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Selon les sources de l’enrichissement

Le gain, le rendement ou le produit II

1. Selon les sources de l’enrichissement

La loi fiscale utilise tantôt les termes de revenu ou recette, tantôt ceux de produit ou gain pour désigner l’élément positif, l’avantage économique, qui vient enrichir l’individu au cours de la période visée. Le terme renvoie à la source de l’avantage économique.

De l’(in)utilité de distinguer les avantages économiques ? A.

Dans un système « parfait » d’imposition du revenu global, on pourrait trouver inutile d’opérer une classification des différents avantages économiques. Ceux-ci seraient en effet imposables sans distinction de provenance ou d’affectation. L’augmentation du pouvoir de disposer constituerait le dénominateur commun de sorte qu’on pourrait utiliser

488 Voir notamment les art. 70 ch. 1 CP, 71 ch. 1 et 3 CP, 72 CP, 73 ch. 1 let. b CP, 138 ch. 1 CP, 141bis CP, 163 ch. 1 CP, 164 ch. 1 CP, 165 ch. 1 CP, 169 CP, 305bis ch. 1 CP, 305ter ch.

1 CP, 305ter ch. 2 CP, 374 ch. 4 CP.

489 Pour une définition, voir LOMBARDINI, p. 38-46.

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indistinctement les termes de revenu (Einkünfte)490, produit491, salaire492, rendement (Ertrag)493, avantage appréciable en argent494, dividende495 ou gain en capital496.

Le traitement fiscal peut différer en fonction du type d’avantage B. économique

Quoique le législateur déclare imposer un revenu global net, la qualification juridique conditionne le traitement fiscal en raison des exceptions et aménagements qui sont réservés à certains types d’avantages économiques497. Pour des raisons liées au calcul de l’impôt, on distingue notamment les revenus périodiques et apériodiques, ordinaires et extraordinaires. Les termes employés pour qualifier l’avantage recouvrent ainsi une signification qui repose sur les circonstances de leur acquisition.

Trois illustrations C.

Parmi eux, on trouve principalement : le produit (1°), le rendement (2°) et le gain (3°).

1° Le terme de « produit » fait référence au revenu du travail, c’est-à-dire ce qu’obtient le contribuable en déployant sa force de travail. Celui-ci peut exercer son activité individuellement ou collectivement, pour son compte ou celui d’autrui. La qualification de produit du travail suppose que l’on établisse un lien entre l’avantage économique et l’activité de l’individu. L’acquisition de celui-là n’aurait pas été permise sans celle-ci498. En droit privé, la doctrine précise que la « rémunération n’est pas tant le prix du travail que le prix de la personne au travail »499. A la différence du revenu de la fortune, le revenu du travail est intuitu personae. Cette précision importe également du point de vue de la capacité économique. Le revenu du travail comprend en effet l’ensemble des avantages économiques qu’obtient le contribuable en raison du

490 Art. 16 al. 1, 22 et 23 LIFD et 7 al. 1 LHID.

491 Art. 17 et 18 LIFD et 7 al. 1 LHID.

492 Art. 1 let. f. et 97 LIFD.

493 Voir notamment les art. 20, 20a et 21 LIFD et 7 al. 1 LHID.

494 Art. 84 a. 2 et 97a al. 2 LIFD.

495 Art. 18b al. 1, 20 al. 1 let. c. et 20 al. 1bis LIFD. A propos de l’emploi de ce terme, ZUPPINGER (p. 12) précise : « Ertrag liegt nur dann vor, wenn die Substanz des Vermögens unangetastet bleibt ».

496 Art. 16 al. 3 LIFD.

497 L’étendue de certaines déductions peut en particulier dépendre du type de revenu. Les intérêts passifs de la fortune privée sont par exemple déductibles à concurrence du rendement de la fortune, augmenté d’une certaine somme, voir l’art. 33 al. 1 let. a. LIFD.

498 WYSS, p. 59 ; BRACK, p. 109 et s. ; ég. arrêt du TF du 22 mars 1978 consid. 3.b publié à la RDAF 1979 193 p. 196.

499 WITZIG, p. 30 (mise en évidence omise).

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déploiement de sa force de travail, qu’elle soit intellectuelle ou manuelle. Or sa force de travail, humaine, est à la fois reproductible et sujette à l’écoulement du temps. Tôt ou tard, elle vient à s’épuiser. Le travailleur le sait. Pour cette raison, il réalise des économies sur les revenus réguliers et durables que produit cette source de revenus. Il doit en anticiper le tarissement. Par conséquent, le revenu du travail n’a pas les mêmes propriétés que celui de la fortune.

