• Aucun résultat trouvé

Ocytocine : la panacée pour les troubles sociaux ?

Dans le document en fr (Page 193-200)

ciaux ?

Nous l’avons vu précédemment, l’OT a un effet modulateur sur la réponse au stress et à l’anxiété ce qui semble favoriser les interactions sociales. Ces actions pro-sociales pourraient être bénéfiques dans des pathologies comme les TSA ou du fait des troubles des interactions sociales et des déficits de communication verbale et non-verbale asso- ciés. En outre, l’OT a également été utilisé dans la dépression, dans l’anxiété et dans la schizophrénie [327]. Dans ce paragraphe, je n’aborderai que des études qui ont traitées des effets de l’OT dans les TSA et dans le SPW.

Des études en IRMf ont montré que les effets comportementaux de l’OT dans les troubles du spectre de l’autisme, sont associés à une activité cérébrale accrue dans le

cortex cingulaire antérieur (ACC) et le cortex préfrontal médial dorsal (dmPFC), ainsi qu’à une meilleure connectivité fonctionnelle entre ces deux aires [363]. Menée sur 40 patients avec des TSA (ici des autistes de haut niveau ou syndrome d’Asperger) cette étude a apporté des résultats sur un potentiel bénéfice de l’OT sur les réponses com- portementales typiques à la communication sociale verbale et non verbale [363]. Dans l’autisme il a été proposé qu’une disconnectivité entre plusieurs aires cérébrales appar- tenant au cervau social [142] soit à l’origine des troubles sociaux et comportementaux. Un traitement par OT pourrait alors permettre d’augmenter la réponse de certaines aires et permettre de rétablir une bonne connexion inter-régionale afin d’améliorer la qualité de la compréhension des interactions sociales.

Sur une population de 13 adultes Asperger, Andari et ses collègues ont testé les ef- fets de l’OT sur les compétences sociales de ces patients [10]. Ils ont utilisé une version adaptée d’un jeu avec 3 autres joueurs fictifs, dit le "Social Ball Tossing Game". Dans ce jeu in sillico, le participant interagit avec soit un joueur qui renvoie souvent la balle au participant, soit un autre qui est neutre (probabilité égale entre les différents joueurs) ou soit un mauvais joueur qui ne renvoie jamais la balle au participant. Les participants sains vont majoritairement comprendre qu’il est plus agréable de jouer avec quelqu’un qui vous renvoie la balle plutôt que quelqu’un qui vous ignore (Figure 4.9.B).

Les sujets avec autisme, eux ne vont pas privilégier les échanges avec un joueur en par- ticulier. La distribution des échanges entre les trois joueurs est homogène que le joueur fictif soit égoïste ou altruiste. Les patients traités par OT (une dose de 24UI 40 minutes avant le testing) vont augmenter leur proportion à échanger avec le "bon" joueur au détriment du "mauvais" joueur. Ils vont donc préférer s’engager dans un échange coopé- ratif que l’inverse. Ainsi, l’administration d’OT pourrait avoir augmené la confiance que les patients TSA portent au joueur altruiste et pourrait favoriser les échanges sociaux. Par ailleurs, dans cette étude, les auteurs rapportent également, que l’OT module l’ex- ploration visuelle des visages des sujets avec autisme, en augmentant le temps passé à fixer la zone des yeux [10].

En 2013, l’équipe de Bakermans [15] a recencé les études qui ont spécifiquement traité des effets de l’OT sur des populations pathologiques, comme l’autisme, le SPW, les troubles de l’anxiété et la dépression. Dans cette méta-analyse des études qui ont traité de l’effet de l’OT sur les compétences sociales, le niveau d’effet le plus important est souvent retrouvé dans les TSA et dans le SPW. En effet, plusieurs travaux ont mis en avant le bénéfice d’un traitement par OT sur la cognition sociale dans l’autisme [159]. Ainsi, l’ensemble des études menées sur plusieurs populations avec des TSA ne par- viennent pas à une conclusion unique, certaines démontrant une efficacité de l’OT et d’autres non. Il faudrait tester sur des enfants et coupler l’administration d’OT avec des programmes de réhabilitation sociale afin d’accroître l’efficacité du traitement [159]. Au vu de ces actions, l’OT semble réguler les mécanismes de fonctionnement du cer- veau social, soit en augmentant l’activité de régions ou aires cérébrales qui sont hypo-

Figure 4.9 –A : Principe du "Social Ball Tossing Game". Le participant va jouer virtuellement avec 3 autres joueurs fictifs, un qui est très altruiste, un qui est neutre et un qui est égoïste. B : Graphique des proportions d’échange avec les différents joueurs fictifs. Sous OT, les participants Asperger vont augmenter leur nombre d’échanges avec le bon joueur. Résultats issus de l’étude d’Andari et al [10].

activées, soit au contraire, en réduisant celles qui sont hyper-activées. L’OT serait alors un médiateur de l’équilibre entre excitation et inhibition, ce qui permettrait d’unifier les activités dans une norme qui est adéquate pour la recherche et le maintien d’inter- actions sociales [225].

