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Définition du parcours client cross-canal et démarche de travail

Section 1. Méthodes qualitatives exploratoires utilisées pour le premier terrain

Le travail empirique débute par la première étape de conception. Dans cette première section, outre le déroulement général nous précisons certains points particuliers du premier terrain (1), puis nous détaillons les différentes sources de données (2), et enfin nous présentons la construction itérative du guide (3). Nous ne revenons pas sur notre technique de codage et d’analyse, commune au trois terrains, présentée au chapitre 3.

1. Déroulement général du premier terrain

Ce premier terrain est qualifié d’exploratoire hybride selon la terminologie de Thietart : « L’exploration hybride consiste à procéder par allers-retours entre des observations et des

connaissances théoriques tout au long de la recherche. Le chercheur a initialement mobilisé des concepts et intégré la littérature concernant son objet de recherche. Il va s’appuyer sur cette connaissance pour donner du sens à ses observations empiriques en procédant par allers-retours fréquents entre le matériau empirique recueilli et la théorie. » (Thietart, 2014: 93). Suivant le

contexte choisi - la distribution de produits en France - notre terrain est composé d’enseignes mais aussi de consultants ou de prestataires travaillant pour ce type d’entreprise. Nous varions les types de produits distribués, les structures de distribution (commerce intégré et commerce associé) ainsi que les profils de consultants (spécialisés dans la distribution, dans la transformation digitale ou dans la conception d’expérience client) et de prestataires (Internet et mobile). Cela nous permet d’avoir un éventail de pratiques larges et de savoir si certaines sont limitées à une caractéristique particulière.

Afin d’investiguer un terrain cohérent par rapport à l’objet de recherche, nous avons sélectionné des enseignes qui avaient une offre proposée en cross-canal (comme définie en introduction) et qui mènent une politique relationnelle auprès de leurs clients. L’étude exploratoire se déroule en deux temps. Nous avons réalisé, entre janvier 2014 et juin 2014, dix premiers entretiens puis nous avons fait un retour à la littérature afin d’affiner, d’approfondir et d’améliorer notre cadre théorique. Nous avons aussi découvert des pratiques dont la littérature ne parlait pas dans les domaines académiques investigués initialement: le design thinking. Nous avons alors modifié notre guide d’entretien et choisi d’intégrer dans notre échantillon des consultants ou des professionnels au sein des enseignes qui travaillaient dans des fonctions design avec en tout 10 entretiens supplémentaires jusqu’en mars 2015. Afin de trianguler les données, nous avons fait le

choix de récolter les représentations graphiques des personnes interrogées, ainsi que leurs sources d’inspiration graphiques et leurs écrits ou supports de formation, comme données secondaires.

2. Les différentes sources de données

2.1. Les entretiens semi-directifs

L’échantillon est constitué de contacts personnels21 et de contacts provenant des liens étroits que l’Université Paris-Dauphine entretient avec les entreprises. Nous avons sélectionné des enseignes qui communiquaient sur la mise en place de parcours client en cross-canal. Nous avons aussi recouru à la technique de la ‘boule de neige’ en intégrant des consultants/prestataires cités par des enseignes et étant le plus souvent recommandés par le responsable marketing. Cette démarche a un double intérêt : elle permet de confirmer le discours d’une personne extérieure vis-à-vis de l’enseigne ou inversement, et elle fait varier les points de vue. Il peut, en effet, exister un biais à interroger des personnes extérieures qui tentent souvent de survaloriser leur travail. Le nombre d’entretiens réalisés a pris en compte la disponibilité des praticiens. La plupart des entretiens ont été réalisées au sein des entreprises, seulement quatre ont été faits par Skype pour des raisons géographiques (Londres, Lyon, Nice et un praticien en déplacement long en Belgique). Ils ont tous été enregistrés et nous avons aussi pris des notes manuscrites afin de capter des informations sur des supports que nous n’avions pas le droit de garder ou pour schématiser la pensée d’un interviewé. Certains praticiens ont demandé la confidentialité des entretiens. Le profil des personnes interrogées est présenté en annexe 4. La totalité représente 19h32 d’entretien et 241 pages de retranscription.

