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Troubles alimentaires :

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Comme décrit précédemment, le développement des troubles alimentaires est di- visé en plusieurs phases successives : la première phase est présente à la naissance et correspond à la période durant laquelle les enfants avec un SPW ont des difficultés à s’alimenter. La seconde qui apparait vers l’âge de 2 ans, conduit à l’hyperphagie et à l’obésité (pour de plus amples détails je vous renvoie à l’étude de Miller et al 2011, étude dans laquelle on retrouve un tableau très détaillé des phases alimentaires dans le SPW). La Figure1.3 nous montre qu’à la naissance, les nourrissons PW ont un Indice de Masse Corporelle (IMC) normal voire en deçà de la norme associé à un excès de masse grasse (comparé à des enfants de même IMC). Ce n’est qu’à la phase 2a (vers 3 ans), que ces enfants évoluent vers le surpoids avec une augmentation progressive de l’IMC corrélée à une augmentation du pourcentage de masse grasse (Figure1.3, section de droite). Les troubles alimentaires se développent avec des pensées prégnantes pour la nourriture chez ces patients qui peuvent mettre en place des stratégies extrêmement élaborées dans le but de trouver de la nourriture malgré des fonctions exécutives faibles [339].

La raison de ce « switch » comportemental nécessite encore des éclaircissements puisque les mécanismes qui le sous-tendent ne sont, à l’heure actuelle, pas encore parfai- tement connus. Il est considéré que le SPW est un modèle de l’anorexie, boulémie [336]. lire l’article

Figure 1.3 –A : Evolution des Indices de Masse Corporel (BMI en anglais) au cours des différentes phases nutritionnelles décrites dans le SPW. B : Evolution des scores de pourcentages de masse grasse au cours du développement du SPW [241]. Ces 2 scores augmentent sensiblement avec l’âge et résultent de l’hyperphagie de ce syndrome. De plus, nous pouvons voir que 2 périodes alimentaires sont présentes : la première à la naissance avec des scores en BMI normaux à faibles, puis une brusque élévation à partir de la phase 2a.

1.4.1

Atteintes au niveau central

Études comportementales

Les premières études qui se sont intéressées à caractériser les troubles alimentaires dans le SPW, se sont basées sur des observations comportementales. Une étude de Dy- kens et al (2000) [108] a notamment révélé que les patients avec un SPW pouvaient ingérer des aliments congelés, voir avariés (et dans les cas extrêmes non comestibles). Cette même équipe quelques années plus tard a ajouté que ces patients recherchaient de la nourriture dans les poubelles, pouvant aller jusqu’à manger les déchets et qu’ils avaient tendance à vouloir finir les restes des autres personnes [112]. Ils peuvent égale- ment se contenter avec des aliments pour animaux.

De plus, les aliments sucrés [174] sont privilégies par rapport aux aliments salés, acides ou neutres et il est retrouvé une préférence pour les aliments avec une forte teneur calorique par rapport aux aliments à faible valeur calorique [99]. Une étude comporte- mentale américaine s’est intéressée à la consommation calorique d’adultes avec un SPW par rapport à celle d’une population saine. Les auteurs proposaient aux 2 populations une quantité illimitée de sandwich club pendant une heure. À la fin de cette heure, le nombre de carrées de sandwich ingérés était comptabilisé ainsi que le temps de la prise alimentaire. Ils ont ainsi démontré que les patients avec un SPW consommaient 3 fois plus de sandwich et donc de calories qu’une population saine [177].

Il faut également noter que la consommation excessive d’aliments (et par conséquent un seuil élevé en calories) est corrélée, dans le cas du SPW, à une dépense énergétique moindre. Ce couplage explique la survenue rapide d’une obésité extrêmement sévère dans ce syndrome.

Enfin, la sévérité des scores hyperphagiques tend à diminuer avec le vieillissement des patients avec un SPW. Ils présentent toujours des comportements compulsifs vis- à-vis de la nourriture (89% sont obèses) mais semblent avoir moins de troubles relatifs à la nourriture que les plus jeunes [112].

Études en neuroimagerie

De nombreuses études ont été menées afin comprendre au mieux comment les pa- tients atteints d’un SPW traitaient, au niveau cérébral, les informations en lien avec la nourriture et le contrôle de la satiété. On retrouve un vaste réseau à la fois sous-cortical (l’hypothalamus, l’amygdale, l’insula) et cortical (cortex préfrontal, cortex orbitofron- tal), qui englobe le contrôle de la faim, de la satiété, mais également plus largement les processus de récompense et de motivation.

Ainsi ces études en neuroimagerie ont permis d’analyser le fonctionnement des mé- canismes liés au contrôle de la prise alimentaire et de la satiété. Des travaux en IRMf, suite à la présentation de stimuli visuels en rapport avec de la nourriture, ont démontré une activation plus forte, après la consommation d’un repas, dans des aires spécifiques comme l’amygdale, le cortex préfrontal (PFC) ou encore le cortex orbitofrontal (OFC) lorsque l’on compare des individus avec un SPW à des individus contrôles [334]. Une autre étude a révélé que le cortex orbitofrontal de patients avec un SPW présentait une plus faible activation [255]. Sachant que l’OFC est connu pour gérer les informations relatives à la nourriture, les informations viscérales et les boucles de renforcement et qu’en réponse il module les représentations de nourriture et les envies, il pourrait être également impliqué dans la physiopathologie de l’hyperphagie dans le SPW.

