avoir présentés brièvement, nous serons en mesure de montrer que la théorie de l’évasion fiscale ne s’applique qu’aux règles qui ne contiennent pas déjà un renvoi implicite ou exprès à la réalité économique (C.).

Les normes correctives A.

a. Le procédé

Il existe en droit suisse des normes correctives684 qui permettent à l’autorité fiscale de s’écarter du résultat auquel conduit l’opération des parties. Elles visent à éliminer, ex post, une faiblesse du système.

Etant donné que les objectifs visés sont différents, certaines règles de droit comptable sont, par exemple, appréciées plus restrictivement en droit fiscal. Les normes correctives peuvent ainsi entraîner une distorsion de la notion civile qu’elles comportent afin d’assurer l’adéquation entre une action particulière du contribuable et le but que vise la loi.

Expliquons-nous : par opposition aux règles comptables où le principe de la prudence suppose que l’on présente une vision conservatrice de la valeur des actifs afin de protéger les créanciers, les normes fiscales visent à se rapprocher de la valeur économique (ou d’usage) des actifs685. Le droit comptable, rapport de base, garde sa valeur probante sous réserve de corrections censées refléter plus précisément l’état patrimonial de l’entreprise. Les notions d’amortissement et de provision illustrent cette dualité : sans remettre en cause le fondement juridique de l’opération, ces normes spéciales permettent de corriger - sur le plan fiscal uniquement - les effets de l’opération choisie ou le résultat que présentent les parties686.

Ces normes comprennent des notions propres au droit fiscal (renvois implicites) qui ont pour effet d’introduire un mécanisme de substitution à la superposition fiscale.

684 A l’usage majoritaire en doctrine de « normes correctrices », on préférera l’expression de normes ou actions correctives pour évoquer non seulement la réparation d'une erreur ou d’une défaillance du système, mais également l’action subséquente d’en compenser ou atténuer les effets.

685 Sur la question, voirGLAUSER,p.98ss et p.125 ss ;ég. OBRIST, p. 17.

686 ATF 136 II 88 consid. 3.1 p. 92.

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b. Le respect du rapport de base : l’exemple de l’autorité du bilan comptable

De jurisprudence constante, le Tribunal fédéral rappelle que l’art. 58 al.

1 let. a LIFD énonce le principe de l’autorité du bilan commercial (Massgeblichkeitsprinzip), selon lequel le bilan commercial est déterminant en droit fiscal ; les comptes établis conformément aux règles du droit commercial lient les autorités fiscales, à moins que des règles spécifiques n’en corrigent les effets687. C’est en matière d’imposition du bénéfice des personnes morales que ces normes correctives sont le plus fréquentes. En faveur ou en défaveur du contribuable, elles tempèrent les effets du principe de l’autorité du bilan comptable pour aboutir à un résultat qui reflète plus adéquatement la réalité économique (bilan fiscal)688. L’art. 65 LIFD mentionné précédemment en est une illustration689.

Il se peut que de telles corrections s’imposent déjà en vertu du droit comptable, par exemple, en cas de violation formelle ou matérielle des règles comptables. Il se peut aussi que les dispositions fiscales conduisent à la prise en compte d’un résultat que les états financiers ne font pas apparaître sans pour autant violer le droit690. Les normes correctives donnent ainsi la possibilité aux autorités fiscales de réintroduire dans le résultat fiscal des éléments qui n’apparaîtraient pas dans les comptes commerciaux. Les fiscalistes suggèrent de tenir un « bilan fiscal » pour exprimer la différence de comptabilisation à laquelle les autorités fiscales procèdent (p. ex. refus d’un amortissement ou d’une provision). Ce bilan fiscal peut être opposé à l’autorité afin de lui montrer que des réserves latentes ont déjà été imposées. Il permet ainsi de conserver la trace des corrections/reprises déjà effectuées par les autorités fiscales.

c. Le complément interprétatif

On a vu que lorsque les normes de droit fiscal comprennent une notion empruntée au droit civil, on peut se demander s’il faut lui attribuer une portée identique à celle qui lui est habituellement donnée ou si, au contraire, le droit fiscal lui donne une signification particulière,

687 Voir notamment ATF 137 II 353 consid. 6.2 p. 359 ; arrêts du TF 2C_787/2012 du 15 janvier 2013 consid. 2.2 publié à la RDAF 2013 II 380 p. 383 et s., 2C_911/2013 et 2C_912/2013 du 26 août 2014 consid. 6.1.1 ; bien qu’elle ne doute pas de son applicabilité en droit fiscal suisse, SALOM (p. 51) semble de l’avis que la loi ne se réfère pas (explicitement) au Massgeblichkeitsprinzip.

