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Traitement des voix et des visages

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2.6 Intégration des informations multisensorielles

3.1.2 Traitement des voix et des visages

Un des points clés qui sera abordé au cours de cette thèse est le traitement des vi- sages et des voix des patients atteints du SPW. Dans le chapitre précédent nous avons vu que les visages étaient des stimuli visuels importants pour nos interactions sociales quotidiennes. Leur traitement adéquat permet d’interagir de façon adaptée avec nos pairs. Cette section va toutefois mettre en lumière la pauvreté de la littérature qui s’in- téresse au traitement des visages dans le SPW. Ceci est assez surprenant quand on sait que dans d’autres pathologies neurologiques comme l’autisme ou la schizophrénie, dans lesquelles des troubles des interactions sociales sont également décrits, de nombreuses études ont vu le jour et ont apporté de nombreuses connaissances sur un déficit de traitement neuronal des visages.

Après une recherche sur des sites de référencement de publications scientifiques, seuls 4 articles font référence aux capacités de traitement des visages et des émotions des patients ayant un SPW. Les résultats sur le traitement de la voix s’avère encore moins nombreux. Seul un article, qui plus est de notre équipe, fait référence au traite- ment de la voix. Il est donc évident que ce pan de la recherche sur le syndrome demande encore à être développé. Ces études seront détaillées dans cette section.

Tout d’abord, commençons par la voix humaine. Notre équipe a développé une tâche de discrimination des sons que nous avons essayé d’adapter aux patients ayant un retard mental. Durant l’expérience, les participants devaient indiquer si le son qu’ils avaient entendu était un son de l’environnement ou un son provenant de la voix humaine. Grâce à cette expérience, nous avons pu montrer que les patients atteints d’un SPW présentaient un léger déficit à discriminer la voix d’un autre son comme l’illustre la figure 3.2. Nous retrouvons des patients SPW qui obtiennent des valeurs de reconnaissance plus faible que celles des participants sains (Figure 3.2 A).

Par ailleurs, nous avions fait une distinction entre les deux grand sous-types géné- tiques. Nous avons démontré que le déficit de reconnaissance de la voix humaine était plus important pour les patients avec une disomie maternelle que pour les patients avec une délétion (Figure 3.2 B). Grâce à cette étude, la seule sur le traitement de la voix dans le SPW, nous avons pu mettre en exergue un déficit de reconnaissance de la voix, qui est plus marqué dans la population UPD. Cette étude reste bien évidemment à répliquer afin de valider ou non ce déficit de reconnaissance.

En ce qui concerne le traitement des visages, l’équipe de Key et al a développé deux études en EEG sur ce sujet. Dans la première étude en 2013, ils ont testé des adolescents et jeunes adultes d’environ 20 ans et en distinguant les deux types génétiques (ici 13 patients DEL et 11 patients UPD) [196]. Ils ont utilisé un paradigme d’oddball avec

Figure 3.2 – Graphiques des performances de discrimination de la voix humaine exprimées en valeurs de dprime. Plus cette valeur est élevée, meilleure est la capacité à discrimer deux cibles, en l’occurence ici, la voix et des sons de l’environnement. A : Résultats globaux par population. Les patients avec un SPW ont des valeurs de dprime plus faibles que les sujets sains. B : résultats par type génétique. Bien que déficitaires, les patients DEL ont de meilleures capacités à disciminer la voix humaine que les patients UPD. Résultats issus des travaux de Tauber et al [298].

comme consigne de presser un bouton réponse à la présentation d’un visage souriant et un autre bouton pour toutes les autres images. Plusieurs conditions étaient présentes, à savoir des images de visages en orientation canonique ou inversée et des images d’ob- jets. Grâce à cette étude, ils ont pu mettre en évidence que seuls les patients DEL bénéficiaient d’une réponse neuronale adaptée, avec une augmentation de l’amplitude des réponses de la N170 suite à la présentation de visages comparé aux images d’objets (Figure 3.3). Les patients UPD, quant à eux ne montraient pas de modulation de la N170 poussant les auteurs à raccrocher ce résultat à ce qui est retrouvé parfois dans l’autisme. En outre, ils ne rapportaient pas de différences entre les patients DEL et UPD sur les réponses tardives (la LPP) [196].

Sur certains aspects, ces résultats divergent avec ceux de l’étude de Halit et al de 2011 [166]. Dans leurs travaux, Halit et collaborateurs ont enregistré sur 16 patients avec un SPW (8 avec une délétion et 8 avec une disomie, de moyenne d’âge 30 ans) les réponses neuronales à des présentations d’images de visages et d’objets en passive viewing [166]. Ils ont montré que, dans les deux populations de patients avec un SPW (DEL et UPD), la présentation de visages entraînait une N170 ayant une distribution temporelle et spatiale similaire à celle d’une population saine. Les résultats de la po- pulation UPD sont en contradiction avec ceux de Key et al qui eux, ne rapportaient pas de modulation de N170 par les visages (Figure 3.3). Cette différence de résultat est troublante, et pourrait provenir de plusieurs facteurs. Le premier est le type de tâche expérimentale (oddball vs passive viewing). Le second est le type de stimuli. Alors que dans la première étude des visages avec des expressions faciales ont été utilisés, dans la seconde il ne s’agissait que de visages neutres. L’émotion portée par un visage module

