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Tableau neuropsychologique

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Nous avons détaillé dans la première partie, la description clinique des patients at- teints du SPW. Nous allons maintenant nous concentrer sur l’aspect psychologique et neuropsychologique de ces patients. Il a été dit à de nombreuses reprises que les indivi- dus avec un SPW souffraient de troubles psychiatriques parmi lesquels nous retrouvons des crises de colère, de l’entêtement, des grattages cutanés, de l’impulsivité, une labilité émotionnelle et des comportements sociaux inadaptés [62, 342].

Dans le domaine social, ces patients rencontrent également un déficit des interactions sociales. En comparaison avec des individus de niveaux intellectuels comparables, les patients avec un SPW manifestent une faiblesse dans la socialisation, comme des dif- ficultés à établir des relations harmonieuses avec leurs pairs et des comportements quotidiens anormaux. Selon Jauregi et collaborateurs, le manque d’interactions sociales proviendrait d’une désinhibition, d’un manque d’empathie et d’un isolement social [183]. Ces caractéristiques comportementales rappellent celles présentes dans les Troubles du Spectre de l’Autisme (TSA) qui sont diagnostiquées dans un peu plus de 25% des indi- vidus présentant un SPW [61].

Une revue récente a recensé les principaux traits cognitifs décrits dans le SPW qui sont :

- Déficience intellectuelle légère à modérée

- Rigidité d’esprit, difficultés à s’adapter aux changements

- Faible compréhension des métaphores et des phrases à double sens - Problèmes de traitement du temps et de l’espace

- Déficit dans la pragmatique, difficultés à prendre des décisions et faire des choix [342]

En complément des ces principaux points révélés ici, cette revue recense également un grand nombre de troubles psychotiques et comportementaux dans le SPW comme le manque de culpabilité quand les normes sociales et des lois ne sont pas respectées, un sentiment augmenté d’injustice et une hypersensibilité aux jugements des autres [342].

Intéressons-nous aux compétences scolaires des enfants atteints d’un SPW. Compa- rativement à d’autres populations souffrant d’un déficit intellectuel, les patients avec un SPW manifestent une faiblesse académique si l’on considère leur niveau de QI [70]. Une étude a révélé que ces enfants avaient des compétences en mathématiques bien en deça des enfants sains du même âge et qu’ils n’avaient aucun domaine spécifique (toujours en mathématiques) dans lequel ils obtenaient des scores dans la norme. Les auteurs ont également décrit les faibles capacités en mémoire à court-terme chez les enfants avec un SPW [38]. En complément de cette étude, Gross-Tsur et al, sur 18 enfants atteints d’un SPW, ont démontré un déficit profond des compétences d’apprentissage en arith- métique (en lien avec l’étude précédente) et en écriture, la majorité de ces enfants étant dyslexiques [156]. À titre indicatif, les premiers mots apparaissent aux alentours de 18 à 24 mois et les premières phrases vers 3 ans voir plus tardivement. Les difficultés lan- gagières sont un trouble fréquent dans le SPW, qui englobe des atteintes plus générales comme un développement retardé de la parole, des capacités d’expression réduites ainsi qu’un répertoire en vocabulaire sensiblement diminué [175]. En outre, il est habituel de constater des problèmes profonds en grammaire, en expression orale et en pragmatique. À l’âge adulte et chez les enfants, ces patients souffrent de retard intellectuel souvent modéré. Les proportions sont les suivantes :

- 7% : Normal ou Borderline (QIt≤ 70) - 54% : Léger (QIt entre 50 et 69)

- 39% : Modéré (QIt compris entre 35 et 49) [82]

La même distribution des QIt dans le SPW a été obtenue dans une autre étude, que vous pouvez voir en Figure1.10.

Figure 1.10 – Histogramme de la distribution du nombre de patients en fonction du QIt, obtenu sur une population de 55 patients avec un SPW (tous types confondus). Figure adaptée des travaux de Whittington et al [368].