688 Voir notamment les art. 58 al. 1 let. b. et c. LIFD ; 63 al. 2 LIFD.

689 Arrêt du TF 2C_419/2015 du 3 juin 2016 consid. 4.1.2 (non reproduit in ATF 142 II 355).

690 GLAUSER, Les normes true and fair et le principe de déterminance, p. 537.

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dire autonome691. Concrètement, la norme fiscale doit-elle, à chaque fois, être dotée d’un « complément interprétatif » ou les buts que vise le droit fiscal suffisent-ils à autoriser, de manière générale, le juge à lui assigner un sens différent ?

Le Tribunal fédéral a plusieurs fois jugé que certaines notions empruntées au droit privé doivent être déterminées de manière indépendante en droit fiscal692. La question lui a été posée en particulier en relation avec les notions de « donation » et de

« succession » que l’on trouve dans les lois d’imposition du revenu (LIFD 24 let. a) :

« Le fait que des prestations ne tombent pas dans la masse successorale au sens du droit des successions n’implique donc pas que cette conclusion s’impose également en droit fiscal. »693

Une partie de la doctrinesoutient que les notions de succession et de donation figurant dans la LIFD doivent être interprétées conformément à leur portée en droit privé dès lors qu’elles ne sont pas accompagnées d’un complément interprétatif (p. ex. « ou tout autre transfert qui lui est économiquement assimilable »)694. Dans sa circulaire sur l’imposition des trusts, l’AFC semble du même avis que le professeur NOËL lorsqu’il s’agit de définir la nature de l’avantage économique que reçoit le bénéficiaire du trust. Dans ce contexte, la délimitation a lieu entre revenu imposable de la clause générale et revenu exonéré (donation) :

« [L]a notion de donation ne correspond pas aux définitions des lois cantonales non harmonisées sur les impôts sur les donations et sur les successions. Elle se définit plutôt par délimitation par rapport au concept de revenu (imposable) établi par la LIFD et la LHID. Cette notion s’appuie sur le droit civil, selon lequel une donation présuppose la réalisation de quatre conditions, à savoir une attribution entre vifs, un enrichissement provenant du patrimoine d’un tiers, la gratuité et une volonté de donner, respectivement de procurer un avantage. »695

Nous nous rallions à l’opinion selon laquelle les notions de successions et de donations auxquelles recourt la LIFD ne sont pas des notions qui renvoient implicitement à la réalité économique étant donné l’absence

691 Supra, p. 124 et s.

692 Voir ATF 131 I 409 publié à la RDAF 2006 II 35 et ATF 130 I 205.

693 Voir ATF 131 I 409 consid. 5.5.1 publié à la RDAF 2006 II 35 p. 43 et la référence à l’ATF 130 I 205 consid. 9.1 et 9.2 p. 221.

694 NOËL,CRLIFD,ad art. 24 N 6 ; ég. WURLOD (p. 91) selon lequel « la nature juridique strictement légale et objective de cette créance [la créance fiscale], qui s’oppose à ce que le fisc se fonde directement sur la réalité économique quand le législateur a eu recours, dans sa loi, à une notion de droit privé pour désigner une situation économique » ; au sujet de la controverse concernant l’animus donandi, voir HUNZIKER/MAYER-KNOBEL, Kommentar DGB, ad art. 24 N 7.

695 AFC, Imposition des trusts, p. 8.

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de complément interprétatif696. Il faut donc les interpréter à partir du sens qui leur est attribué en droit privé. En cas d’abus, l’autorité ou le juge peut refuser de reconnaître l’opération aux conditions de l’évasion fiscale. Nous allons brièvement aborder ces conditions à présent.

La théorie de l’évasion fiscale B.

A priori l’autorité fiscale est tenue de respecter l’opération ou la structure qui résulte du choix du contribuable, mais l’autorité peut écarter les effets de la superposition au cas où celui-ci dissimule l’intérêt économique qu’il poursuit derrière une construction juridique. Cette mesure est possible aux conditions restrictives de l’évasion fiscale (Steuerumgehung). Il s’agit du deuxième type d’institution juridique à disposition de l’autorité fiscale pour corriger le résultat du principe de superposition697.

a. Une construction jurisprudentielle

L’autorité d’application de la loi est autorisée à interpréter une notion ou institution relevant du droit privé dans un sens qui permette de préserver les objectifs que vise le droit fiscal698. Dans l’hypothèse où le rapport de base est dénué de justification économique, il se peut en effet qu’il soit écarté (ignoré) en application de la théorie de l’évasion fiscale.

