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Un calendrier agricole calqué sur les rythmes pluviométriques

Division sexuelle du travail agricole et implications sociales et économiques

I.2. Une responsabilité partagée ? Les femmes, les hommes et le travail agricole

I.2.2. Répartition du travail agricole entre les sexes en pays bamiléké

I.2.2.3. Un calendrier agricole calqué sur les rythmes pluviométriques

Les saisons et les rythmes pluviométriques déterminent les activités agricoles. Le calendrier agricole est le repère-temps de la société bamiléké. C’est le signe de sa précision et de l’importance de l’agriculture dans la vie sociale. Il est utilisé pour situer un évènement dans le temps151. Il existe quatre saisons qui rythment le travail des agricultrices152 : la petite saison sèche, qui couvre les mois d’octobre et de novembre. La grande saison sèche qui court de novembre à février. La petite saison des pluies de mars à juin est la période où les femmes entretiennent les cultures et les débarrassent des mauvaises herbes par des sarclages. La grande saison de pluie de juillet à septembre153 est la saison des récoltes. Les mois de janvier et février sont consacrés à la préparation du sol pour les principales cultures et les semailles : le maïs, l’arachide, le haricot, le taro, l’igname, la patate douce. Certaines études mettent en évidence deux grandes saisons, une sèche qui s’étend de la mi-novembre à la mi-mars et une

149 Jean-Joseph Chendjou Kouatcho Nganso, « Économie et soci t Bamil k à l’ poque pr coloniale. Le

commerce et les échanges dans la société Bamiléké à la veille et au début de la pénétration des européens dans les Hauts plateaux de l’Ouest Cameroun. Esquisse d’une genèse du dynamisme commercial des Bamiléké, 1850-

1917, Mémoire de Maîtrise d'Histoire, Université de Paris I, 1979, p. 66.

150 B Bergeret, « les marchés Bamiléké de saison sèche », op.cit., p. 708.

151 Chendjou Kouatcho Nganso, Économie et soci t Bamil k à l’ poque pr coloniale…, op. cit., p. 53. 152 Nous nous référons ici aux travaux de recherche de Ghomsi et Chendjou et des informations que nous ont

fournies nos différentes informatrices Bamiléké au cours de nos entretiens entre janvier et mars 2015.

153 Emmanuel Ghomsi, Les Bamil k du Cameroun (Essai d’ tude historique des origines à 1920), Thèse de

pluvieuse de mi-mars à mi-novembre154. Cette approche ne tient pas compte des petites variations qu’on observe dans le régime des pluies et qui influencent les travaux agricoles. Ceux-ci sont rythmés par les pluies qui déterminent les périodes d’intenses activités : les semailles à la mi-mars et les récoltes en juillet et août.

La préparation du sol et les semailles

Les mois d’octobre à fin février, correspondent à la saison sèche. Les champs sont laissés en friche après les principales récoltes qui s’achèvent en fin septembre155. Jusqu’à la diffusion du café dans les années 1950, il n’y a qu’une seule campagne de cultures en pays bamiléké, de mars à octobre. Nos informatrices les plus âgées nous ont confirmé cette réalité156. Les mois de saison sèche sont rudes. Les pluies sont rares, voire inexistantes et la poussière abondante. Les travaux agricoles sont limités aux récoltes des tubercules restés dans les champs au fur et à mesure des besoins de la famille : les ignames, le taro, la patate douce. Ces plantes permettent aux familles de ne pas connaître de pénurie alimentaire, car elles sont consommées au moment où les réserves faites après les récoltes des mois de juillet-septembre s’épuisent.

Les travaux de préparation des sols pour les nouvelles cultures démarrent en janvier157. A cette période, l’activité des hommes est cruciale. Ils doivent débarrasser les champs des bois morts ou coupés pour constituer la réserve en bois de chauffage pour chaque femme de la concession, ce travail est difficile s’il reste de nombreuses souches à déterrer. Le désherbage proprement dit (nten-na ainsi appelé dans les villages proches de Bangangté) est ensuite mené par les femmes. Les herbes sont arrachées, rassemblées en tas entre les billons, c’est-à-dire dans les sillons effectués lors du précédent labour et brûlés, suivant un système d’écobuage parfaitement maîtrisé par les femmes.

Cette opération de brûlis est appelée ntoka ou mounka (dans les différentes langues du pays) : elle est réalisée dans la deuxième semaine de janvier. C’est une activité particulièrement délicate lorsqu’elle est pratiquée dans les champs des concessions, c’est-à-

154 Jacques Champaud, Atlas régional Ouest, Paris, ORSTOM, 1973, p. 23. 155 C. Tardits, contribution à l’ tude des populations…op.cit. p. 71. 156 Entretien avec Mme Pauline Tchaptchet, Bangangté, 25 février 2015.

