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Son déroulé : le projet CoraLean de la DOTC pilote de Paris Sud

Section 2. Des décalages entre une grande démarche de communication et des réalités communication et des réalités

5. Un exemple d’implantation du « Lean management » : la démarche Lean au Courrier

5.2 Son déroulé : le projet CoraLean de la DOTC pilote de Paris Sud

La direction industrielle s’inspire de la démarche d’implantation du Lean expérimentée dans le Pas de Calais par un cabinet de consultant externe, pour mener la transformation globale qu’elle rebaptise : la démarche Elan. L’internalisation du projet résulte d’un choix d’économie et la nouvelle dénomination vise à faire oublier l’implantation du Lean qui peut être mal perçu socialement. C’est donc bien la direction industrielle qui assure elle-même, et au niveau national, l’accompagnement de la démarche Elan. À cet effet, c’est une équipe de consultants internes qui est constituée dans chaque direction territoriale, au sein d’un pôle dédié à la conduite du changement. Les directeurs territoriaux des sites pilotes et le responsable du pôle des consultants internes constituent le comité de pilotage. Afin d’assurer l’appropriation des principes du Lean par la ligne managériale, la direction industrielle construit un ensemble de supports de formation et d’accompagnement. De même des actions de sensibilisation et d’acculturation sont menées, l’objectif étant de faire accepter les changements. Le Lean au Courrier est mis en place par différents acteurs qui assurent des fonctions de mise en œuvre, d’accompagnement et de pilotage. Ils appartiennent à des niveaux d’organisation et des directions différents.

5.2.1 L’implantation de la démarche Elan : la responsabilisation de la ligne managériale grâce à l’appui d’un consultant

L’implantation de la démarche se fait dans une logique de décentralisation, car il ne s’agit pas d’appliquer un standard national d’accompagnement porté par le consultant, mais de confier la responsabilité de la mise en œuvre aux DOTC et aux établissements. Le directeur territorial est donc positionné comme responsable du projet d’implantation sur sa zone, en impliquant l’ensemble de sa ligne managériale et en prenant en compte les spécificités territoriales.

La démarche Elan se structure autours de différentes étapes et d’un calendrier d’environ huit mois, qui comprend trois phases : le lancement, la définition des objectifs et la revue finale. S’insérant dans les trois phases, les étapes comprennent : la préparation, l’analyse, la définition des objectifs, la planification et la transformation, puis la stabilisation et la pérennisation. La préparation est l’étape qui permet de définir le périmètre pour chaque établissement et le planning du projet, et qui recouvre les premières actions de communication autour de la sensibilisation et de l’acculturation au « Lean management ». Lors de la phase d’analyse, l’accent est mis sur l’observation des dysfonctionnements en établissement, afin

d’aboutir à un diagnostic partagé des points d’amélioration. Après cette étape, des objectifs d’amélioration sont définis et regroupés dans des grandes familles d’objectifs telles que, par exemple, la sécurité, l’organisation humaine, la communication, etc. ; et pour chaque objectif, des indicateurs sont déterminés par les opérationnels. Ensuite, les étapes de planification et de transformation qui suivent les principes du Lean (par exemple, valeur ajoutée, flux, management visuel, etc.) s’appuient sur la création de plusieurs groupes de travail comprenant les opérationnels. Enfin, la dernière étape consiste à stabiliser et à pérenniser les transformations, une fois leur réalisation concrète effectuée et réajustée si besoin pour validation définitive auprès du directeur territorial.

5.2.2 Le pilotage au niveau territorial : un fonctionnement en mode projet

L’enjeu du projet CoraLean pour la DOTC vise à rendre autonomes les équipes des différents établissements grâce à l’appropriation de la démarche Elan. Les deux objectifs principaux de la DOTC, fixés aux établissements, sont l’amélioration de l’organisation et des conditions de travail, mais aussi l’appropriation de la méthodologie en vue de la pérennisation de la démarche (sur la base d’une capitalisation des savoirs avec la constitution d’une base documentaire) et de sa généralisation sur les autres établissements de la DOTC Paris Sud. Ce projet territorial s’appuie sur les recommandations issues de la démarche nationale, à savoir : la communication sur la démarche assurée par les responsables en établissement ; l’expertise en matière de « Lean management » par le consultant ; l’implication et la participation des agents à la démarche d’observation puis de transformation ; et enfin le compte rendu régulier par les responsables au sein de l’établissement et le consultant, de l’état d’avancement de la démarche.