Introduite et développée par la jurisprudence, la théorie de l’évasion fiscale permet à l’autorité fiscale d’ignorer la construction juridique que lui présentent les parties699. A la place de l’opération choisie, l’autorité fiscale peut substituer une forme juridique plus appropriée à la réalité économique. La sévérité de cette conséquence impose un examen précis des circonstances. Celui-ci a lieu ex post, c’est-à-dire après que les faits se sont déroulés. Ainsi, à la lumière de l’ensemble des circonstances de l’espèce, l’autorité peut refuser la conclusion logique de la règle de droit.

b. Les critères d’application

Pour s’écarter du rapport de base, l’autorité fiscale doit prouver cumulativement ce qui suit.

696 Pour les références, supra note de bas de page 694.

697 Dans ce sens, WURLOD (p. 93) qui traite la problématique dans une section intitulée :

« l’action d’éluder l’impôt » ; arrêt du TAF A-2347/2014 du 29 septembre 2015 consid.

2.2.

698 SALOM (p. 47 et s.) insiste sur l’autonomie du droit fiscal dont elle rappelle la divergence de but avec le droit civil pour expliquer qu’il n’est : « pas toujours approprié pour le droit fiscal de se référer au concept créé dans un contexte de droit civil » ;OBRIST, p. 16.

699 Pour un état des lieux, voir notamment PONCE, p. 125.

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i. L’opération juridique qu’a mise en place le contribuable apparaît comme insolite ;

ii. Elle a été mise en place uniquement dans le but d’économiser des impôts ;

iii. Elle conduirait effectivement à une économie d’impôts si l’autorité l’acceptait700.

Selon le Tribunal fédéral, les deux premières conditions ne sont pas indépendantes l’une de l’autre, mais reliées entre elles et se recoupent même partiellement. En d’autres termes, l’élément objectif - que représente le caractère insolite du procédé - sert d’’indice pour établir l’intention de commettre une évasion fiscale701.

c. Le résultat de l’opération

Lorsque les conditions de l’évasion fiscale sont réunies, l’autorité fiscale peut, par exemple, refuser de reconnaître l’existence juridique d’une opération ou transaction particulière du contribuable. Pour le professeur OBERSON :

« L’administration est fondée à faire abstraction de la forme choisie par le contribuable pour procéder à une analyse de la réalité économique. » 702 L’autorité fiscale peut aller jusqu’à refuser de reconnaître la structure choisie et ainsi remettre en cause l’ensemble des éléments d’attribution du revenu. Ce procédé est qualifié, parfois plus ou moins adroitement, de « transparence ». Techniquement, on ne peut en réalité appliquer la

« transparence » qu’à un sujet de droit. La transparence ne peut que concerner les personnes morales (p. ex. société anonyme ou société à responsabilité limitée). Cette terminologie induit en erreur dans le cas des sociétés de personnes ou des trusts qui sont dépourvus de personnalité morale703. Au lieu de transparence, nous préférons souligner que le droit fiscal ignore alors le rapport de base704.

700 Sur les conditions de l’évasion fiscale, voir notamment les ATF 102 Ib 151 consid. 3b p.

155 ; 98 I 118 consid. 3d) p. 323 ; 90 I 217 consid. 2. p. 221 ; 80 I 30 consid. 3 p. 34 ; voir ég. l’ATF 30 I 237 consid. 2 p. 243 où le Tribunal fédéral évoque, à notre connaissance, pour la première fois la possibilité de tenir compte de la réalité des faits, en procédant à une appréciation du cas selon la réalité économique ; cela étant, voir BLUMENSTEIN (déjà), Zivilrecht und Steuerrecht, p. 223a et s.

701 Arrêt du TF 2A.660/2006 du 8 juin 2007 consid. 5.1 ; arrêts du TAF A-4794/2012 du 13 mars 2013 consid. 2.8.2, A-1521/2006 du 5 juin 2007 consid. 6.1 ; cette jurisprudence est également applicable en matière d’impôt anticipé, voir BAUER-BALMELLI, VstG-Komm, ad art. 21 N 36.