2° Le revenu de la fortune consiste dans l’augmentation du patrimoine qui résulte de la titularité, de la jouissance ou de la mise à disposition de ce même patrimoine500. Dans sa thèse de 1937 sur la notion de revenu en droit fiscal suisse, WYSS avait défini le rendement de fortune (Vermögensertrag) comme : « tout avantage appréciable en argent que l’on retire d’un élément du patrimoine avec une certaine régularité (gewissen Regelmässigkeit) sans en entamer la substance et sans déployer une force de travail significative (ohne wesentlichen Arbeitsaufwand) »501. Les avantages économiques que tire le contribuable « de la simple détention de sa fortune mobilière lorsque celle-ci est placée ou mise à disposition d’un tiers à titre onéreux, ainsi que les revenus de sa fortune immobilière » sont ainsi imposables502. ZUPPINGER insiste sur la délicate démarcation entre rendement de fortune et gain en capital, laquelle repose sur l’atteinte à la substance de l’élément du patrimoine :

« Die Antwort auf die Frage : was ist Vermögensertrag, was allenfalls Wertzuwachsgewinn, scheint demnach einfach. Zu prüfen ist einzig, ob durch den Wertzufluss die Substanz der Einkommensquelle abgezehrt wird oder nicht. »503

La doctrine suit majoritairement le critère de délimitation que propose cet auteur504. Pour lui, comme pour WYSS, les difficultés surviennent au moment de l’appliquer à une situation concrète :

« Schwierigkeiten bietet indessen die konkrete Anwendung dieses Grundsatzes. Gesetzliche Vorschriften finden sich nur vereinzelt für Teilfragen. »505

500 En ce sens, REICH, Steuerrecht, p. 282 N 34 ; pour la définition plus restrictive suivante :

« la contre-prestation qu’obtient l’intéressé pour la mise à disposition d’un tiers de sa fortune ou d’éléments de celle-ci », voir RUSCONI citant GRÜNINGER et STUDER, p. 18 ; OBERSON (Droit fiscal, p. 130 N 112) qualifie cette approche d’objective, par opposition à subjective, parce ce qu’elle ne se concentre pas sur l’identité de la personne qui fournit la prestation ; REICH/WEIDMANN,Kommentar DGB, ad art. 20 N 4.

501 WYSS, p. 47.

502 NOËL, CR LIFD, ad art. 20 N 1.

503 ZUPPINGER, p. 12.

504 OBERSON,Droit fiscal, p. 129 N 110 ; REICH, Steuerrecht, p. 282 N 34 ; RIVIER (Revenu, p.

337) précise qu’il y a gain en capital si « l’enrichissement a sa source dans une modification de valeur de la substance du capital » ; ég en ce sens, HÖHN/WALDBURGER, t.

I, p. 299 et s.

Les cas complexes exigent une décision du juge qui doit tenir compte de l’ensemble des circonstances pour préciser le champ d’application de dispositions légales dont l’agencement a pour effet que ces questions sont traitées de manière isolée et donc incomplète506.

3° Réaliser un « gain », c’est aliéner un bien ou un droit à un prix supérieur au prix d’acquisition et, ce faisant, s’enrichir de la différence507. Le terme de gain est à la fois générique, lorsqu’il désigne toute forme de revenu, et particulier, lorsqu’il s’utilise en relation avec les gains en capital. Dans ce dernier cas, le revenu s’accompagne d’une disparition de l’élément du patrimoine (atteinte à la substance). Le gain est une différence, plus précisément le résultat d’une opération dont le solde est positif508.

Par exemple, Michel achète une voiture d’occasion CHF 3’000 et la revend CHF 3’500. L’avantage économique de CHF 500, à savoir la différence positive entre coût d’acquisition et prix d’aliénation, est en l’occurrence qualifié de « gain en capital »509.

Le gain a en outre ceci de particulier que l’enrichissement sur le plan économique ne coïncide pas avec sa prise en compte sur le plan fiscal.

La plus-value n’est pas imposable entre le moment de l’acquisition de l’objet et son aliénation. Le revenu est latent. Le principe de réalisation corrige (ou déforme) donc la réalité économique en introduisant un décalage temporel dans la comptabilisation de la valeur510.