Le rôle de la DOTC vise principalement à assurer un appui aux établissements par la constitution d’une équipe projet réduite (un pilote territorial et un coordonnateur), ainsi que le pilotage de la mise en place des projets au sein des établissements.

5.2.3 La mise en œuvre en établissement et l’accompagnement d’un consultant

C’est l’ensemble du personnel qui est concerné, soit environ 150 à 200 personnes par

établissement, lesquelles comprennent un directeur d’établissement, quatre à cinq cadres, une dizaine d’encadrants, ainsi que des agents composant le reste de l’effectif.

Le directeur d’établissement a la responsabilité de la mise en œuvre de la démarche sur son centre et de la réalisation concrète des changements d’organisation, tout en maintenant et en assurant la qualité de service. Pour cela, il constitue une équipe projet se composant d’un référent Lean, généralement son adjoint, et d’une dizaine de personnes comprenant des encadrants et des agents. Cette équipe projet est différente et indépendante de l’organisation habituelle et fonctionnelle de l’établissement. Elle comprend des personnes volontaires. Leur mission consiste à assurer la communication à l’ensemble du personnel sur la démarche et sur les résultats obtenus ; à organiser la mise en œuvre de la démarche (réservation des salles, disponibilité des participants, adaptation des horaires, etc.) ; à participer aux différentes étapes de la démarche ; et enfin à assurer le reporting sur l’état d’avancement de la démarche.

Le consultant de la direction industrielle joue également un rôle important dans l’accompagnement de chaque établissement. Il intervient à la demande du directeur territorial en tant qu’expert du Lean et de la démarche Elan. A ce titre, il forme les équipes projets et accompagne celles-ci dans la mise en œuvre de la démarche ; par exemple, en animant les groupes de travail. La participation de l’ensemble du personnel est alors requise pour mettre en œuvre une démarche de « Lean management ».

5.2.4 La communication et la participation des acteurs

Dans les processus de changement et d’apprentissage, les pratiques de communication, d’échanges d’information et de mobilisation ont une place déterminante, que ce soit tant au niveau de l’organisation, qu’au niveau individuel et subjectif. Il s’agit de communiquer et d’échanger sur le sens, mais aussi de mettre en place des dispositifs de participation.

Le renforcement des actions de communication vise à impliquer et faire adhérer le personnel en cherchant à le convaincre, à le rassurer, et à lui faire accepter le changement car la justification de la recherche d’une organisation plus efficace ne permet pas à elle seule d’impliquer l’ensemble du personnel dans la démarche. Aussi, dès le départ, l’activité de communication des responsables du projet est-elle omniprésente, car ils doivent informer l’ensemble du personnel de la démarche pour l'inciter et le convaincre à participer dans un calendrier défini. Néanmoins, la mobilisation des agents, comparée à celle des cadres, n’est pas immédiate. Pour les agents, les enjeux de la démarche restent flous d’autant plus que les recommandations restent prescrites, extérieures et trop éloignées de leurs préoccupations. La démarche suscite donc des appréhensions, de la méfiance et de la défense d’intérêts. Ces différences de perception entre les agents et les cadres peuvent s’expliquer par les

représentations d’un objet liées au phénomène de résonance de celui-ci, compte tenu du système social et institutionnel des acteurs (Amado, 2006). En effet, la position et les responsabilités habituelles des cadres les prédisposent à une implication dès le départ de la démarche, alors que les agents n’ont habituellement qu’une responsabilité limitée sur les prises de décisions en ce qui concerne l’organisation. Leur implication dans la démarche repose donc sur des facteurs subjectifs de gains potentiels pour le collectif (amélioration des conditions de travail, cohésion d’équipe…) ou en fonction d’objectifs individuels (Dubois, Petit, 1998) tels que par exemple, la promotion ou la reconnaissance. De même, la mobilisation des agents se fait de manière progressive et requiert une compréhension commune par la confrontation des représentations, qui donne peu à peu un sens partagé au projet.

Ainsi, pour favoriser l’implication des agents, les cadres doivent orienter leur communication vers les attentes du personnel. Pour cela, ils assurent une communication régulière et transparente. Par exemple, l’annonce des changements passe par une nouvelle étape dans l’information et dans la communication, qui vise à justifier les changements et à traiter les objections. De plus, afin de compléter ce mode de communication, l’idée consiste à s’appuyer sur les agents ayant participé à la conception des changements, comme relais de diffusion des informations afin de rétablir de la confiance envers la direction. Cette communication permet donc d’associer les agents dans les prises de décisions, d’autant plus que celles-ci peuvent concerner directement leur activité.