La saturation théorique a été atteinte car les informations des derniers entretiens devenaient redondantes avec les entretiens précédents (Hlady Rispal, 2002).

2.2. Les représentations graphiques

Lors de l’étude de la littérature, nous avons remarqué que la représentation graphique de l’objet de recherche constituait une source précieuse. D’une part, dans les travaux académiques sur l’orchestration de ressources, Helfat et Martin (2015) démontrent que les schémas mentaux des managers ainsi que leurs savoirs personnels, leurs réseaux sociaux et professionnels ainsi que leurs connaissances et leurs consultants sont une microfondation extrêmement importante pour réagencer des ressources dans une situation complexe. D’autre part, le traitement cognitif des

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En 2008, un projet de livre sur le marketing mobile (paru chez Dunod en 2009) nous a permis de rencontrer de nombreux acteurs de la distribution mais aussi des prestataires et des consultants qui développaient le canal mobile pour le m-commerce.

systèmes complexes passe par la création de scénarios heuristiques dans le but de mieux les appréhender et les construire (Durand, 2013). Afin de comparer les discours des managers lors des entretiens avec leur visualisation mentale, nous avons collecté deux types de représentation : les graphiques de parcours client cross-canal imaginés et dessinés par les praticiens interviewés mais aussi des représentations qu’ils citaient comme référence. La liste est disponible en annexe 5. Enfin, ces représentations doivent nous permettre de mieux comprendre les difficultés des praticiens pour ensuite définir des voies d’amélioration pour la conception de notre artefact et de sélectionner des critères de pertinence. Cette source de données est considérée comme primaire, au même titre que les entretiens. Les représentations sont donc codées parallèlement aux entretiens sur le logiciel Nvivo 10, avec une liste commune de codes.

2.3. Les données secondaires

Quelques consultants et prestataires interrogés ont développé une connaissance particulière sur notre objet de recherche car c’est le cœur de leur métier. Ils ont valorisé ces connaissances sous diverses formes : livres, blogs, articles dans la presse, livres blancs ou supports de formation. Nous avons collecté soigneusement toutes ces sources afin de trianguler les informations fournies mais aussi de capter des savoirs tacites de praticiens. Dans le courant du Design Science Methodology les savoirs académiques sont distincts des savoirs professionnels. Ces derniers peuvent être captés, analysés afin de compléter les savoirs académiques. Dans cette perspective, nous intégrons ces sources, présentées en Annexe 6 page 367.

3. La construction itérative du guide d’entretien

Nos entretiens ont été menés de façon semi-directive très ouverte. Comme le suggère Hervé Dumez, la recherche abductive doit permettre aux acteurs d’exprimer des faits différents et de laisser la nouveauté apparaître, pour ne pas se laisser enfermer par son cadre théorique (Dumez, 2016). Notre guide d’entretien22 est composé de quatre thèmes : (a) définition et représentations des parcours client, (b) étapes de travail pour concevoir un parcours client et lien avec la réflexion stratégique, (c) rôle du consommateur au sein du parcours client, (d) difficultés rencontrées. Nous avons intégré des relances sur le rôle joué par le client dans la conception des parcours client après quelques entretiens et la lecture de l’article de Groonros et Voïma (2012). Nous avons aussi décidé, dans les derniers entretiens d’intégrer une relance sur le design thinking car cette thématique était forte dans nos premiers entretiens. Globalement, les interviews ont été riches sauf une, qui s’est révélée presque complètement hors de propos [12] et nous avons éprouvé des difficultés à obtenir

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des praticiens leur définition du concept de parcours client car notre statut de chercheur (et d’enseignant) leur causait un stress semblable à celui de l’interrogation de l’élève ayant peur de mal répondre. Nous avons dû à de nombreuses reprises, rassurer les professionnels sur le fait que cette question était totalement ouverte et dénuée de tout jugement. Enfin, nous avons utilisé les termes multi-canal, cross-canal ou omni-canal de façon synonyme avec les praticiens car nous nous étions assurée qu’ils travaillaient tous dans un environnement cross-canal au préalable et pour ne pas les perturber en reprenant leur vocabulaire.

Section 2. Pratiques des managers sur la conception de parcours