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Ressources opérantes basiques

Section 4. Discussion : choix du cadre théorique

3. Opportunités de recherche

Dans notre introduction, nous avons montré par une analyse conjointe de la littérature sur l’expérience client et sur l’intégration stratégique du cross-canal, qu’un défaut de dialogue existe entre ces deux voies de recherche ainsi que peu de points de convergence. Notre parti pris de travailler sur la coproduction de ressources distributeur/client, comme le suggère la littérature sur le management de l’expérience client, nous a amenée à la question de la reconfiguration des ressources et de l’intégration des ressources des clients dans ce cadre. Nous avons créé un portefeuille théorique de ressources que le manager peut avoir à orchestrer lorsqu’il manage l’expérience client.

Premièrement, en nous fondant sur les enjeux précédemment exposés, nous identifions quatre lacunes dans la littérature des ressources au sein des canaux dans le secteur de la distribution :

- L’absence de typologie claire des actifs mis en jeu par l’entreprise dans le cadre de la distribution ;

- L’absence d’opérationalisation des pratiques d’orchestration des ressources ;

- Les capacités managériales nécessaires à l’orchestration des ressources n’ont jamais été étudiées sur le terrain ;

- La littérature récente n’explique pas concrètement comment se déroule la reconfiguration des actifs et quelles sont les capacités nécessaires pour les rendre dynamiques ;

Deuxièmement, ce travail théorique ne doit pas nous faire oublier le statut particulier de l’objet de recherche et du secteur. Le parcours client dans la distribution n’est ni dans une logique productive, ce qui nous écarte de la littérature sur les innovations de produits nouveaux, ni un service8. Afin d’être en accord avec la définition de notre objet de recherche libellée en introduction, l’acte de distribution est dans le locus de la valeur dans l’échange. La principale piste de recherche semble donc provenir de la phase d’échange complètement éludée par Grönroos et collègues dans leurs articles. Elle n’est pas clairement explicitée ni définie car ils se situent dans le cadre d’une activité productive. Pourtant, la valeur-dans-l’échange pose la question des mécanismes permettant de coordonner, intégrer et synchroniser les ressources de chaque partie au sein de la période d’échange. De plus, l’échange équivaut à penser, d’un point de vue économique, à l’échange d’un produit contre un prix. Or, en prenant comme objet d’étude le parcours client, on étire dans le temps cet échange en pensant qu’il existe un moment d’échange plus large, où chacun apporte des ressources en espérant une rétribution de l’autre partie. Les ressources apportées par le distributeur lors du parcours attendent de rencontrer les ressources du client et la littérature sur l’expérience client a montré que les ressources engagées par le client (ressources physiques ou informationnelles) sont là pour que le client économise d’autres ressources (ressources relationnelles, financières ou temporelles). Ainsi, quand le client fait du self-scanning en hypermarché et travaille pour le distributeur, le client espère faire un gain de ressources temporelles en faisant ses courses plus rapidement. Il convient donc de se poser la question de la reconfiguration des ressources coproduites non simplement comme des ajouts de ressources du distributeur et du client mais aussi comme des retraits de ressources en compensation par l’autre partie. L’orchestration de ressources entre le distributeur et le client est alors un échange où chaque

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Ce dernier point est cependant discutable car une partie de la recherche dans le domaine réalise souvent ce raccourci. Certains travaux ont formalisé la distribution comme un service complexe. Gallouj et Gallouj, (2009) définissent le concept de services architecturaux ou d’assemblage. Selon eux, l’offre de service de la grande distribution est un service architectural car le service ‘principal’ de vente de marchandises est enchâssé dans un système complexe d’autres services élémentaires assemblés qui nécessitent différents types de ressources et de compétences, en particulier technologiques. Le service composite ainsi défini « accède à une visibilité institutionnelle, de sorte qu’il ne se réduit pas à la somme de ses composantes ». On retrouve cette logique dans le courant de la SDL, qui considère la vente de produits comme une logique secondaire.

partie doit trouver des compensations de la part de l’autre partie. Si l’on part du strict échange, l’entreprise propose des ressources en contrepartie de ressources financières fournies par le client (prix payé). Mais aujourd’hui, cette vision de l’échange en coproduction se complexifie puisque le client va apporter plus de ressources (déplacement dans un magasin ou dans un centre commercial en voiture, smartphone pour consulter les offres de l’enseigne, temps passé à trouver le SAV…) et en contrepartie le distributeur peut lui offrir plus de choix en configurant plus de ressources informationnelles (tutoriels, historique client) et plus de ressources technologiques (site Internet, site mobile). Cela signifie que la conception de parcours client cross-canal serait vue alors comme un agencement de ressources bipartites avec des systèmes de compensation. Nous faisons le choix de tester cette proposition dans notre artefact car elle nous semble centrale. Ainsi, en mobilisant les concepts de ressources, la valeur-dans-l’échange est créée suite à une configuration du parcours client intégrant des ressources du distributeur et du client, chacun apportant à l’autre partie des ressources en espérant en retirer des gains d’autres ressources.

Troisièmement, l’abandon de la SDL nous prive de travaux sur les plateformes d’engagement et plus généralement sur les lieux d’échange et leurs règles. Or ce point est aussi important car l’échange de ressources implique un lieu, virtuel ou non, ainsi qu’une codification de l’échange. Ce point est cependant comblé dans le chapitre 2 avec l’apport du cadre théorique sur la modularité des systèmes complexes.

Conclusion

Nous avons fait le choix dans l’introduction de nous focaliser sur les ressources échangées lors du parcours client par les distributeurs et les clients. Nous avons ensuite réalisé plusieurs choix théoriques discutés et justifiés en nous focalisant sur les courants de la RBV et de la customer participation en écartant la SDL (voir section 4). Ce choix est motivé, d’une part, par le fait que la notion de ressources n’est pas assez robuste ni assez approfondie dans le courant de la SDL. D’autre part, le courant de la SDL ne lie pas suffisamment stratégie et management des ressources afin de pouvoir aider les managers à améliorer leurs pratiques de conception de parcours client. Nous avons, tout d’abord, défini le parcours client comme une coproduction de valeur dans l’échange en accord avec notre point de vue centré sur l’entreprise et l’agencement de ses ressources (synthèse section 1).

Ensuite, nous avons choisi de considérer que les actifs apportés par le distributeur sont des ressources au sens de ‘l‘approche fondée par les ressources’ (RBV). Ces ressources ne sont pas uniques et ne sont pas directement sources de l’avantage concurrentiel. Cet avantage proviendrait de capacités dynamiques développées par le distributeur. Afin de créer ces capacités dynamiques, le manager doit orchestrer des ressources afin de reconfigurer de façon régulière ces ressources dans les canaux et en intégrer certains afin de fournir une offre cross-canal. Cette reconfiguration s’accompagne aussi d’une intégration externe de ressources provenant de tiers comme les clients. Le manager doit détenir des capacités particulières pour mener à bien cette orchestration (synthèse de la section 2 et section 3).

Par ailleurs, nous nous sommes demandé quel était l’apport de ressources des clients au sein du parcours client et quelle était la nature de construction conjointe du parcours client. Pour cela, nous avons choisi de nous tourner vers le concept de ressources apportées par le client dans le cadre de sa participation en marketing des services (synthèse section 2).

[ Chapitre 2 ]

La modularité comme réponse théorique à la complexité du