• Aucun résultat trouvé

Les contributions américaines III

2. Le revenu-surplus Les définitions

A.

Inspirés de la TAP, les travaux des professeurs HAIG et SIMONS aboutissent à l’idée que le revenu correspond au surplus de ressources dont l’individu dispose, ou a pu disposer, au cours d’une période de temps délimitée.

222 L’analyse repose sur la conduite générale de l’individu, non sur des critères formels, tels qu’un chiffre d’affaires minimum ou le choix d’une structure juridique particulière ; voir arrêt du TF 2C_893/2008 du 10 août 2009 consid. 2.2 publié à la RF 64/2009 892 p. 895.

223 Pour un historique plus détaillé, voir BANKMAN/SHAVIRO/STARK, p. 8-10 ; voir l’arrêt de la Cour suprême américaine, Pollock v. Farmers’ Loan & Trust Co., 157 U.S. 429 (1895).

224 « Le Congrès aura le pouvoir d'établir et de percevoir des impôts sur les revenus, de quelque source qu'ils dérivent, sans répartition parmi les divers Etats, et indépendamment d'aucun recensement ou énumération. », Constitution des Etats-Unis d’Amérique, 16ème amendement.

225 En ce sens, BANKMAN/SHAVIRO/STARK, p. 13 ; THURONYI,p. 46 ; ABREU/GREENSTEIN, p. 296 ; GASSNER, p. 36.

214

215

216

217

Concrètement, HAIG décrit le revenu comme :

« Income is the money-value of the net accretion to one’s economic position between two points of time. »226

Pour HAIG, le revenu au sens économique inclut la contre-valeur en argent (valeur sur le marché) des biens et services qu’un agent obtient. Cette approche n’exige pas un échange d’espèces227. Les contribuables peuvent également être enrichis en l’absence de transaction dès lors qu’ils jouissent de leurs propres biens à usage durable ou se rendent des « services à eux-mêmes ». Quelques années plus tard, SIMONS décrit le revenu, avec plus de précision, comme :

« Personal income may be defined as the algebraic sum of (1) the market value of rights exercised in consumption and (2) the change in the value of the store of property rights between the beginning and end of the period in question. »228

Selon HAIG et SIMONS (la définition économique du revenu), le revenu doit être conçu de façon à englober tout ce qu’un individu consomme229 au cours d’une période donnée sans avoir à puiser dans son patrimoine, plus ce qu’il peut épargner, par rapport à la période précédente230. Ainsi, le revenu correspond à toute forme d’avantage que perçoit l’individu et auquel il est possible d’attribuer une valeur, et, plus précisément encore, au pouvoir qui est le sien de se procurer des biens et des services231. SIMONS le dit en ces termes :

« Personal income connotes, broadly, the exercise of control over the use of society’s scarce resources .... [I]t implies [an] estimate of consumption and accumulation.

Consumption as a quantity denotes the value of rights exercised in a certain way (in

226 HAIG, p. 27 selon traduction libre de l’auteur : « [le revenu est l]a valeur en argent (pécuniaire) de l’augmentation nette de la capacité économique d’une personne entre deux points dans le temps ».

227 WEIDMANN, Zeitpunkt der Realisation von Ertrag und Einkommen im Handels- und Steuerrecht, p. 9 citant HAIG.

228 En français : « [l]a somme algébrique de la valeur vénale (marchande) des droits exercés en matière de consommation par un individu (1) et de la variation de valeur du stock de ses droits de propriété entre le début et la fin de la période considérée (2) », SIMONS, Personal Income Taxation, p. 50.

229 SIMONS (Personal Income Taxation, p. 89) indique que la consommation du revenu, c’est tout acte qui tend à la « destruction », à « l’épuisement » ou à « l’utilisation définitive » du revenu.