- des attitudes ritualisées comme faire des provisions, ordonner et arranger les objets de la même façon

- la persistance dans les routines quotidiennes

- des répétitions de langage (par exemple, une question répétée plusieurs fois) Tous ces comportements s’apparentent à ceux décrits dans les désordres de type troubles obsessionnels compulsifs (TOC) [175]. Il est fréquent, en plus des compulsions, de re- trouver des épisodes psychotiques et plus rarement des épisodes dépressifs. Si l’on consi- dère l’ensemble de ces troubles psychotiques, ils est justifié de proposer une prise en charge précoce et adaptée afin de réduire la survenue et la fréquence de ces troubles. Des études ont montré que la prévalence des troubles psychotiques oscillaient entre 6 et 28% sur une population de 13 à 26 ans [175]. Une autre étude situe la prévalence des psychopathologies aux alentours de 64% pour les patients ayant une disomie contre seulement 17% pour les patients avec une délétion [317]. La différence observée entre les 2 dernières études citées sur la prévalence, pourrait provenir de l’âge plus important des patients dans la dernière étude (37 ans en moyenne) puisque la prévalence aura tendance à augmenter avec l’âge du patient.

Les épisodes psychotiques sont souvent causés par des stesseurs psychosociaux parmi lesquels nous retrouvons :

- des changements des habitudes de vie - le changement de classe à l’école

- le départ du foyer d’un frère ou d’une sœur, le décès ou la perte d’un proche - un régime strict pour le contrôle du poids [317, 372]

Le contrôle du poids et de la prise alimentaire liés à un contrôle strict de l’accès à la nourriture, engendre un sentiment de stress important pour les patients avec un SPW. En effet, Dykens et collaborateurs ont mis en évidence que les patients avec les plus faibles IMC étaient ceux qui présentaient une augmentation de l’impulsivité, de la détresse, de l’anxiété, de l’agitation, de la collection d’objets et des problèmes de pensées, prévalant d’épisodes psychotiques [113].

Les troubles intellectuels décrits précédemment nous ammènent à considérer les fonctions exécutives des patients. Les fonctions exécutives sont des processus cogni- tifs complexes qui nous permetent de réguler et d’adapter notre comportement lorsque nous sommes confrontés à de nouvelles situations [164]. Elles regroupent un ensemble de processus mentaux permettant de prendre en considération les informations extérieures et de les traiter, afin d’adapter notre comportement en fonction de la situation. Nous retrouvons dans les fonctions exécutives des notions importantes comme la flexibilité mentale (ou switching), la planification ou encore l’inhibition.

De nombreuses études ont rapporté des altérations multiples dans les tâches impli- quant les fonctions exécutives. Chevalère et collaborateurs ont utilisé le test écologique

du BADS9, afin d’évaluer précisément les fonctions exécutives des adultes avec un SPW.

Cette batterie de tests mesure des concepts tels que la planification, l’organisation, la flexibilité mentale, l’estimation cognitive, la surveillance et l’inhibition [69]. Dans ce tra- vail, les auteurs ont avancé que les performances liées aux fonctions exécutives étaient corrélées avec les scores de QI, principalement le QIt (le QIv et le QIp n’étant pas systématiquement en lien avec les scores de certaines tâches du BADS). Il semble donc, dans le cas d’une population avec un SPW, que la réussite dans les tâches de fonction exécutives soient dépendantes du niveau intellectuel. Nous détaillerons ci-dessous, les altérations et les difficultés de ces patients dans l’exécution des tâches nécessitant l’em- ploi des fonctions exécutives.

Dans le cas d’une tâche de switching (flexibilité mentale), les patients avec un SPW ont des difficultés à passer d’une tâche à une autre et il est possible de rattacher ce résultat aux répétitions de questions et aux stéréotypies de ce syndrome [370]. D’autres auteurs ont divisé le processus de flexibilité mentale en 2 sous-processus distincts : les phénomènes bottom-up dans une tâche de contrôle explicite (cueing task) et les phénomènes top-down implicites et volontaires. En comparant une population d’indi- vidus avec un SPW à une population saine, les coûts de switching (un indicateur de la flexibilité mentale) ne sont pas plus élevés dans la tâche explicite en comparaison avec les contrôles. Néanmoins des coûts plus élevés sont observés dans la tâche volontaire. Les auteurs ont alors émis comme hypothèse que le déficit de flexibilité mentale dans la population SPW est présent à chaque fois que l’initiation du contrôle exécutif est requis [70]. Ce déficit spécifique dans l’orientation (switch) de l’attention dans la popu- lation avec un SPW serait en lien avec la plus grande préférence de ces patients pour la routine et la prédictibilité. Il serait causé par des altérations neuro-fonctionnelles spécifiques au niveau des aires fronto-pariétales [372].

