• Aucun résultat trouvé

La modularité comme réponse théorique à la complexité du parcours client

Section 2. Le concept de modularité

2. Les différents types de systèmes modularisables d’une entreprise et le besoin de plateforme

La notion de système appliquée à l’entreprise recouvre plusieurs réalités suivant le périmètre d’étude du système. Ainsi, on peut étudier d’abord le produit comme un système d’offre modulaire, on peut aussi ensuite, appliquer la systémique à l’organisation de l’entreprise, on parle alors de modularité organisationnelle intra-firme où chaque unité de travail est un module. Enfin, on peut considérer un groupement d’entreprise, on parle alors de modularité inter-firme. Ces trois niveaux d’analyse sont présentés dans un premier temps (2.1) puis nous expliquons la focalisation

de cette recherche sur la production d’offre modulaire et nous présentons le rôle crucial des plateformes (2.2) dans un deuxième temps.

2.1. Les trois niveaux de modularisation

La littérature sur la modularité (Campagnolo et Camuffo, 2009), montre qu’il existe trois types de système modularisable : la modularité de l’offre (appelée personnalisation de masse), la modularité organisationnelle intra-firme (chaine de production et poste de travail modulaire) et la modularité organisationnelle inter-firme (structures organisationnelles modulaires logistiques et réseaux d’entreprise). Ces types sont liés au principe de construction modulaire de quasi- décomposabilité : suivant le niveau organisationnel que l’on construit selon des principes modulaires, on ne décompose pas en module les mêmes composants.

Figure 15. Les trois niveaux de modularité dans l’entreprise

Pour Ulrich (1995), l’architecture d’un produit est qualifiée de modulaire lorsque 1) le produit global résulte de l’assemblage de différents sous-ensembles (les modules) fonctionnellement autonomes et indépendants, 2) ces sous-ensembles sont reliés les uns aux autres par des interfaces préalablement définies. Les interfaces jouent ici un rôle central car, à partir du moment où elles sont définies, il est possible de modifier les modules, voire de les substituer, sans avoir à modifier l’architecture globale du produit. Les modules constituent des sortes de briques élémentaires, à l’image du jeu de Lego où les interfaces sont les tenons et les mortaises, qu’il s’agit d’assembler pour constituer le produit et introduire des variations dans le produit. C’est donc le produit/service qui est un système modulaire quand on parle d’offre modulaire (en tiret jaune sur le schéma ci-dessous).

Modularité en gestion création d'offres modulaires (Personnalisation de masse) chaine de production et postes de travail modulaires

structures organisationnelles

Ensuite, à l’intérieur de la firme (intra-firme), on peut créer une organisation de production modulaire, c’est-à-dire que chaque groupe de travail (unité) peut être associé à d’autres groupes en fonction des besoins de production de l’entreprise. C’est donc l’organisation interne de l’entreprise qui est considérée comme un système modulaire lorsqu’on parle de modularité intra-firme (en tiret bleu sur le schéma ci-dessus).

Enfin, on peut aussi observer des écosystèmes d’affaires qui se structurent afin de se fournir mutuellement des modules. Le système peut être structuré horizontalement et fondé sur des accords collaboratifs ou à partir d’un commandement d’une firme-pivot, avec une structuration verticale. On parle alors de modularisation inter-firme car c’est la chaîne de valeur qui est modularisée (en rouge sur le schéma ci-dessus) comme dans le cas du secteur automobile où les équipementiers automobiles fournissent des modules (freins, sièges…) au constructeur automobile dans une logique verticale. Dans le cas des bouquets d’offres de voyage (voyages organisés avec un voyagiste, des transporteurs, un assureur..), la modularité inter-firme est horizontale, le client piochant dans le bouquet d’offres, pour construire son voyage sur-mesure (Moati, 2009).

Il existe un débat non résolu sur le lien entre l’offre modulaire produit et la modularité organisationnelle intra et inter-firme (Frigant, 2013). Pour Sako (2003), il est difficile de séparer, dans un système, les architectures modulaires produit des architectures modulaires organisationnelles qui leur sont liées (Sako, 2003). Pourtant, (Martin et Eisenhardt, 2003) pensent que l’utilisation du concept de modularité organisationnelle sur les choix de structuration de l’entreprise dépend de sa capacité à définir des cartes de compétences et de processus à tous les niveaux de la hiérarchie, permettant à chaque unité d’être indépendante et interdépendante. Dans notre cas, nous décidons de nous situer au niveau de l’offre modulaire et donc de l’interaction entreprise-client principalement. Ce niveau d’analyse est cohérent avec notre décision, dans l’introduction, de nous concentrer sur la relation dyadique distributeur-client, sans abandonner cependant les problématiques organisationnelles des relations intra-firmes et inter- firmes. Cela nous permettrait de savoir si la modularisation du parcours client a des conséquences sur la modularité organisationnelle intra-firme et inter-firme.

Figure 17. Visualisation du niveau d’analyse de la modularité principal

2.2. La nécessité de détenir une plateforme de gouvernance

La plateforme, dans les systèmes modulaires, est un terme polysémique qui dépend du niveau d’analyse de la modularité (voir ci-dessus) (Gawer, 2010). Il existe quatre types de plateforme. (1) Une plateforme-produit regroupe toutes les ressources intégrées à un même assemblage qui servira de base à la création de produits différents. Par exemple dans le groupe Renault-Nissan, il existe une plateforme commune pour 6 modèles de véhicules familiaux comprenant un châssis, un moteur, un système de freinage et de commande volant communs. Cela signifie que dans ce type de modularisation produit, on distingue les ressources intégrées dans une plateforme et les ressources sous forme de modules assemblables. (2) Les plateformes logistiques inter-firmes définissent des standards d’assemblage des modules arrivant d’entreprises différentes et des standards informationnels. On retrouve dans l’industrie automobile ce type de plateforme qui permet à tous les opérateurs d’intégrer de nouveaux prestataires. (3) Les plateformes industrielles sont des normes, créées dans une industrie, qui permettent l’apport d’innovations dans un écosystème standardisé permettant d’étendre l’offre au client. Apple a créé une plateforme industrielle en imaginant un écosystème standardisé autour de ses modèles de smartphones iPhone. Dans ce secteur il existe d’autres plateformes industrielles comme Android par exemple. (4) Enfin, les plateformes de marché sont celles où se rencontrent l’offre et la demande et où se définissent les manières d’échanger les informations d’offre et de demande. Plus précisément dans la littérature économique et managériale : « Une plateforme [de marché] doit avant tout se

comprendre comme un support qui facilite les interactions (ou les transactions) entre plusieurs groupes d’agents économiques servis par elle. Ce support peut être de tout type : physique (salle

de concert, centre commercial, magasin), virtuel (Ebay, Amazon), permanent (places boursières) ou non (appels d’offres). Cela suppose qu’il existe un besoin de coordination et de rencontre des actions des agents économiques » (De Vogeleer et Lescop, 2011).

En raison de la variété des significations, il n’existe pas de définition commune à la notion de plateforme (Gawer, 2010).

Les systèmes modulaires ne constituent pas forcément des plateformes car cela implique une ouverture forte de l’organisation sur des réseaux d’entreprise ainsi qu’une standardisation forte. Mais les plateformes sont indispensables quand la modularité est offerte à un client car c’est par le biais de la plateforme que l’échange a lieu et que le client construit son produit/service modulaire.

Dans notre cas, la notion de plateforme de marché semble indissociable de la logique modulaire du parcours client cross-canal que nous détaillons dans la section suivante.

Section 3. Le rôle crucial des plateformes et des interfaces dans la