Un des objectifs de cette thèse est de démontrer que l’OT peut avoir sa place comme traitement du SPW. D’une part, il a été montré que les patients avec un SPW avaient une anomalie de la production d’OT avec une réduction du nombre de cellules exprimant l’OT au sein de l’hypothalamus [62]. Cependant, des taux élevés d’OT plasmatique ont été retrouvés chez des enfants SPW [242] et que des troubles rencontrés durant l’enfance pourraient provenir d’une mauvaise signalisation du récepteur à l’OT (OTR) ou d’une surexpression d’une forme inactive d’OT [242]. Ainsi, l’administration exogène de la forme active pourrait conduire à l’amélioration des symptômes dans le SPW.

Par ailleurs, l’OT agit sur la prise alimentaire. Dans un syndrome comme le SPW, dans lequel l’hyperphagie et les troubles de la satiété représentent des aspects majeurs de la symptomatologie, l’administration d’OT pourrait réduire la consommation de nourri- ture. À l’inverse, à la naissance, une seule étude a montré que l’OT améliore la tétée des nourrissons et leur appétit [335]. Dans une étude preuve de concept menée sur des adultes atteints d’un SPW (24 adultes divisés en deux groupes, traités et placébo), les effets d’une administration d’OT ont été évalués sur les comportements alimentaires et sociaux [338]. Ces personnes ont reçu une seule dose de 24UI d’OT (ou de placébo) et ont été testées 45 minutes après avoir pris le spray nasal pour les compétences sociales, alors que les comportements globaux ont été évalués durant deux jours consécutifs. Premièrement, aucun amélioration des scores évaluant les comportements alimentaires n’est observée entre les deux groupes de patients (traités vs placébo). Deuxièmement,

Figure 4.10 –Pourcentages de patients avec un SPW n’ayant pas (barres blanches) ou ayant (barres grises) réussi à aller au bout du test de Sally et Ann. À gauche sont représentées les proportions du groupe placébo et à droite celles du groupe traités. On remarque que la propotion de patients qui ont réussi le test est plus élevée dans le groupe traité (83%) [338].

les auteurs retrouvent une tendance à l’amélioration des compétences sociales au test d’Ann et Sally. En effet, alors que dans le groupe de patients ayant reçu le placébo, 50% d’entre eux réussissent à effectuer le test, ce pourcentage grimpe à 83% dans le groupe traité, résultat illustré par la Figure 4.10 [338]. Cette différence n’est pas statistiquement significative mais il semblerait que l’administration d’OT agissent de façon bénéfique sur les compétence sociales et ce test nécessite d’être répliqué sur une population plus large. De plus, une amélioration notable est décrite au cours de deux jours qui ont suivi l’administration. Les patients traités par OT présentaient une plus grande confiance aux autres (p=0.02), une tendance moins marquée à la tristesse et présentaient moins de crises de colère. En outre, les comportements d’automutilation ont également signi- ficativement diminué, les patients ayant moins de grattages cutanés [338].

Une autre étude s’est intéressée aux effets de l’utilisation d’OT dans l’amélioration des troubles dans le SPW [242]. Dans un design expérimental de type cross-over, dans lequel les patients qui ont été inclus ont reçu successivement le placébo et l’OT dans un ordre différent. Pour moitié, les patients ont d’abord reçu le placébo puis l’OT et pour autre moitié, d’abord l’OT puis le placébo. Les deux périodes d’administration ont été séparées par une intervalle de temps de 4 semaines (période proposée pour éliminée le produit : wash out). L’objectif principal de cette étude était de valider l’utilisation d’OT et de s’assurer que la tolérance au médicament est bonne. En parallèle, ils ont examiné l’effet de l’OT sur le comportement, la socialisation et l’anxiété [242]. Globa- lement, le produit était très bien toléré par les patients puisqu’aucune variation des constantes physiologiques n’était rapportée après administration d’OT. Comme dans l’étude précédente, les différences dans les scores comportementaux et de socialisation

n’étaient pas significativement différents au sixième jour d’administration. Néanmoins, dans leur ensemble, les comportements s’améliorent sous OT et des études ultérieures sur un plus grand nombre de patients sont nécessaires. Toutefois, les parents ont ob- servé une diminution de l’anxiété et des automutilations chez leurs enfants, résultats également retrouvé dans l’étude de Tauber et al.

