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Au niveau cérébral

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2.2 Théorie de l’esprit et neurones miroir

2.2.1 Au niveau cérébral

De nombreuses études sont intéressées aux réseaux qui sous-tendent les mécanismes de la ToM. Nous ferons la distinction ici entre les mécanismes liés au système de "men- talisation" et le système des neurones miroir.

Le réseau cérébral qui est mis en activité par le traitement des tâches impliquant la ToM inclue le cortex préfrontal médial (mPFC), certaines régions du précunéus et du cortex cingulaire postérieur, la jonction temporo-pariétal (TPJ) et la partie postérieure du sillon temporal supérieur (pSTS) [304]. Ce large réseau cérébral verra son activation bilatérale, et l’implication d’aires précises dépendra du type de paradigme expérimental.

Figure 2.3 – Régions d’intérêt impliquées dans les processus de la théorie de l’esprit. À gauche les aires du système des neurones miroir que sont : la partie antérieure du sillon intrapariétal (aIPS), le cortex prémoteur (PMC) et la partie postérieure du sillon temporal supérieur (pSTS). À droite sont réprésentées les régions cérébrales du système de "mentalisa- tion" : la jonction temporo-pariétale (TPJ), le cortex préfrontal médial (mPFC) et le précunéus (PC) qui n’est pas représenté ici. Issu des travaux de Van Overwalle et al [347].

Ce réseau est illustré dans la Figure2.3. À droite de celle-ci vous retrouvez les 2 principales aires cérébrales du système de mentalisation. Le précunéus, qui n’est pas

représenté sur la figure, situé dans la partie postéro-médiane du lobe temporal, est éga- lement activé dans les tâches impliquant la ToM. Il serait plus particulièrement recruté dans la collecte des informations en mémoire et également dans l’imagerie visuelle men- tale. Toutefois le rôle exact du précunéus dans le système "mentalizing" est encore à éclaircir. Pour certains auteurs, il serait plausible que le système de mentalisation tire un avantage de l’information contextuelle, qui requiert le précunéus pour identifier la structure globale et générale d’un contexte, ou en permettant l’accès aux informations stockées dans la mémoire épisodique [347].

En ce qui concerne l’activation et le recrutement de la TPJ, Gobbini et al en 2007, en utilisant une tâche sur les fausses croyances, ont démontré que la TPJ était préféren- tiellement activée alors que les pSTS étaient davantage impliqué dans le traitement des informations de mouvements (animations sociales, perception des mouvements de point lumineux) [147]. D’autre part, elle serait également importante dans la représentation des buts et des intentions d’autrui [347]. Elle serait alors en lien avec le cortex préfrontal médial (mPFC) puisque celui-ci a été décrit comme impliqué dans le raisonnement sur les actions et leurs jugements. Alors que la TPJ servirait à identifier les buts d’une ac- tion, le mPFC serait davantage lié à la compréhension de ces buts, et à juger la personne en fonction de son intention. Enfin, la TPJ est également activée dans les paradigmes de Posner ou "cueing paradigm". De par son activation dans ce type de paradigme, la TPJ aurait un rôle dans l’orientation de l’attention vers une cible mais surtout dans l’analyse de la direction du comportement en fonction du but final d’une action [347]. Dans une méta-analyse de Decety et al en 2007, la TPJ (et plus particulièrement celle de l’hémisphère droit) est largement décrite comme importante dans les processus de cognition sociale, au sens large [94]. Ces auteurs ont ainsi confirmé la participation de la TPJ dans les processus d’empathie, dans les processus d’attention/ré-orientation vers une cible et dans les processus du sens de l’agentivité1. Toutes ces actions peuvent être

regroupées sous le terme générique de ToM confirmant le rôle important de la TPJ dans notre faculté à comprendre autrui.

