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Compétences sociales et émotions

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2.6 Intégration des informations multisensorielles

3.1.1 Compétences sociales et émotions

En utilisant la tâche dite "Social Attribution Task", développée par Klin et col- lègues [203], durant laquelle les participants doivent décrire une petite séquence vidéo qui met en scène des formes géométriques interagissant entre elles, Koenig et al s’est intéressé à l’attribution sociale de patients avec un SPW. Ces interactions peuvent être considérées comme celles intervenant dans la vie humaine quotidienne et peuvent mi- mer des interactions sociales classiques. Ces séquences sont donc descriptibles par des termes faisant référence au vocabulaire social [203]. Koenig et son équipe ont constaté que les individus ayant un SPW n’étaient pas aussi performants à décrire la scène que les sujets contrôles (appariés par âge mental) et utilisaient aussi peu de termes relatifs au contenu social que les participants présentant des troubles envahissants du dévelop- pement (TED) [205]. Parce que cette tâche d’attribution sociale s’est avérée corrélée aux zones cérébrales récrutées dans la socialisation et le traitement du visage, Koenig

et al ont proposé que les personnes atteintes du SPW puissent avoir des problèmes avec

le fonctionnement de ces régions, entraînant des déficiences dans le traitement social et le traitement du visage [205].

Nous venons de décrire que les patients avec un SPW semblaient affecter dans le traitement du test de la tâche d’attribution sociale. Il est vraissemblable également qu’ils ne comprennent pas les normes sociales. Premièrement, les personnes atteintes de SPW semblent avoir des anomalies dans leur perception des autres et dans leur compré- hension du comportement et des états mentaux d’autrui, comme le montrent des études sur la théorie de l’esprit, la reconnaissance des émotions et le traitement du visage [370]. Deuxièmement, les parents et les tuteurs rapportent que les patients n’ont ni une bonne connaissance ni un respect des normes sociales. Les patients ne respectent pas l’espace personnel des autres (ils sont souvent jugés comme envahissants), n’attendent pas leur tour pour prendre la parole et interrompent souvent les conversations. Dans un travail non publié, Whittington et al ont demandé à 37 patients ayant un SPW de qualifier des courtes séquences comme normales, légèrement étranges, très étranges ou choquantes. Ces séquences décrivent le raisonnement et les actions de jeunes hommes en situation sociale. Les réponses ont clairement montré que les personnes atteintes du SPW ont des déficits des normes sociales [370]. Par exemple, dans une scène où un homme suit avec insistance une femme qui se retourne et lui dit de décamper, seulement 43% des pa- tients DEL et 39% des patients UPD évaluent la situation comme choquante. D’autres exemples sont décrits dans ces travaux, tous arrivant à la même conclusion : les patients avec un SPW ont d’énormes difficultés à concevoir ce que sont les normes sociales et ce qui constitue une interaction sociale classique.

Un autre aspect important dans la cognition sociale réside dans l’habileté à recon- naître et à décrypter les émotions. Encore une fois, peu d’études se sont spécifiquement focalisées sur les compétences de reconnaissance des patients avec un SPW. Néanmoins, le groupe de Whittington et al a cherché à quantifier directement les performances de reconaissance en utilisant une version adaptée du Test de reconnaissance d’Ekman [367]. Ils ont donc proposé à 52 patients avec un SPW (37 avec une délétion et 15 avec une disomie) 20 photographies de visages sur lesquelles ils devaient identifier l’émotion (joie, colère, tristesse et dégoût). Les auteurs rapportent, comme ce qui avait été décrit par les parents et/ou le personnel soignant, que la joie est l’émotion la mieux perçue par les patients qui approchent les 90% de réussite bien au-dessus des performances obtenues pour les autres émotions (qui sont autour de 50%). Par ailleurs, ils ne retrouvent pas de différences significatives entre les performances de reconnaissance des patients DEL et des patients UPD. De plus, les scores de reconnaissance de certaines émotions semblent dépendants des antécédents psychiatriques des patients. Par exemple, les épisodes dé- pressifs ont un impact sur la reconnaissance de la peur, et les épisodes psychotiques sur la reconnaissance de la colère [367]. L’absence de population contrôle dans cette étude est également à noter. Enfin, le niveau de difficulté de la reconnaissance émotionnelle varie en fonction de la consigne demandée. Ainsi, les patients auront plus de facilité à associer deux visages qui expriment la peur, alors qu’il leur sera plus simple de nommer la joie [370].

D’une manière générale, les faibles scores de reconnaissance des émotions des per- sonnes atteintes du SPW impactent probablement leur capacité à communiquer avec autrui. Cette difficulté est d’autant plus accentuée dans la vie courante où les interac- tions sociales sont labiles et les changements très rapides.

Enfin, des études en neuroimagerie ont apporté quelques informations sur des al- térations fonctionnelles dans le SPW. Nous avons vu que ces patients présentent une micro-structure de certains faisceaux de substance blanche altérée [375]. Les études fonctionnelles indiquent également une activité anormale, à la fois en condition ex- périmentale active (patients impliqués activement dans une tâche) et aussi à l’état de repos (resting state), en particulier dans les régions impliquées dans les boucles cortico-striatales-thalamiques (CST) [231]. Ces boucles participent à la régulation et au traitement cognitif, à la motivation et à la régulation émotionnelle et à l’adaptation du comportement en fonction d’une situation. Nous pouvons donc penser que la labi- lité émotionnelle présente chez les individus avec un SPW, combiné à leur difficulté à contrôler et à reconnaître les émotions peuvent provenir des altérations au niveau de la boucle CST [230].

Figure 3.1 – Images obtenus sur 9 patients avec un SPW en PET. Une hypo-perfusion dans des aires limbiques (panel de gauche), et au niveau du temporal supérieur, du lobe pariétal et du gyrus postcentral (panel droite) sont décrites. Résultats issus des travaux de Tauber et al [232].

Sur une population de 9 adolescents (âge compris entre 12 et 19 ans) avec un SPW, l’équipe de Tauber et al a étudié au repos le débit sanguin cérébrale (rCBF) par TEPs- can [232]. Une hypo-perfusion a été détectée dans deux régions importantes de la cogni- tion sociale, à savoir le cortex cingulaire et dans les aires temporales (le STS notamment, Figure 3.1) [232]. L’implication de ces aires dans des processus de traitement de l’émo- tion, des fonctions exécutives ou, plus largement, dans le traitement des informations sociales, pourrait expliquer, du moins en partie, les troubles des interactions sociales dans le SPW. De plus, les difficultés de contrôle des émotions et les épisodes de co- lères pourraient provenir de déficience du réseau du cortex cingulaire. Enfin, une autre région cérébrale, la région orbitofrontale droite (BA11), voit son rCBF réduit. Cette

région pourrait également être liée aux difficultés comportementales présentes dans le SPW.

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