Quelques années après ces premiers travaux chez l’adulte, l’équipe de Tauber et al a évaluer les effets de l’OT sur les capacités de succion de nourrissons SPW et leurs compétences sociales [335]. Ces nourrissons rencontrent des difficultés à s’alimenter du- rant les premiers mois de vie, et l’OT pourrait améliorer la prise alimentaire de ces enfants. Ainsi, sur 18 nourrissons atteints d’un SPW, les compétences en alimentation orale et les compétences sociales ont été évaluées et des IRMf ont été réalisées [335]. Trois paliers de doses sucessives ont été utilisées, soit l’OT était donnée tous les deux jours, soit tous les jours durant durant 7 jours, soit deux fois par jour. Les nourrissons ont parfaitement toléré le médicament, aucun effet secondaire n’a été détecté quel que soit le dosage. Après le traitement par OT, les nourrissons étaient plus alertes, moins fatigables, plus expressifs et avaient moins de retrait social. Ils ont davantage initié des activités mutuelles avec leur mère et étaient plus engagés dans les relations par le regard et les vocalisations. Enfin, au repos, les nourrissons ont une connectivité avec le cortex orbitofrontal (OFC) augmentée. L’OFC participe à l’élaboration des comportements de motivation, tels que manger et boire, prendre des décisions émotionnelles et adopter un comportement social en mettant en œuvre des mécanismes d’apprentissage et cette augmentation de connectivité pourrait avoir un rôle important sur les mécanismes de contrôle alimentaire et récompense sociale [335]. Très récemment, il a été montré que des neurones au sein de l’OFC de souris, étaient fortement impliqués dans les com- pétences sociales et les comportements alimentaires [185], renfonçant l’implication de l’OFC dans les troubles du SPW.

Cependant, une autre étude d’Einfeld et al, à l’encontre des trois précédentes, n’est pas en faveur d’une amélioration notable des comportements (alimentaires et/ou so- ciaux) sous OT [116]. Les patients ont reçu durant 8 semaines deux fois par jour, 24IU d’OT (puis 8 semaines de placébo). Les résultats apportés dans cette étude sont as- sez succins et ne révèlent pas d’effets positifs de l’OT, à l’inverse, les crises de colères augmentent sous traitement et en particulier dans le groupe recevant les doses les plus élevées [116]. Il se pourrait que l’administration prolongée d’OT ait entraîné un effet plafond, avec une saturation des récepteurs à l’OT qui pourrait favoriser une liaison de l’OT sur les récepteurs de l’AVP. Cette liaison non-spécifique aurait alors masqué les effets de l’OT dans cette étude.

À l’exception des travaux d’Einfeld et al, les trois autres études semblent démontrer que l’OT est bien tolérée par les patients sans effets secondaires à court terme (certains parents rapportent tout de même une légère augmentation de l’agressivité). Les effets sur les comportements, bien qu’ils ne soient pas validés statistiquement, semblent réels.

Les questions nombreuses qui se posent aujourd’hui sont de savoir quelle est la posologie de l’OT, faut-il pour que ces effets soient visibles, l’administrer tous les jours ? Pendant combien de temps ? Et à partir de quel âge ? Est-ce différent en fonction de l’âge, la même chose pour les nourrissons que pour les enfants, les adolescents et les adultes ?

Durant ma thèse, j’ai participé à deux essais cliniques réalisés par l’équipe qui a été à l’initiative des premiers essais cliniques dans le SPW. Ces essais thérapeutiques étudiaient les effets de l’OT sur les comportements alimentaires et sociaux chez les adultes (étude PRADOTIM) et chez les enfants (étude OT2suite). Ce dernier avait pour but d’explorer les effets à long terme d’une administration précoce d’OT (avant l’âge de 6 mois [335]). Ces deux essais cliniques seront détaillés dans la partie thérapeutique.

Points Clés du Chapitre

• L’ocytocine (OT) est une neuro-horomone de 9 acides aminés.

• Synthétisée par le noyau paraventriculaire (PVN) et le noyau supraoptique

(SON) de l’hypothalamus.

• Rôles de l’OT au niveau périphérique :

1. contraction du muscle utérin important lors de l’accouchement 2. permet la lactation

3. rôle important dans la prise alimentaire

• Rôles de l’OT au niveau central (dans une population saine) :

1. améliore les relations à autrui et augmente la confiance portée aux autres

2. améliore la reconnaissance des émotions (effet plus fort pour la colère et la joie) et l’exploration visuelle

3. effet sur les mécanismes de la théorie de l’esprit

• L’amygdale comme cible majeure des effets de l’OT :

1. réduction de l’anxiété vis-à-vis d’évènements stressants (diminution de l’activité de l’amygdale)

2. lien avec les réseaux de la dopamine et implication dans l’orientation attentionnelle et dans l’attribution des saillances aux stimuli.

• L’OT comme piste thérapeutique :

1. Effets positifs sur des patients atteints de TSA : compétences et échanges sociaux améliorés, sur l’anxiété et les épisodes dépressifs 2. Peut être utilisée également dans la schizophrénie, les troubles sociaux

et les troubles de l’anxiété

3. Utilisée dans le SPW chez les nourrissons et les adultes : résultats encourageants sur la prise alimentaire des nourrissons et sur les comportements, la socialisation et l’anxiété

CHAPITRE

5

Population et Méthodologie

générale

Dans le document en fr (Page 193-200)