Le système des neurones miroir

Le système qui fut largement décrit et étudié est le système des neurones miroir. Il fut initialement décrit chez le singe. Chez ceux-ci, ont été retrouvés des neurones déchargeant quand le singe était activement impliqué dans une tâche. Ces mêmes neu- rones s’activaient à l’observation d’un autre singe effectuant une tâche identique [283]. Localisés tout d’abord dans l’aire F5 au niveau du cortex prémoteur, des études ulté- rieures ont étendu la zone des neurones miroir au lobe pariétal inférieur des singes. Chez l’humain, il est maintenant acquis que le cortex prémoteur ventral (PMCv) et le gyrus frontal inférieur (IFG) sont les homologues humains des aires appartenant au SNM du

macaque (aire F5).

De nombreuses études en neuroimagerie chez l’Homme, ont contribué à la descrip- tion des régions cérébrales impliquées dans les mécanismes du SNM. Par conséquent, le SNM englobe des aires comme le sillon intrapariétal antérieur (aIPS) et le cortex pré- moteur (PMC) en incluant le lobule pariétal inférieur (IPL) et le gyrus frontal inférieur (Figure2.3).

L’aIPS est impliqué dans le contrôle moteur des mouvements quand ils sont exécu- tés dans le but d’attraper un objet (par exemple prendre sa tasse à café) et contrôle également l’exécution et l’observation des mouvements orientés dans un but précis. Le cortex prémoteur (PMC) identifie les buts et les intentions des actions en fonction de leurs ressemblances avec des représentations internes mémorisées. Si les actions perçues correspondent à celles que nous avons en mémoire alors le but de l’action est iden- tifié. Enfin, ces 2 régions reçoivent des afférences du sillon temporal supérieur (STS) qui contient des neurones multimodaux qui répondent aux mouvements de différentes modalités perceptives (Figure2.3) [347].

Dans une étude en IRMf, les auteurs ont utilisé plusieurs conditions afin de connaitre les activations du SNM en réponse à une action. Ces conditions étaient : une action (main qui saisit un objet), une image (l’objet saisi) ou la même action effectuée dans différents contextes. Dans cette dernière condition, seule la présence du contexte per- met au sujet de comprendre l’intention de l’action. Au niveau cérébral, cette condition entraîne une activation sélective de l’aire de Brodmann 44 (pars opercularis, ou gyrus frontal inférieur) et une partie juxtaposée du cortex prémoteur ventral (PMCv) [283]. Cette augmentation d’activité dans ces régions corrobore la présence du SNM [244].

Enfin, nous pouvons, par ailleurs, mentionné l’implication du cortex préfrontal dorso-latéral (DLPFC, BA46) dans certain type de processus du SNM. Il a été décrit que le DLPFC s’activerait principalement durant la préparation motrice dans le cadre de l’imitation d’une action [357]. L’implication du DLPFC a été interprétée comme la sélection et la combinaison de nouvelles séquences motrices, qui feront ensuite partie, après apprentissage du répertoire moteur de l’individu [357]. Par exemple, Vogt et col- lègues ont demandé à des personnes non musiciennes d’apprendre une série d’action à la guitare en pinçant les cordes puis à la restituer. Un enregistrement IRMf était effectué et ces enregistrements étaient comparés à ceux de sujets musiciens. Ils observaient une forte augmentation de la réponse BOLD dans le DLPFC (et plus précisément dans l’aire 46) durant l’observation et la préparation de l’action dans la population ne pratiquant pas de musique. Les musiciens, eux ne montrent pas de modulation d’activité dans cette région [357]. Ceci prouve que le DLPFC est, de manière préférentielle, impliquée dans les processus d’apprentissage de nouveautés, et que l’entrainement diminue son impact. Ce résultat nous montre le rôle important du SNM dans l’apprentissage, grâce à notre capacité d’imitation [357]