Figure 3.3 –Réponses occipito-temporales N170 suite à la présentation de visages canoniques (ligne noire), inversés (tracé gris) et d’objets (tracé en gris clair). En haut les tracés de la population UPD, sur lequel ne figure pas la N170 faciales. En bas, les tracés de la population DEL, qui sont typiques et sensiblement proches de ceux de population saine. Résultats issus des travaux de Key et al [196].

l’activité de la N170, et il se pourrait que le déficit dans le SPW soit centré autour du traitement des émotions et non des visages. Ceci entraînerait une augmentation de la réponse chez les patients DEL et non UPD dans l’étude de Key et al alors que le traite- ment des visages neutres serait similaire aux deux populations (résultats de Halit et al). La seconde étude de Key et al est parue récemment en 2017 [195]. Ce sont des tra- vaux sur la mémoire incidente des visages, c’est à dire la mémoire liée à la répétition d’un même visage durant l’expérimentation sans consigne de reconnaissance. La répé- tition de ce visage entraîne des réponses neuronales différentes, si celui-ci est "reconnu". Dans leur étude, afin de garantir l’attention des enfants, les auteurs leur ont demandé de presser un bouton lorsqu’apparaissait un smiley jaune (qui représentait la cible). L’enfant n’est donc pas activement impliqué dans une tâche de reconnaissance et les images de visages et de maisons se succèdent, une seule paire visage-maison étant répé- tée plusieurs fois (en l’occurrence 50 fois). Premièrement, au niveau basique perceptif, la N170 est similaire entre les patients DEL et UPD et a une plus forte amplitude en ré- ponse à des visages qu’à des maisons au niveau des pôles occipito-temporaux [195]. Ceci est en contradiction avec les résultats de la même équipe. En effet, dans leur première étude, Key et ses collaborateurs rapportaient que la réponse neuronale typique aux vi- sages n’était présente que dans la population DEL [196]. L’âge des participants recrutés

peut probablement jouer un rôle dans l’obtention de résultats différents. Ceci pourrait suggérer que les déficits de traitement des visages sont développementaux dans la po- pulation UPD et n’apparaitraient que vers l’âge adulte. Par ailleurs, dans ces travaux, Key a trouvé que les patterns des réponses enregistrés en EEG dans la population DEL sont identiques à ceux d’une population saine, ce qui n’est pas le cas des patients UPD. Ainsi, on retrouve une modulation de la FN4001 et de la P6002, toutes deux en lien

avec les processus de mémorisation, à la présentation de visages répétés. Les auteurs en ont conclu que, pour les patients DEL comme les sujets sains, du à leur saillance comme stimuli sociaux importants, les images de visages reçoivent suffisamment de poids de la part du traitement cognitif pour créer une trace mnésique. À l’inverse, pour les enfants UPD, les visages ne seraient pas assez saillants pour les engager dans un traitement plus complet au-delà de la simple analyse basique perceptive [195].

Une autre étude s’est intéressée aux compétences de discrimination faciale de pa- tients avec un SPW comparé à une population avec autisme [130]. Cette étude porte sur 44 adolescents PW dont 33 d’entre eux ont une confirmation génétique (14 patients DEL et 19 patients UPD et 17 patients TSA). Il s’agit d’une étude uniquement comporte- mentale sans aucun enregistrement EEG n’a été effectué. Feldman et collaborateurs ont proposé aux participants 2 tests : le classique Benton Face Recognition Test (BFRT) et un test développé par l’équipe (qui visait à mesurer les capacités à discriminer 2 visages non familiers) [130]. Les résultats indiquent qu’en moyenne 11% des personnes avec un SPW ont des résultats dans la norme au BFRT contre 19% dans la population avec autisme. Par ailleurs, lorsqu’on regarde en détail, on s’aperçoit que 30% des patients avec un SPW sont dans la catégorie "borderline" (faible déficit) contre seulement 12.5% des patients souffrants de TSA, le reste étant catégorisé comme ayant un déficit profond de reconnaissance. De plus, aucun patients UPD n’obtient des résultats dans la norme. Au niveau des sous-scores au BFRT, Feldman et al n’observent pas de différences entre les patients DEL et UPD. Néanmoins, ils rapportent une tendance à ce que les patients DEL soient meilleurs que les UPD à la détection du regard direct. Comparativement aux adolescents avec autisme, les patients UPD sont moins performants sur la mesure du regard direct, mais sont meilleurs dans la condition sous différents éclairages [130].

Malgré des discordances au niveau des résultats obtenus dans ces études, il sem- blerait que le traitement des visages et des voix dans le SPW soit en partie altéré. La distinction entre les deux principaux sous-types génétiques ne se révèle pas être claire et dépend de la mesure considérée (direction du regard, effet d’inversion). Il est néan- moins possible de se rendre compte que les altérations semblent plus profondes dans les processus de traitement des signaux sociaux dans la population UPD, population qui a une plus forte prédominance des TSA.

Enfin, au regard de la littérature peu fournie dans le domaine du traitement des

1. frontal N400, qui reflète la familiarité d’un stimulus

visages et de la voix, cette thèse s’inscrit dans l’optique d’étoffer notre compréhension de la perception de ces signaux de communication dans le SPW. De plus, nos analyses tenteront, comme les études citées dans cette partie, de considérer les deux grandes populations de patients séparément.

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