230 Dans ce sens, THURONYI (p. 46) reformule la définition HAIG-SIMONS comme suit : « an individual’s income is the sum of his consumption plus accumulation during the taxable period. »

231 Dans ce sens, MCCOMBS, p. 476 avec renvois ; KAHN/KAHN (p. 453) soulignent à juste titre que cette conception du revenu consiste à mesurer le revenu en relation avec la consommation actuelle et future du contribable : « [a]lthough nominally aimed at measuring income, the Haig-Simons formulation is integrally associated with personal consumption. Indeed, the "income" of an individual can be viewed as a surrogate for consumption-measuring the value of the individual's current consumption plus the present value of the future consumption that can be obtained by the use of the accumulated wealth. »

218

219

220

destruction of economic goods) ; accumulation denotes the change in ownership of valuable rights as between the beginning and end of a period. »232

Tout comme HAIG, il a renoncé à faire de l’argent (ou des valeurs patrimoniales) l’aune à partir de laquelle mesurer le revenu pour éviter que n’échappent à l’impôt les avantages en nature qui procurent également un flux de satisfaction à leurs bénéficiaires233. Ainsi, il s’agit de mesurer la contre-valeur en argent des avantages auxquels peut prétendre l’individu.

Pour bien comprendre la définition économique du revenu, il y a lieu d’admettre le postulat selon lequel l’individu, qui acquiert de nouvelles ressources, se trouve confronté à une seule alternative au moment d’en faire usage :

1. Soit il les dépense (consommation immédiate) ; 2. Soit il les conserve (épargne [consommation différée]).

Dans ce schéma, la somme des deux termes de l’alternative correspond au surplus théorique dont a bénéficié l’individu au cours de la période d’examen :

Revenu = Epargne + Consommation (R = E + C)

A l’instar de ce que proposent les tenants de la TAP, il convient de procéder à une comparaison du patrimoine du contribuable au début et à la fin de la période fiscale. La variation positive correspond au revenu économique. Il y a manifestement une correspondance entre la position de l’Allemand SCHANZ et des Américains HAIG et SIMONS. La proposition a, elle aussi, un caractère théorique, puisqu’elle suppose que l’on se place à un moment postérieur à celui auquel le phénomène se produit pour reconstituer le revenu. L’objet est (re)construit a posteriori. La source, l’origine et l’affectation du revenu n’ont pas d’incidence dans sa détermination234.

Quoiqu’elle ait un caractère théorique, cette approche a une influence considérable parce qu’elle permet de donner des indications sur la façon de concevoir le système d’imposition du revenu. En particulier, elle permet de réduire les différenciations de traitement en fonction de la source ce qui accroît l’efficacité de l’impôt et sert l’équité fiscale. ABREU et GREENSTEIN insistent,en particulier, sur sa neutralité quant à la forme :

« [B]ecause such a definition does not distinguish between sources of income, it does not privilege income from certain activities, which is efficient. »235

Une fois le système d’imposition du revenu choisi, la méthode permet de mettre en évidence les éléments exclus du système et de chercher des

232 SIMONS, Personal Income Taxation, p. 50.

233 SIMONS, Personal Income Taxation, p. 50.

234 MUSGRAVE, p. 47.

235 ABREU/GREENSTEIN, p. 304.

221

222

223

224

225

226

explications. Etant donné que la variation est mesurée d’une période à l’autre, les faiblesses de sa force de prédiction sont atténuées par la possibilité de répéter l’opération régulièrement.

Une illustration théorique et sa concrétisation jurisprudentielle B.

La détermination du revenu selon la définition HAIG-SIMONS peut être illustrée de la façon suivante :

Au 31 décembre de l’année X, le patrimoine de Michel s’élève à CHF 100. Au cours de l’année X + 1, Michel dépense CHF 10 pour un voyage. Au 31 décembre de l’année X + 1, le patrimoine de Michel s’élève à CHF 120. Le revenu de Michel au cours de l’année X + 1 est donc de CHF 30. Parmi ceux-ci, CHF 10 sont consommés et CHF 20 sont épargnés.

Il faut ainsi se livrer à un examen rétrospectif et hypothétique de l’état du patrimoine de l’individu :

Rétrospectif, parce que l’analyse du surplus ne peut se faire qu’au terme de la période d’examen ;

Hypothétique, parce qu’il faut « faire comme si » l’individu n’avait rien consommé au cours de la période d’examen pour connaître l’étendue de la variation de son patrimoine.

Le raisonnement suppose que l’on admette une fiction qui consiste à reconstituer les événements a posteriori : le patrimoine à la fin de la période, plus la consommation au cours de la période, moins le patrimoine au début de la période. En réalité, la proposition HAIG-SIMONS consacre plutôt une formule mathématique (équation) qu’une définition du revenu. Concrètement, l’autorité fiscale compétente peut ainsi suivre cette évolution à l’aide de logiciels informatiques pour vérifier que le « train de vie » du contribuable correspond aux revenus qu’il a déclarés.

