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Section 3. La communication du changement organisationnel

1. Le changement organisationnel

1.2 Les différents types de changements

Pour Jacques Brénot, Louis Tuvée (Brenot, 1996) et Annie Bartoli (1986), le changement est de plusieurs ordres : il peut être une modification, une transformation, une mutation, une innovation, une évolution, ou encore un changement ponctuel ou permanent. Une modification ne change pas la nature de l’organisation ; il s’agit, par exemple, d’un changement de langage par un choix différent de mots utilisés. À l’inverse, une transformation est un ajustement entre des conditions externes et internes qui viennent assurer

la pérennité du système. La mutation possède, quant à elle, un caractère plus permanent et plus profond, par exemple pour une entreprise, c’est le fait de changer de métier (c’est le cas lorsque La Poste se transforme pour devenir une banque). Tous ces changements se différencient encore de l’innovation qui renvoie à « l’introduction d’un élément nouveau » dans les pratiques ou la culture. Enfin, le terme évolution est généralement associé à plusieurs changements progressifs et graduels qui s’opèrent dans la même direction, et quelques fois perçus de façon insensible (Bartoli, 1986 : 23 ; Brénot, 1996).

Par ailleurs, le changement peut être défini comme une différence, comme un processus, et plus récemment, comme une propriété naturelle du monde. Lorsqu’il est considéré comme une différence, celle-ci résulte de deux états d’un objet à travers le temps et à un moment précis. Elle est peut être minime ou très importante (par exemple, une rupture avec les valeurs de l’organisation). Dans ce cas, le changement nécessite davantage d’explications et de justifications pour pouvoir être accepté, afin d’obtenir le soutien des partenaires. Le discours organisationnel doit donc entrer dans un processus de légitimation. Le changement peut résulter d’une intervention interne ou externe à l’organisation. Les objets modifiés peuvent être tangibles ou intangibles (par exemple, la modification de l’identité de l’organisation). Le changement peut aussi être un processus, lorsqu’il fait référence au déroulement, au développement, à la manière dont se fait le passage d’un état à un autre. C’est comment s’articulent les différents moments du changement, ainsi que le séquencement ? des interventions. Le paramètre temporel est à prendre en compte car le changement peut être continu ou évolutif sur une longue période (Weick, Quinn, 1999), ou au contraire très court (par exemple, lors d’une révolution, Firsirotu, 1984). Ces changements peuvent être planifiés, délibérés, mais aussi élaborés « chemin faisant » (Avenier, 1997 ; Mintzberg et Waters, 1985), improvisés « dans le feu de l’action » (Weick, 1993), voire même résulter de « conséquences inattendues de l’action » (Giddens, 1984).

Enfin, le changement peut également être considéré comme une propriété naturelle. Selon cette approche, l’organisation est en changement continu (Weick, Quinn, 1999). L’activité quotidienne constitue par elle-même le changement : c’est un changement en train de se faire (Dumas, 1995).

Pour l’ensemble de cette typologie, il est possible d’intégrer des notions de changement ponctuel et de changement permanent (Bartoli, 1986 : 51). Dans le cas d’un changement ponctuel, il n’y a pas de changement en profondeur de la structure de l’organisation, ni des pratiques actuelles, et donc des comportements. Il s’agit, par exemple,

de la mise en place d’un nouvel équipement. Annie Bartoli parle d’ « actions nouvelles » qui se rajoutent ou qui viennent transformer le fonctionnement habituel de l’entreprise (Bartoli, 1986 : 53). Néanmoins, le changement ponctuel peut avoir des effets durables. Par exemple, Isabelle Vandangeon-Derumez souligne que plusieurs ajustements successifs marginaux peuvent conduire à une transformation radicale du système. Pour autant, ces actions sont à différencier d’un processus programmé et coordonné d’actions de changement ponctuel majeur, poursuivant toutes le même but (Vandangeon-Derumez, 1998). Dans le cas du changement permanent, il s’agit de modifications plus radicales du système organisationnel, voulues et planifiées par les dirigeants (Isabelle Vandangeon-Derumez, 1998 ; Demers, 1993 : 104). Ces changements affectent en profondeur les systèmes de gestion, de décision, d’organisation ou de production. Il s’agit, par exemple, de la taylorisation ou d’une restructuration en cas de crise. Pour Christiane Demers, ces changements radicaux transforment en profondeur le fonctionnement interne de l’organisation, ses valeurs, sa culture, mais aussi sa relation à son environnement et à sa mission (Demers, 1993 : 107). Ces changements viennent donc remettre en cause le fonctionnement de l’entreprise et peuvent être illustrés par la mise en place, par exemple, des « processus de qualité totale ».