Pour démarrer l’étape de participation du personnel, la méthodologie de la démarche Lean prévoit plusieurs dispositifs tels que : le travail en équipe projet afin d’analyser les dysfonctionnements, la création de fiches d’amélioration et la constitution de groupes de travail pour réfléchir à des pistes d’amélioration.

Au travers de ces dispositifs, c’est l’ensemble du personnel qui est invité à s’exprimer sur les suggestions et les dysfonctionnements, de façon libre. Il s’agit de stimuler les processus de pensée par des modalités de relations et de coopérations (Dubois, Petit, 1998) qui permettent au personnel de devenir co-constructeur de la démarche. Néanmoins, la participation aux groupes de travail est basée sur un volontariat ciblé, c’est-à-dire vers le personnel plus particulièrement impliqué dans le fonctionnement des chantiers. Bien que l’action collective ne relève pas toujours de stratégies rationnelles liées à des intérêts individuels, mais aussi de valeurs et passions (pour la défense d’agents, par exemple) selon Jean Daniel Reynaud (1988) les organisations recherchent à associer les intérêts collectifs du groupe aux intérêts

individuels des personnes concernées. De même, toujours d’après cet auteur, l’action collective s’appuie sur une grappe de personnes intéressées qui ont les moyens de s’investir. Par ailleurs, les travaux de Kurt Lewin démontrent que la dimension groupale, notamment au travers des discussions, peut permettre de réduire les résistances au changement.

Les membres de l’équipe projet sont chargés de relayer les informations auprès de leurs collègues. Ils communiquent sur le sens des changements et ont donc un rôle d’enrôlement (Dubois, Petit, 1998). Les agents, eux, font remonter des propositions à partir des difficultés qu’ils rencontrent au quotidien dans leur travail. À certains moments, il peut même leur être demandé de présenter eux-mêmes les résultats obtenus, car ces actions de communication sont l’occasion de fortement mobiliser et motiver les agents. Pour ces derniers, le fait de pouvoir contribuer à l’élaboration d’améliorations partagées par l’ensemble du personnel constitue une source importante de reconnaissance de leurs compétences professionnelles. De même, cette démarche les responsabilise d’autant plus que les relations et coopérations se font au travers de nouvelles modalités.

Ici, dans ce chapitre cinq, nous avons vu un exemple d’implantation d’une démarche de « Lean management » avec le projet Coralen de la DOTC pilote de Paris Sud (branche Courrier du Groupe La Poste). Sa mise en œuvre s’est faite grâce à la responsabilisation de la ligne managériale et à un pilotage en mode projet au sein de l’établissement en question. Néanmoins, sans une communication adaptée et la participation des postiers, la démarche n’aurait pas pu voir le jour.

Dans cette section deux, nous avons vu qu’apparaissaient progressivement des constats de souffrance au travail, et que ceux-ci continuaient malgré la mise en place du « Grand Dialogue ». Aussi, cette démarche semble pouvoir s’apparenter une fois de plus et seulement, à une stratégie de communication visant à accompagner les changements au sein de l’entreprise, et ceci malgré la participation des postiers. Par ailleurs, nous avons pu en illustrer le phénomène grâce à l’exemple donné d’implantation du « Lean management » avec le projet Coralen de la DOTC pilote de Paris Sud. Pourtant, il semblerait néanmoins que ce « Grand Dialogue » ait eu des effets organisants, notamment au Centre financier de Toulouse.

Section 3. Le « Grand Dialogue » : entre stratégies de

communication et « processus communicant/processus

organisant »

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Comme vu précédemment, le « Grand Dialogue » semble faire partie d’une stratégie

de communication visant au changement, avec l’implantation du « Lean management » au sein du Courrier. Cette démarche semble donc constituer les prémices d’une nouvelle organisation à mettre en place de manière plus globale au sein de l’entreprise, dont l’étape du « Grand Dialogue » fait partie. Néanmoins, nous allons voir que celui-ci n’en constitue pas moins un processus communicant – processus organisant, plus particulièrement au sein du Centre financier de Toulouse où se déroule notre recherche-action. Pour cette analyse, les approches fonctionnalistes et constitutives vont être mobilisées pour caractériser le « Grand Dialogue », puis nous examinerons deux initiatives prises à la suite du « Grand Dialogue » au Centre financier de Toulouse (Groupe La Poste), qui s’inscrivent dans une communication organisante du changement : à savoir la constitution d’un « groupe projet vie et santé au travail », puis « le projet RH-Numérique Vie et Santé au travail ».

1. Le Grand Dialogue : d’une communication du changement à une communication du

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