157 Il existe localement de légères différences dans le déroulé du calendrier agricole. La pluviométrie n’est pas

uniforme. Les chefferies du sud (Bangangté, Bafang) sont moins arrosées que celles du nord (Dschang, Bafoussam, Mbouda). Cependant, les modalités de culture, les techniques agricoles et les plantes cultivées sont partout les mêmes. Nous nous référons aux travaux de Ghomsi, Chendjou et aux informations que nous avons

dire proches des habitations à cause des risques d’incendie. Afin de limiter ce risque, la technique d’écobuage est préférée au feu de brousse proprement dit. Les femmes enfouissent les herbes sous des petits tas de terre et y mettent le feu. Ce système de brûlis produit des cendres utiles à la fertilisation des sols. Les plantes à tubercules sont parfois plantées dans les poches d’herbes brûlées, pour obtenir de meilleurs rendements. Pendant que les femmes préparent ainsi le sol pour les semailles, les hommes s’assurent de la solidité des clôtures et engagent les travaux de rénovation si nécessaire. Les travaux de construction des barrières achevés, les hommes taillent les arbres et ramassent les bois morts qui leur permettent de constituer la réserve de bois de chauffage. Une fois le sol débarrassé des herbes et des souches d’arbres, les femmes préparent le sol en confectionnant les billons et effectuent les semailles.

Le dispositif de clôtures est important dans l’articulation entre l’agriculture et l’élevage car les pâtures des animaux dans les champs sont indispensables pour le maintien de l’équilibre du système agraire dans la mesure o elles favorisent l’enrichissement des sols par du fumier avant la mise en culture. Une fois les semailles effectuées, les animaux doivent être tenus éloignés des champs pour éviter tout risque de destruction des cultures.

Les semailles se font dès les premières pluies qui arrivent au mois de mars. Les femmes sèment les principales céréales, le maïs, le haricot, les végétaux verts (ndzap), les arachides, le taro. Le maïs comme les arachides et le haricot sont semés dans de petits trous creusés sur les billons. En général dans chaque trou sont placées trois graines de la même plante. Les semailles marquent la fin d’une période d’intenses travaux dans les champs. Après les premières pluies, les femmes surveillent la germination des différentes plantes et reprennent au besoin des semailles. Ensuite la pression se relâche jusqu’à la fin du mois d’avril o commencent les premiers sarclages.

Les sarclages

Les opérations de sarclages consistent à débarrasser les sillons des mauvaises herbes qui pourraient entraver la bonne croissance des plantes. C’est une tâche délicate et minutieuse, car la cultivatrice doit veiller, surtout lors des premiers sarclages, où les cultures sortent juste de terre, à ne pas les arracher en même temps que les mauvaises herbes. La configuration des semis faits en association (légumineuses, tubercules, céréales) rend la tâche particulièrement fastidieuse. Ce travail est effectué à l’aide d’une houe de taille plus petite que celle servant à la confection des billons. Les sarclages occupent les mois d’avril et mai. Les mauvaises herbes retirées sont rangées entre les billons pour une décomposition lente. Elles seront

recouvertes de terre au moment de la prochaine campagne de culture pour faciliter la régénération des sols. A la fin des sarclages, au mois de mai, elles commencent les premières récoltes des végétaux verts. Ce sont des jeunes pousses de haricots et une variété de légume, le ndjap très répandue en pays bamiléké. Ce légume est cuisiné avec de la pâte de maïs ou en ragoût en accompagnement de féculents (banane, plantain, taro) ou de couscous.

Plusieurs sarclages sont parfois nécessaires avant les récoltes qui commencent en juin158. En effet, pour l’agricultrice bamiléké, il est important de tenir ses parcelles propres (sans mauvaises herbes). Un champ envahi de mauvaises herbes est souvent une indication que la responsable est en mauvaise santé ou a été frappée par un malheur. Ses voisines s’en inquiéteront et iront aux nouvelles (rappelons-nous que les femmes ont des parcelles situées ailleurs que dans leurs concessions, parfois dans d’autres chefferies).

Les récoltes

Les récoltes commencent avec le maïs et s’étendent sur les mois de juillet et août. La saison des récoltes mobilise les femmes et les enfants. Elle coïncide avec la grande saison des pluies. Le travail se fait donc à un rythme accéléré car les récoltes doivent sortir rapidement des champs pour éviter que l’eau de pluie ne les abime. Tous les jours, à la tombée de la nuit, « on voit s’égrener sur les sentiers du village une file ininterrompue de femmes et d’enfants chargés de corbeilles remplies d’épis de maïs »159

. Après le maïs, les femmes enchaînent avec la récolte des arachides jusqu’au mois de septembre. Le maïs et l’arachide sont consommés frais ou séchés. Le séchage permet la conservation sur plusieurs mois et se fait principalement au moyen du feu de bois qui reste constamment allumé dans les maisons des femmes. Les réserves de vivres sont disposées dans les greniers. Chaque femme possède au moins deux greniers : l’un situé sous les toits et comportant parfois plusieurs compartiments dans lesquelles les femmes répartissent les récoltes qu’elles prélèvent au fur et à mesure des besoins ; l’autre contigu à sa maison, contenant des tubercules ou des céréales non encore transformées160

158 Entretien avec Mme Sephora Ngueleu, Bafoussam, 05 janvier 2015. 159

Ghomsi, les Bamiléké du Cameroun (essai d’ tude historique des origines à 1920), op.cit., p. 195.

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I.2.2.4. Méthodes de culture, systèmes de fertilisation : l’implication des hommes et des

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