En ajoutant les ressources consommées aux ressources accumulées pendant la période d’examen (par rapport à la précédente), on obtient ainsi le montant théorique de revenu réalisé par l’individu. Cette conception économique du revenu est celle qui domine actuellement aux Etats-Unis. Mais, cela n’a pas toujours été le cas. Dans un arrêt de 1920 (Eisner v. Macomber, 252 U.S. 189), la Cour suprême des Etats-Unis avait, tout d’abord, interprété le 16ème amendement comme suit :

« Income may be defined as the gain derived from capital, from labor, or from both combined, including profit gained through sale or conversion of capital. »236

Elle avait en outre apporté la précision d’importance que :

« Mere growth or increment of value in a capital investment is not income ; income is essentially a gain or profit, in itself, of exchangeable value, proceeding from capital,

236 Eisner v. Macomber, 252 U.S. 189 (1920), p. 207.

227

228

229

230

231

severed from it, and derived or received by the taxpayer for his separate use, benefit, and disposal. »237

Dans un premier temps, la Cour s’était ainsi inspirée de la théorie des sources pour définir le revenu imposable. Le revenu comprenait les gains provenant du travail, du capital ou des deux ensembles. Déjà, le moment du revenu coïncidait avec les situations où le contribuable était en mesure d’en disposer au sens large (use, benefit, and disposal). Trois décennies plus tard, la Cour opérait une distanciation à l’occasion d’une décision qui fait, à notre connaissance, toujours autorité s’agissant de la notion de revenu. Dans Commissioner v. Glenshaw Glass Co., 348 U.S. 426 (1955), celle-ci a souligné que le Congrès américain avait l’intention, en concrétisant son mandat constitutionnel, d’imposer tous les revenus, à l’exception de ceux que la loi exonère précisément238. Cette analyse s’appuyait sur la formulation suivante utilisée dans la section pertinente du Code d’impôt américain :

« [G]ross income means all income from whatever source derived. »239

Si le revenu peut provenir de n’importe quelle source (« whatever source derived »), il faut en déduire que toute forme d’enrichissement est susceptible d’entrer dans le champ d’application de la loi. Le mécanisme est donc celui de l’inclusion la plus étendue possible et de la délimitation des exceptions de façon ponctuelle. Depuis ce revirement de jurisprudence, le revenu soumis à l’impôt aux Etats-Unis ne se limite plus au fruit d’une source stable et durable, il comprend toute :

« [U]ndeniable accessions to wealth, clearly realized, and over which the taxpayers have complete dominion. »240

D’un arrêt à l’autre, la Cour suprême a opéré un glissement en faveur de la définition économique du revenu. L’enrichissement du contribuable prime sans pour autant que toute différenciation entre les différentes formes que peut prendre le revenu ait été abandonnée. Contrairement à la définition HAIG-SIMONS qui y est indifférente, le revenu imposable suppose en principe une entrée d’un avantage (receipt) dans le patrimoine ou l’acquisition de recettes futures (future receipts). La plus-value latente ne suffit pas ; le contribuable doit avoir une maîtrise effective sur l’avantage concerné. La disponibilité (availability) est une condition sine qua non de la comptabilisation en matière fiscale.

237 Ibidem.

238 Commissioner v. Glenshaw Glass Co., 348 U.S. 426 (1955), p. 430.

239 US Code, Title 26, Subtitle A, CHAPTER 1, Subchapter B, PART I, Sec. 61.

240 Commissioner v. Glenshaw Glass Co., 348 U.S. 426 (1955), p. 431 ; confirmé in Commissioner v. Jacobson,336 U. S. 28, 336 U. S. 49 ; Helvering v. Stockholms Enskilda Bank, 293 U. S. 84, 293 U. S. 87-91 ; Helvering v. Bruun, 309 U. S. 461. Voir. Robertson v. United States, 343 U. S. 711 ; Rutkin v. United States, 343 U. S. 130 ; United States v.

Kirby Lumber Co., 284 U. S. 1.