702 OBERSON, Droit fiscal, p. 66 N 22.

703 En ce sens, SALOME (CR LIFD, ad art. 10 N 3) préfère l’expression « translucide » à transparente.

704 Sur le rapport de base et le rapport de superposition, supra p. 125 ss.

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Notre appréciation : l’évasion fiscale ne concerne que les normes C. répondant au principe de superposition

Les normes correctives de droit fiscal et la théorie de l’évasion fiscale sont deux instruments juridiques à disposition de l’autorité fiscale qui atténuent ou annulent les effets du principe de superposition. Les unes et l’autre permettent de réparer ex post une défaillance du système.

Encore une fois, l’application d’une mesure corrective suppose que l’on soit en présence d’une norme qui comporte une notion de droit privé. La théorie de l’évasion fiscale ne peut intervenir comme mécanisme correctif que dans ces conditions.

a. L’abus d’un droit ou l’abus de droit

A la différence des normes correctives qui procèdent d’une redéfinition (souvent par extension) de notions de droit civil, le recours à la théorie de l’évasion fiscale consiste à ne pas reconnaître aux parties les conséquences fiscales qui découleraient de la structure qu’elles ont mise en place705. On refuse l’application stricte d’une norme de droit fiscal qui s’appuie sur une notion de droit civil au motif que l’opération juridique choisie procède d’une volonté de dissimuler la nature économique réelle de l’opération. WURLOD décrit le comportement qu’il qualifie d’action « d’éluder l’impôt » comme suit :

« C’est l’attitude d’un individu qui, d’emblée et ouvertement, crée les faits générateurs de façon que l’impôt qui serait normalement dû pour une situation économique semblable, ne naisse pas ou naisse différemment. »706

La théorie de l’évasion fiscale consiste, en d’autres termes, à refuser à son titulaire l’usage d’un droit, parce que, dans le cas d’espèce, il en

« abuse »707. Elle procède d’une requalification de l’état de fait, conformément à la vraie nature des rapports en présence.

Nous ne suivons pas ceux qui écrivent que l’évasion fiscale consiste à modifier l’état de fait708, car les faits sont immuables et nul n’est doué

705 TORRIONE, Fraude et soustraction, p. 169-173.

706 WURLOD, p. 37 ; plus généralement, sur la fonction correctrice de l’art. 2 al. 2 CC, voir CORNU, en particulier p. 94.

707 TORRIONE (L’approche selon la réalité économique, p. 316) utilise la formule suivante pour décrire la position du juge devant cet état de fait : « [d]ans un contexte général semblable à celui décrit par l’art. 2 CC pour le droit privé, les tribunaux se donnent alors à eux-mêmes, ‘lorsque, en raison des circonstances [pathologiques] de l’espèce, l’application normale de la loi ne se concilie pas avec les règles de la bonne foi’, la

‘prescription’ de procéder à une ‘Besteuerung auf Grund rein wirtschaftlicher Betrachtung’ » ; pour des exemples d’abus de droit dans en droit administratif, voir TANQUEREL,p. 198.

708 En particulier, YERSIN/AUBRY GIRARDIN (CR LIFD, Remarques préliminaires N 54) considèrent que l’institution de l’évasion permet de « rectifier un état de fait artificiel » ; ég. RYSER/ROLLI (p. 70), selon ces auteurs, le « fait en vue d’éluder l’impôt » - par quoi ils

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de les infléchir, qu’il s’agisse de l’autorité fiscale, du juge ou d’un auteur de doctrine709.

Pour le dire simplement, et, quoique le fondement dogmatique de l’institution soit discuté710, l’évasion fiscale est une manifestation particulière en droit fiscal du principe général de l’interdiction de l’abus de droit (CC 2 II)711. Trois arguments de logique juridique dictent notre position :

1° Il n’y a pas d’autre institution juridique qui permette de refuser l’application d’une règle de droit aux parties, lesquelles se sont engagées valablement en exerçant leur liberté contractuelle712 ; 2° La théorie de l’évasion fiscale est pertinente lorsqu’une norme de

droit fiscal s’appuie sur une notion de droit civil713, elle est donc une mesure particulière de lutte contre l’abus de droit dans le domaine fiscal ;

désignent l’évasion fiscale - « autorise le fisc à substituer à l’agencement formel (mais insolite) donné par le contribuable à une transaction, agencement ne tombant par dans les prévisions d’application de la norme, un autre état de fait, correspondant à la transaction sous-jacente véritablement envisagée, qui, elle, tombe dans les prévisions de la norme ». L’idée de rectification, comme celle de substitution de l’état de fait est trompeuse. Il est, selon nous, plus exact de parler d’une requalification de l’état de fait par le juge ; SALOM (p. 97 et p. 100) quoiqu’elle utilise une autre formulation ensuite (not.

p. 102).