ser que cette capacité est particulièrement efficace dans l’acquisition de compétences motrices et dans une certaine mesure, sur l’exercice physique. C’est dans cette optique qu’a été élaborée l’Action Observation Theory (AOT). De nombreuses études ont dé- montré que l’AOT aurait des effets positifs sur la réhabilitation des patients souffrant de troubles moteurs. Elle repose sur le fait, qu’observer d’autres individus faire des actions, peut entraîner une amélioration de ces mêmes mouvements sur une population malade. Son usage dans la maladie de Parkinson se révèle, par conséquent, être une bonne alternative aux techniques de réhabilitation. En utilisant cette approche, Cali- giore et al ont permis la facilitation des performances des mouvements spontanés de patients avec Parkinson. Ces patients effectuent alors plus facilement les mouvements observés. L’observation simultanée à l’exécution du mouvement associé pourrait pro- duire, chez ces patients, une facilitation motrice liée aux activités journalières. Ceci parait utile pour réactiver les représentations motrices du répertoire des patients afin des leur permettre une meilleure effection de ces mouvements du quotidien [55] et ainsi diminuer les troubles moteurs.

Les mécanismes décrits précédemment reposaient sur la perception de l’action et dans sa compréhension lorsque celle-ci est effectuée vers un but, une intention. Si le pa- radigme expérimental repose sur la présentation de stimuli chargés émotionnellement, une autre aire cérébrale s’active : l’insula. Cette dernière, lors d’une expérience menée en IRMf, s’active, dans sa partie antérieure, en réponse à l’observation ou à l’imitation d’expressions faciales (parmi les 6 émotions de base). Il a été proposé, en analogie avec la compréhension de l’action, que ressentir les émotions est attribuable à l’activation des circuits qui gèrent la réponse correspondante à l’émotion perçue (je comprends que la personne est joyeuse, alors je ressens moi aussi de la joie) [283].

En élargissant la zone d’étude, nous pouvons nous apercevoir que d’autres aires sont impliquées dans le traitement des émotions d’autrui. Il n’est donc pas surprenant de retrouver des aires comme l’amygdale et le gyrus cingulaire plus fortement activés lors d’observation de visages (ou scènes) présentant des émotions. Ces aires sont fréquem- ment décrites dans le réseau de traitement des émotions, et leurs activations dans le cadre de l’empathie semblent fondées. De plus, l’insula sert de relais aux connections entre les régions de la représentation de l’action et le système limbique et serait impli- quée dans le ressenti du dégoût [244]. L’amygdale, quant à elle, a été à maintes reprises, impliquées dans le traitement des émotions négatives, et notamment la peur et la colère. Les études sur les bases neuronales de l’empathie sont bien souvent contradictoires. Il a été montré que le gyrus frontal inférieur était impliqué dans les tâches d’empathie. Chez le singe, seulement une partie restreinte de ce gyrus est recruté dans les tâches du SNM. En outre, chez l’humain, une dissociation des processus impliqués semblent importants pour cibler plus spécifiquement les régions en fonction de leurs actions [13]. En résumé, il semblerait qu’un large réseau de régions cérébrales (humaines) pos- sèdent des propriétés "miroir". Ces aires sont associées régulièrement à l’observation

et à l’exécution des actions. Par la suite, d’autres régions seront impliquées quand la tâche nécessitera le recrutement d’aires non-motrices parmi lesquelles nous retrouvons des aires auditives, des aires somatosensorielles ou encore des aires impliquées dans le traitement émotionnel [244].

Pour conclure sur cette section, il faut noter qu’à l’heure actuelle, la présence spé- cifique de neurones miroir reste débattue. Les études en neuroimagerie ont permis de mettre en exergue un réseau moteur s’activant quand nous regardons un autre individu faire une action. Sur le principe de résonance, nous sommes alors capables de com- prendre, via nos propres expériences passées, le but, l’intention voire l’émotion de la personne avec laquelle nous interagissons. Néanmoins, il est difficile chez l’Homme de cibler spécifiquement les neurones de certaines aires (cortex prémoteur notamment) afin de confirmer ou d’infirmer la présence de neurones "purement" miroir.

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