Par ailleurs, un point important à souligner est la différence entre un changement imposé, c'est-à-dire déterminé par l’environnement externe et interne, et un changement participatif ou négocié. En fonction de ces critères, il y a plusieurs types de changements : le changement technico-organisationnel prescrit par le management, le changement au quotidien, la gestion participative du changement, le changement par la crise, et enfin le changement planifié et autoconstruit. Le changement technico-organisationnel prescrit par le management (Bernard, 1998) fait partie de « la gestion directive du changement » analysée par François Boneu (1992). Dans ce cas, c’est la direction qui impose le changement au corps social, afin de faire face aux évolutions du marché et des technologies. L’encadrement présente donc le changement comme le nouvel élément désormais structurant et permanent du fait de l’économie mondialisée. Aussi, c’est la direction qui décrète les objectifs du changement et la mise en œuvre de celui-ci, avec les nouvelles règles que les salariés doivent suivre et appliquer. L’inconvénient de cette approche est qu’elle n’implique pas le corps social. De ce fait, elle prend le risque de susciter des réactions d’hostilité pouvant venir la mettre en échec (Boneu, 1992 : 92). Ici, la communication est centralisée et descendante, avec un projet défini par une équipe limitée comprenant des acteurs stratégiques, des experts et des décideurs. La communication vient donc s’imposer aux salariés par la direction, même si

ponctuellement, et d’après Françoise Bernard, des boucles de rétroaction sous forme de consultation, de concertation et de participation (Bernard, 1998) peuvent s’observer. Pourtant, Jean-Pierre Le Goff parle d’une participation illusoire, car, pour lui, les projets « sont soigneusement élaborés, planifiés et contrôlés par une poignée de spécialistes » (Le Goff, 1992 : 108). Il en est de même pour le changement managérial qui est « une de ces transformations voulues par les « managers », par opposition aux changements spontanés ou subis, dont l’entreprise peut être le théâtre ». Ici, « il s’agit de changer les modes de fonctionnement individuels et collectifs des hommes dans l’organisation, leur manière de diriger, d’être dirigés, d’interagir au sein de l’entreprise et avec l’environnement de celle-ci, de travailler, de prendre et d’assumer des responsabilités » (Miere, 1997). Ainsi, cette évolution vers des styles et des modes de décision du management plus participatifs, vise à « favoriser la coordination et la communication interne ». Pour François Boneu, « le changement managérial est un but en soi, mais c’est aussi le point de passage obligé de bien d’autres types de changements » (Boneu, 1992 : 92). Le changement au quotidien comprend, soit « des actions de courte durée », soit « des actions de faible ampleur » telles que, par exemple, le transfert de bureaux ou encore le remplacement d’un matériel ancien (Bartoli, 1986 : 41).

La gestion participative du changement consiste pour l’entreprise à faire participer les salariés à l’élaboration du projet de changement (Boneu, 1992 : 92). Cette conception se rapproche de la gestion « négociée » du changement (Morin, 1988). Ici, la direction procède à des négociations avec les représentants des salariés et les partenaires sociaux, sur les objectifs et les modalités de réalisation du changement, celui-ci ayant été malgré tout préalablement déterminé par le management. François Boneu dit que cette méthodologie s’avère indispensable lorsqu’une entreprise change de statut (Boneu, 1992 : 92), comme par exemple La Poste. Dans ce cas, le choix du changement relève bien de prérogatives émanant de la direction, mais la discussion est possible, dans une certaine mesure, avec les salariés. Le changement devient donc un objet de négociation. Néanmoins, l’effet pervers de cette méthodologie est que celle-ci peut faire susciter des attentes individuelles (notamment) qui ne pourront pas être comblées. Le changement par la crise est une variante du changement imposé, à la différence que l’obligation de changer émane des circonstances qui viennent imposer une solution inévitable. Dans ce cas, le corps social offrirait moins de résistances au changement (Boneu, 1992 : 93). Michel Crozier pense que seule la crise permet aux bureaucraties de se transformer et que toute leur gestion revient à savoir susciter et maîtriser

ces crises (Crozier, 1977). Enfin, le changement planifié et autoconstruit vise pour l’entreprise à définir à priori les transformations souhaitées par ses salariés, (par exemple, résoudre des « microproblèmes » comme des pannes, des imprévus ou des conflits, mais aussi mettre en place de nécessaires interactions ou coopérations) pour pouvoir les mettre en œuvre dans un second temps. Ici, la direction encadre de manière souple ces changements, et ceux-ci se construisent de manière progressive par les initiatives des demandeurs, lesquelles requièrent inventivité, créativité et bricolage, dans le cadre de « microcoopération » (Bernard, 1998 : 308). Il s’agit d’un contexte de changement qui peut être non prescrit, comme prescrit. Dans ce dernier cas, il y a donc une symétrie et une complémentarité entre les deux dynamiques de changements : « les changements par le haut et les changements par le bas » (Bernard, 1998 : 306).

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