709 Dans ce sens, TORRIONE, Fraude et soustraction, p. 169.

710 Tout en relevant l’absence de « base » précise pour fonder l’évasion fiscale, et, en déplorant le fait que le Tribunal fédéral ne se soit pas prononcé clairement sur la question, GLAUSER (Evasion fiscale, p. 11) ne prend pas non plus position de façon explicite en faveur de l’une ou l’autre des positions défendues par la doctrine. En revanche, dans le même ouvrage, TORRIONE (Fraude et soustraction, p. 161-174) se prononce avec force d’arguments pour un ancrage de la théorie de l’évasion fiscale au principe général de l’interdiction de l’abus de droit ; dans le même sens HÖHN, Steuerumgehung, p. 160 et s. ; VUILLEUMIER, Evasion fiscale, p. 91 et s. ; RIVIER, Revenu, p. 106.

711 Dans ce sens, LOCHER, Rechtsfindung, p. 196 ss ; OBERSON, Droit fiscal, p. 67 N 25 ; ég.

ATF 102 Ib 151 consid. 3b p. 156, où le TF dit expressément que : « celui qui fait usage d'un procédé insolite, d'une construction de droit privé inadaptée aux données économiques, commet un abus de droit sur le plan fiscal » (Rechtsmissbrauch) ; contra MATTEOTI, Durchgriff, p. 188 ; pour une synthèse, voir PONCE,p. 145 ; pour des cas de Durchgriff, voir ATF 136 I 49 consid. 5.4 p. 60 ; arrêts du TF 2C_396/2011 du 26 avril 2012 consid. 4.2.1 publié à la RDAF 2012 II 503 p. 510 et s., 2A.145/2005 du 30 janvier 2006 consid. 7.2 publié à la RF 61/2006 523 p. 533.

712 Droit fondamental garantissant la protection des individus contre l’Etat, non l’inverse, le principe de l’interdiction de l’arbitraire ne devrait, selon nous, pas pouvoir être invoqué par celui-ci à l’endroit de ceux-là ; dans ce sens VUILLEUMIER, Evasion fiscale, p. 91 ; d’un autre avis, MATTEOTTI, Durchgriff, p. 188 ;SALOM, p. 99 et s. ; GÄCHTER,p. 371 ;REICH, Steuerumgehung, p. 137 et s. ; pour un aperçu des auteurs favorables au recours à l’interdiction de l’arbitraire comme fondement général pour la correction de la loi, voir CORNU, p. 156.

713 BLUMENSTEIN/LOCHER, § 3 p. 38 et s.

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3° Comme on peut refuser, en droit privé, l’usage d’un droit à la partie qui en abuse, on peut refuser, en dérogation au principe de superposition, la reconnaissance du rapport de base à la partie qui s’en prévaut en contradiction avec le but de la loi fiscale.

L’abus de droit consiste ainsi « à faire primer l’équité sur la rigueur du droit », comme le relève avec élégance CORNU714.

b. L’incidence pratique

Il résulte en premier lieu de cette position que, pour faire abstraction du rapport de droit créé par les parties, les autorités fiscales doivent être en mesure de démontrer dans chaque cas d’espèce, non de façon systématique715, qu’une application ordinaire de la loi ne se concilierait pas avec le sentiment de justice, ou plus précisément, avec les intérêts financiers de l’Etat716.

Il en résulte, en second lieu, que l’évasion fiscale suppose la prise en compte autant d’aspects subjectifs qu’objectifs. L’autorité fiscale doit montrer que le contribuable vise à obtenir une diminution de sa dette fiscale, en adoptant une construction juridique à travers au moins deux comportements contradictoires.

En dernier lieu, le recours à la théorie de l’évasion fiscale suppose, en bonne logique, une norme qui renvoie au droit privé. En effet, seule une norme de droit fiscal qui procède à partir des rapports de droit civil est susceptible de permettre au contribuable de mettre en place une structure qui « masque » la réalité de ses intentions dans le but de

En dernier lieu, le recours à la théorie de l’évasion fiscale suppose, en bonne logique, une norme qui renvoie au droit privé. En effet, seule une norme de droit fiscal qui procède à partir des rapports de droit civil est susceptible de permettre au contribuable de mettre en place une structure qui « masque » la réalité de ses intentions dans le but de