232

233

234

Dans la doctrine américaine, on trouve de très nombreuses contributions scientifiques invitant le Congrès à élargir l’objet de l’impôt241. A ce jour, le Congrès américain n’a pas été convaincu de mettre en œuvre un tel projet. La principale critique adressée à la définition HAIG-SIMONS porte sur le caractère indéterminé de la notion de consommation (open-ended)242. Même si le législateur ne la consacre pas entièrement dans la loi, cette définition peut servir de point de repère théorique pour évaluer l’opportunité d’une réforme243. C’est ce que soulignent, à juste titre, ABREU et GREENSTEIN :

« This is an exceedingly broad definition, bringing within its grasp all accessions, whether consumed or saved. Its breadth allows it to serve the goal of raising maximum revenue while also being maximally equitable and efficient and therefore serving two important tax policy objectives. »244

Indépendamment du fait que le législateur la consacre entièrement dans la loi, la définition SCHANZ-HAIG-SIMONS permet, d’une part, d’apprécier toute situation nouvelle et, d’autre part, de juger de l’équité d’une disposition légale.

C’est l’avis des mêmes auteurs :

« If all accessions are subject to tax then taxpayers who are similarly situated economically will be taxed similarly and the level of taxation can be adjusted to correspond to relative positions. This serves both horizontal and vertical equity. »245 Nos commentaires

C.

La définition économique du revenu appelle plusieurs commentaires :

1° Dans la mesure où l’on cherche à appréhender l’enrichissement de l’individu sur une période donnée, on ne se soucie pas de l’origine ou de la forme que peut prendre le revenu. Concrètement, on le trouve « en nature », et, bien plus, sous la forme du salaire, du dividende, de la donation246, d’un legs, d’une bourse d’études, d’un prix littéraire ou du versement d’une somme pour tort moral. Tous les biens ou services dont a bénéficié l’individu pendant la période sont inclus pour autant qu’ils puissent être évalués en argent247. Il faut cependant que l’avantage soit à la fois mesurable et quantifiable ; à ces deux

241 On trouvera cette littérature en cherchant les mots-clés suivants : Comprehensive Income

242 TTax.HURONYI (p. 48) qui,partant du constat que la définition du revenu attribuée àHAIG et SIMONS contient des termes sujets à interprétation (« given the open-endedness of the terms ‘consumption’ and ‘wealth’ »), se livre à une analyse profonde de cette notion afin d’en proposer une nouvelle définition appuyée sur le principe de l’équité.

243 Dans ce sens, KAHN/KAHN, p. 457 et les références citées.

244 ABREU/GREENSTEIN, p. 304.

245 Ibidem.

246 Pour un aperçu synthétique de la position de SIMONS à ce sujet, voir WEIDMANN, Zeitpunkt der Realisation von Ertrag und Einkommen im Handels- und Steuerrecht, p. 21 ; sur la difficulté que posent les donations, infra Chapitre 7.

247 HAIG, p. 6.

235

236

237

conditions, il pourra être qualifié de revenu248. En cela, la définition économique du revenu s’inspire largement de l’apport de la théorie de l’accroissement du patrimoine attribuée à SCHANZ. Pour cette raison, on se réfèrera désormais à la définition SCHANZ-HAIG-SIMONS (SHS)249. 2° Le facteur temporel y est érigé en élément constitutif. On mesure le

résultat produit sur le patrimoine au cours d’une période de temps bien délimitée, d’une part, et par référence à une période antérieure, d’autre part. On mesure une variation. Toutefois, on ne prend pas en compte ce qui s’est passé avant le début de la période d’examen, ni ce qui se produira ensuite, pour mesurer cette variation. Pour cette raison, on ne peut pas dire qu’il s’agisse d’observer un objet absolument réel, le fait est construit. En créant un espace-temps artificiel, on peut observer le phénomène. De plus, quoique le facteur-temps soit capital, cette définition ne renseigne pas sur l’instant précis de son acquisition. Le revenu est apprécié globalement, ex post. Il ne s’agit pas de le comptabiliser dans sa diversité à l’occasion de chacune de ses apparitions individuelles.On se contente de postuler que la variation du patrimoine doit se produire « entre le début et la fin de la période considérée », sans préciser pour chaque type particulier de revenu le moment exact où il se produit250. Il faut donc introduire, sur le plan fiscal, une condition supplémentaire qui fixe le moment où chaque avantage particulier entre dans la composition du revenu.