De plus le cortex préfrontal latéral (DLPFC), qui gère le contrôle de l’inhibition, montre une activité atypique dans le groupe SPW en postprandial, ce qui pourrait expliquer pourquoi ces patients, surtout dans des situations impliquant fortement de la nourriture [190], rencontrent des difficultés à réfréner leurs envies de manger. Dans cette revue de la littérature, les auteurs mentionnent que les patients avec une délétion ont davantage de difficultés à se contrôler que les patients avec une disomie.

De plus, une autre étude a révélé une hyperactivité de centres spécifiques au sein de l’hypothalamus qui est connu comme un carrefour des informations liées à la prise ali- mentaire et au contrôle de la satiété [99]. Dans cette étude IRMf, les auteurs ont montré

Figure 1.4 –Images IRMf obtenues sur une population adulte de patients avec un SPW. En rouge, nous retrouvons les aires cérébrales fortement activées en réponse à des images de nourriture. Il faut noter également que l’amygdale absente ici, s’active davantage à la présentation d’image en lien avec la nourriture qu’à la présentation d’images neutres. OFC : Orbitofrontal Cortex. Issu des travaux de Dimitropoulos et al [99]

des images de nourriture (à haute ou faible valeur calorique) et des images neutres à des patients avec un SPW et à des individus contrôles qui ont été appariés par rapport à l’IMC. Ils ont montré que certaines régions comme l’hypothalamus, l’OFC (voir figure 1.4) présentaient une hyperactivité en réponse à des images d’aliments à forte valeur ca- lorique. Ces augmentations de l’activité de ces régions induisent une réponse anormale des processus de motivation et de récompense, qui in fine, peut expliquer l’hyperphagie dans le SPW [179].

1.4.2

Au niveau périphérique

Outre ces nombreuses études en neuroimagerie révélant une origine cérébrale aux troubles alimentaires, les troubles de la satiété dans le SPW pourraient être liés au système de la ghréline. En effet, cette hormone entérique orexigène stimule la prise de nourriture ainsi que la sécrétion de GH (Growth Hormone, hormone de croissance) [206]. La ghréline est également impliquée dans la régulation du métabolisme du glucose, de la motilité intestinale, et au niveau central sur les comportements de récompense et dans la modulation du stress et de l’anxiété [247].

La ghréline existe sous 2 formes moléculaires : une forme acylée qui stimule l’appé- tit dite orexigène et une forme non-acylée anorexigène qui, à l’inverse, réfrène la prise alimentaire [53]. La forme sérique la plus fréquente est l’UAG (forme inactive de la

ghréline) qui représente approximativement 90% de la ghréline totale détectée dans le sérum et aurait un effet sur l’inhibition de la prise alimentaire [27].

Dans le SPW, il a été décrit que ces patients présentaient des taux circulants de ghréline anormalement élevés comparés à des taux issus d’une population saine ou obèse [86, 150]. Ces taux plasmatiques peuvent être 3 à 4 fois supérieurs dans la po- pulation adultes avec un SPW que dans une population appariée par l’IMC [95, 334]. L’élévation de la concentration plasmatique de ghréline pourrait ainsi conduire à une augmentation de la sensation de faim et par conséquent augmenter la fréquence et le volume de la prise alimentaire. De plus, les taux diminuent très peu après la consom- mation de nourriture et reste élevés que ce soit chez les enfants ou chez les adultes avec un SPW [149].

Figure 1.5 – Taux circulants de ghréline dans la population SPW (losanges noirs) comparés aux taux de la population contrôle (ronds blancs), après 36h de jeûne. Image tirée des travaux de Delparigi et al [95].

Ces taux circulants de ghréline ont particulièrement été étudiés dans l’enfance lors du passage de la phase d’anorexie à la phase d’augmentation de la prise alimentaire. Ainsi, il a été rapporté dans plusieurs études que des taux élevés de ghréline acylée (AG) étaient détectés chez l’enfant et l’adulte avec un SPW alors que les taux de ghréline non-acylée (UAG) restaient stables au cours du développement de 1 à 48 mois [27]. De ce fait, un faible ratio AG/UAG pourrait conduire à une anorexie dans les premiers mois de vie. Les taux d’AG allant en augmentant, le ratio AG/UAG augmentera proportion- nellement et un ratio élevé pourrait expliquer l’hyperphagie et la pensée prégnante pour la nourriture.

Enfin Haqq et collaborateurs [168], n’ont pas retrouvé systématiquement des taux de ghréline élevés dans leurs travaux. En effet, ils rapportent que seulement 1 jeune

enfant avec un SPW sur 3 (soit 33%) présentent des taux anormaux de ghréline circu- lante [168]. Cependant la disparité des résultats pourrait provenir du fait qu’ils n’aient pas considérer les deux formes de ghréline séparément. De plus, dans cette étude, les auteurs ne mentionnent pas de différence des taux de ghréline entre les 2 sous-types génétiques (DEL et UPD).

Il faut noter toutefois que les études en neuroimagerie et sur les taux circulant de ghréline ne sont pas exclusives les unes envers les autres puisque la ghréline induit des réponses au niveau central via le Neuropeptide Y [53]. Les troubles alimentaires dans le SPW proviennent probablement de déficits centraux et périphériques. D’autre part, la régulation de l’appétit fait intervenir une signalisation complexe de plusieurs fac- teurs comme l’insuline, le peptide YY ou encore le polypeptide pancréatique (PP) qui peuvent jouer un rôle dans l’hyperphagie.

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