La capacité à basculer d’une tâche à une autre permet de répondre efficacement aux demandes de l’environnement. Si cette capacité est déficitaire, la réponse liée aux chan- gements sera d’autant plus difficile, ce qui peut être en lien avec les comportements répétitifs et les colères dans le SPW. Haig et collaborateurs ont ainsi remarqué une augmentation de la résistance aux changements sur des patients qui, durant leur en- fance, ont été exposés à une forte rigidité des routines journalières, que ce soit à la maison ou à l’école [164]. Ceci suggèrerait que la rigidité d’esprit et l’intolérance aux changements peuvent varier en fonction de l’éducation dispensée par les parents et par l’école.

En utilisant le test de la figure complexe de Rey (Rey-Osterrieth Complex Figure

ROCF ), qui est une figure géométrique à recopier de mémoire, les auteurs ont démontré

que les patients atteints d’un SPW avaient des difficultés dans les tâches nécessitant les fonctions exécutives. Ces auteurs ont également avancé que ce déficit est lié à la capacité individuelle à organiser spatialement les informations. En effet, ces patients,

lorsqu’ils recopient la figure de Rey, ne paraissent pas prendre en compte la structure globale. Ils commencent par les détails périphériques et ne semblent pas faire référence à l’image totale. Cette façon de procéder, fait référence à leur manière d’effectuer un puzzle, se focalisant sur les détails des pièces et leurs formes et non sur l’image glo- bale [183]. Il faut sans doute prendre en considération que ces patients sont fascinés par les puzzles et ont une plus grande expérience à les reconstruire. Une exposition aux puzzles plus soutenue pourrait entraîner des performances à les reconstituer au-delà de la norme [354]. Il semblerait alors que, de part cette expertise, les stratégies deviennent différentes.

Le déficit chez les personnes qui ont un SPW apparait comme potentiellement causé par des altérations neurofonctionnelles spécifiques au niveau des aires fronto- pariétales [372]. Cette observation est confortée par le fait que les patients avec un SPW partagent des caractéristiques communes avec des patients atteints d’une démence fronto-pariétale (FTD). Parmi ces caractéristiques, il est retrouvé des altérations au ni- veau comportemental et cognitif comme les anomalies du comportement alimentaire, de la rigidité mentale, de l’impulsivité, une labilité des humeurs ou encore des compor- tements compulsifs [255].

Les symptômes compulsifs peuvent aussi être causés par un déficit dans le contrôle de l’inhibition. Pour étudier ce contrôle de l’inhibition, la tâche fréquemment utilisée est la tâche de Go/NoGo durant laquelle le participant à pour consigne de répondre à une catégorie de stimuli et de réprimer la réponse pour une autre catégorie. Cette tâche nécessite donc de réfréner la réponse motrice à un type de stimuli et donc, d’inhi- ber sa réponse. L’utilisation de cette tâche peut être corrélée avec des enregistrements en EEG. Les réponses ERP (event related potentials) diffèrent en fonction de la pré- sentation d’un stimulus Go ou de la présentation d’un stimulus NoGo. À 200-300ms après la présentation du stimulus, une amplitude négative est observable et est appelée la N200 ; et un pic positif est détecté entre 300 et 500 ms, appelé la P300. Ces deux composantes électrophysiologiques sont augmentées dans le cas d’un stimulus NoGo (si l’on compare avec la condition Go). À ces enregistrements corticaux, les évaluations comportementales renseignent également sur la réussite de la tâche, avec le nombre de hits (réponse Go quand le stimulus est Go) et de False alarm (réponse Go alors que le stimulus est NoGo). Dans le cas du SPW, il semblerait que le contrôle de l’inhibition soit déficitaire. Il est traduit par une augmentation des temps de réaction, des False Alarm et une diminution de Hits. Au niveau cortical, la modulation de la N200 est atypique. En ce qui concerne la P300, les résultats sont différents en fonction du gé- notype, puisque les patients avec une délétion ont une modulation de la P300 comme les sujets sains à l’inverse des patients avec une disomie. Ces principaux résultats sont illustrés par la Figure1.11. Comme la composante N200 apparait atypique, les processus de contrôle de l’inhibition précoce semblent principalement affectés, les processus plus tardifs (comportementaux) étant touchés uniquement dans la population UPD [326].