3° La simple augmentation de valeur d’un bien ou d’un droit est constitutive du revenu. C’est un corollaire. Par exemple, le titre qui s’apprécie ou le bien immobilier qui prend de la valeur donnent lieu à un revenu avant même que cette augmentation ne se matérialise à travers un acte de disposition (ce que décrit le terme de « Zugang » en allemand). Sur le plan économique, cet enrichissement a un caractère réel et peut être mesuré notamment lorsqu’un client parvient à obtenir une rallonge de sa banque sur son prêt hypothécaire en lui exposant les circonstances pertinentes, comme l’augmentation conjoncturelle de son terrain. La prise en compte de cet enrichissement économique sur le plan fiscal se heurte toutefois à des difficultés pratiques d’évaluation.

Cette définition a un caractère extensif qu’il convient de circonscrire en particulier pour tenir compte des impératifs d’économie

248 SIMONS, Personal Income Taxation, p. 42.

249 Dans ce sens, TIPKE/LANG, p. 238 N 30 ; RYSER (Revenu, p. 6) ne semble pas faire le rapprochement entre le point de vue de SCHANZ et ce qu’il appelle « le point de vue économique ». Il en résulte des conclusions inexactes comme celle que « les plus-values se situant au niveau du capital, donc de la substance et non pas du produit de la mise en œuvre du capital, ne doivent pas être considérées comme des fruits et par conséquent ne sauraient conceptuellement être du revenu ». Cette approche n’est pas « le point de vue économique », mais la conception des partisans de la théorie des sources.

250 En ce sens, KALDOR, An Expenditure Tax, p. 162.

administrative251. L’autorité d’application de la loi applique ainsi le principe de réalisation ou de disponibilité pour déterminer comptablement le moment de l’enrichissement (realized income)252. Par conséquent, l’enrichissement économique ne coïncide pas automatiquement avec la réalisation fiscale du revenu.

4° Cette définition inclut les revenus que l’on obtient en l’absence d’intervention d’un tiers (imputed income).

Albert repeint sa maison pendant son temps libre en fin de semaine. Ce faisant, il évite une dépense équivalant au service d’un peintre professionnel (p. ex. CHF 45/heure). Il réalise ainsi un revenu au sens de la définition SCHANZ-HAIG-SIMONS.

L’individu jouissant de ses propres biens est considéré comme enrichi, tout comme celui qui se rend un service à lui-même253. Il en résulte, d’une part, que le propriétaire d’un bien immobilier, qui se réserve l’usage de son logement, doit se voir imputer un revenu équivalant au loyer qu’il aurait à payer sur le marché254. Il en résulte, d’autre part, que celui qui récolte les légumes poussant dans son jardin est réputé réaliser un revenu équivalant à la valeur des légumes sur le marché255.

5° Au-delà d’un certain seuil, l’utilisation du temps-libre peut être assimilée à un acte de consommation du revenu256. Inclure les services que l’on se rend à soi-même et en particulier attribuer une valeur au travail ménager répond à des considérations d’équité257. Aller dans le sens de cette approche minimiserait l’effet de pénalisation du travail qui résulte de la non-inclusion de cet avantage en nature. Relevons à cet égard que l’imputation d’un revenu « hypothétique » n’est pas étrangère au droit suisse. En matière civile, le juge y recourt pour fixer la contribution d’entretien de l’époux qui se refuse à mettre en œuvre tous les moyens dont il dispose pour accroître ses revenus effectifs258. 6° Les sciences économiques ont permis de déterminer les grands traits de

l’objet de l’impôt sur le revenu. Si aucun des modèles n’est repris tel quel dans la loi, la définition SCHANZ-HAIG-SIMONS du revenu est la plus aboutie lorsqu’il s’agit d’interpréter une norme dont les critères d’application n’ont pas été déterminés ex ante. Le juge peut s’en inspirer

251 On préfère la locution « d’économie administrative » à celle de praticabilité administrative qu’on trouve parfois en doctrine pour des raisons de langue, mais la même chose est visée.

252 HAIG, p. 14.

253 MUSGRAVE, p. 56.

254 Ibidem.

255 SIMONS,Personal Income Taxation, p.52.

256 SIMONS,The definition of income, p. 69 et s.

257 Supra II.3.B.b.

258 Sur la détermination d’un revenu hypothétique en matière de fixation de la contribution

258 Sur la détermination d’un revenu hypothétique en matière de fixation de la contribution