Figure 1.11 –Tracé EEG lors d’une tâche de Go/NoGO. Nous retrouvons les 2 principales compo- santes dans le groupe contrôle (N200 et P300). Dans l’intervalle de temps, représenté par le rectangle rouge, aucune de ces composantes n’est enregistrées dans le groupe UPD et seulement la P300 est pré- sente dans le groupe DEL. Les processus d’inhibition précoce semblent davantage affectés dans le SPW que les processus plus tardifs et liés au comportement. Figure adaptée de l’étude de Stauder et al [326].

en lien avec les troubles décrits dans le SPW.

Il a été montré que les compétences attentionnelles sont altérées chez les personnes qui ont un SPW. Les patients démontrent une réelle faiblesse à la fois dans l’attention globale et dans l’attention sélective. En utilisant un test classique pour étudier l’atten- tion (CalCAP10), les chercheurs ont rapporté que la population de patients effectuait une plus large proportion d’erreurs qui est selon eux, un signe de déficit attentionel [183]. Ce trouble de l’attention permet de considérer ces patients comme souffrant de Troubles De l’Attention avec ou sans Hyperactivité (TDAH) [156].

Enfin des troubles mnésiques sont rapportés. Les patients avec un SPW souffrent d’un important déficit en mémoire de travail. Cependant, les déficits observés sont dé- pendants des demandes cognitives et du type de processus de la tâche effectuée par le patient. Quand la tâche nécessite des traitements visuels séquentiels (par exemple la tâche des blocs de Corsi), tous les sujets SPW obtiennent des résultats bien en-dessous des scores de la population saine. Cependant, quand des processus de traitement simul- tanés sont mis en jeu, le groupe SPW ne diffère pas de la norme [183].

Par ailleurs, les patients atteints du SPW, bénéfient aussi de relatives forces dans certaines capacités. La mémoire à long terme est particulièrement efficace, tout comme la perception visuelle (soucis du détails), la lecture (contradictoire quand on le ramène

aux difficultés langagières) et surtout dans les puzzles. À noter que ces capacités ne semblent pas liées au niveau intellectuel de ces patients puisqu’aucune relation n’est retoruvée avec le QIt, le QIv, le QIp, ni avec le genre, l’âge ou le l’IMC [82].

En lien avec les compétences visuo-motrices élevées des patients, il est intéressant de faire une partie sur les puzzles et le SPW. Souvent, il est décrit que ces patients ont une certaine inclination pour les puzzles, et les parents rapportent régulièrement que leurs enfants sont toujours heureux quand ils font des puzzles. Cet attrait pour les puzzles est tel, que certains auteurs l’ont inclus comme un critère diagnostic secondaire du SPW.

Ces patients sont particulièrement performants dans les tâches nécessitant de l’assem- blage d’objets (puzzles) et surclassent d’autres populations avec un retard mental [109]. À titre indicatif, les sujets SPW sont 15 fois meilleurs à reconstruire un puzzle que des sujets à retard mental identique. De plus, leurs stratégies employées semblent diffé- rentes. Là où un sujet sain sera dans l’impasse sans la photo du puzzle à reconstruire, les patients le font sans image pour s’aider et sont plus aptes à commencer par les bords. De plus, alors que des sujets témoins essaieront tous les coins de la pièce en la tournant dans tous les sens pour voir si celle-ci est la bonne ; ces patients n’adoptent pas cette manière de procéder. Ils semblent privilégier une stratégie basée sur la forme de la pièce et non sur ce que représente celle-ci [354]. Cela semble en lien avec leurs fortes aptitudes à reconnaître les pièces semblables ainsi que les suites.

L’apparition et la sévérité de l’ensemble de ces troubles s’expriment différemment en fonction de l’étiologique génétique. Ces distinctions génétiques seront largement dé- taillées dans la section suivante dédiée aux différences entre les patients avec une délétion et les patients avec une disomie maternelle.

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