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Syndrome de Prader-Willi et liens avec l’autisme

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tisme

Certains comportements décrits dans le SPW ont été associés à des troubles du spectre autistique. Parmi ces comportements maladaptatifs, des colères, une rigidité de la pensée, des comportements répétitifs et stéréotypés se retrouvent dans le PWS. Ainsi, dans les dernières classifications médicales DSM V, le SPW fait partie de l’au- tisme syndromique [210]. Mais peut-on réellement parler d’autisme dans le cadre du SPW ? Ou s’agit-il de comorbidités liés à certains facteurs ? Nous verrons dans ce cha- pitre les liens possibles entre le SPW et les troubles du spectre de l’autisme (TSA). De plus, pour les études que nous avons menées chez des personnes avec un SPW, nous nous sommes basés sur des travaux qui ont été réalisés sur des patients avec autisme. Nous aborderons donc également les grandes lignes et théories qui ont émergées dans l’autisme afin de mieux comprendre le déficit dans les comportements sociaux.

3.2.1

Génétique

Tout d’abord, le lien entre autisme et SPW pourrait trouver son origine au niveau génétique. En effet, 20% des patients souffrants d’autisme sont porteurs de mutations géniques. Par exemple, des duplications non héritées maternelles de la région 15q11-q13 est retrouvée dans 1 à 3% des enfants avec un autisme idiopathique [130]. La duplication de cette région engendre une disomie maternelle, un des types génétiques du SPW. L’implication du gène UBE33 a aussi été démontrée. Ce gène est situé dans la région PW sur le chromosome 15. Dans le cas de la disomie maternelle, l’expression de ce gène est doublée (car son expression est maternelle). Son expression est fortement dépendante du tissu considéré et par exemple, il est particulièrement exprimé dans l’hippocampe et dans les cellules de Pukinje [243]. La surexpression de cette proétine a aussi été décrite dans l’autisme, et elle pourrait avoir un rôle dans les troubles de l’affection et dans les risques de développer des épisodes psychotiques [278]. Chez la souris, l’augmentation de l’expression du gène UBE3A a été corrélée avec des déficits des interactions sociales et de communication ainsi que des proportions plus élevées en comportements répétitifs et stéréotypés. Tout ceci argumente en faveur d’une prédisposition accrue à la sympto- matologie des TSA chez les patients UPD.

En 2013, dans une cohorte de 60 personnes autistes étudiés en exome, 4 présentaient une mutation du gène MAGEL2 (qui est présent dans la région délétée du SPW). Ces patients sont aujourd’hui décrits comme ayant un syndrome de Schaaf-Yang [301]. De plus, de nombreux SNPs4 ont été retrouvés sur les gènes de la famille du récepteur au

GABA qui sont situés au sein de la région 15q11q12. Dans une récente étude chinoise, des chercheurs ont analysé l’ensemble des SNPs présents dans des gènes importants comme UBE3, les SNRPN ou encore dans les gènes de la famille GABAA.

Le cluster de gènes du récepteur GABAA ferait partie des gènes de susceptibilité à

l’autisme. De nombreux SNPs et haplotypes du GABRB3 (qui fait partie de la fa- mille des GABAA) sont associés de façon significative avec le sydrome d’Angelman,

et un sous groupe de TSA [362]. De plus, certains haplotypes et SNPs sur des gènes comme SNRPN, CYFIP1 et ATP10A seraint associés à l’autisme dans une population européenne. Enfin, certains variants du gènes GABRG3 seraient plus présents dans la population avec des TSA que dans la population saine [362]. Ces acteurs semblent donc être des facteurs favorisant le développement des TSA.

Un dernier candidat à la survenue de certains comportements autistiques pourrait être le récepteur à l’ocytocine (OXTR). En effet, un trouble du système ocytociner- gique pourrait également jouer un rôle important dans les dysfonctionnements sociaux rencontrés dans les TSA [71]. Dans l’autisme, plusieurs SNPs du gène à l’OXTR ont été corrélés au développement des symptômes. En effet, un SNP (rs2254298) a été re- trouvé sur des enfants et des adolescents caucasiens et 3 SNPs dans une population chinoise [223]. Ces SNPs ont été regroupés en un haplotype qui prédispose au dévelop- pement des troubles autistiques et qui est également corrélé au QI total et aux différents scores au VABS [223]. L’analyse par SNP/haplotype n’a pas été effectuée au sein du SPW, mais on retrouve une diminution de l’expression du gène à l’ocytocine qui pour- rait être en lien avec les troubles autistiques présents [44]. Il semblerait donc que des altérations du récepteur à l’ocytocine soient en lien avec des troubles sociaux.

Ce paragraphe a apporté quelques précisions sur des altérations génétiques qui pour- raient causer le développement des troubles du spectre de l’autisme. Il ne s’agit ici que d’un bref aperçu des gènes qui peuvent prédisposer de TSA, puisqu’une étude me- née sur génome entier a recensé pas moins de 29 gènes qui auraient un rôle plus ou moins direct dans les TSA [142]. De part sa nature polygénique, l’implication précise de chaque gène sur la susceptibilité à développer des TSA reste compliquée, d’autant plus lorsque des facteurs épigénétiques importants comme l’environnement viennent in- fluencer la transcription de ces gènes [142]. Néanmoins, au travers de la région génique touchée dans le SPW, il est possible d’associer certains mécanismes au développement des comportements sociaux, répétitifs et aux difficultés de communication.

3.2.2

Comportement et traitement social

Au delà des considérations génétiques, le lien entre autisme et SPW se fait aussi par les troubles du comportement. En effet, nous avons déjà vu que les patients ayant un SPW ont de nombreux comportements inadaptés qui font penser à ceux rencontrés dans les TSA. En effet, les études qui ont rapportés des TSA en plus du SPW sont nombreuses [111, 114, 224]. Néanmoins le pourcentage de patients qui sont également catégorisés comme faisant partie des TSA varient d’une étude à l’autre. Par exemple, Lo et al décrivaient que 36% des enfants SPW remplissaient les critères des TSA (29% DEL et 41% UPD) [224] alors que pour l’équipe de Dykens, seulement 13% partageaient le diagnostic avec les TSA [114]. Cependant, toutes les études s’accordent pour dire que ce pourcentage est plus élevé dans la population UPD que dans la population DEL. Par exemple, dans leur étude menée sur plus de 140 patients avec un SPW, Dykens et al rapportent que 78% des patients SPW diagnostiqués comme ayant des TSA sont des patients avec une disomie [114]. Par ailleurs, une étude de Milner en 2005 montrait que les patients UPD avaient plus de troubles de communication sociale comme ceux fré- quemment présents dans une population autistique. Il faut souligner que les personnes avec un SPW ont les scores les plus faibles dans le questionnaire de l’autisme comparées aux individus ayant le syndrome du X fragile, du syndrome de Cornelia de Lange et du syndrome d’Angelman et également que le groupe avec un déficit intellectuel [36]. De plus, l’âge d’inclusion des patients dans les études peut avoir une importance non négli- geable. Alors que sur des enfants de moins de 10 ans, aucun n’excède les scores limite de TSA (ici dans cette étude, ils ont utilisé l’Autism Screening Questionnaire), près de 55% sont au delà de la limite après 10 ans. Une autre abonde dans ce sens puisque les enfants de 6 à 12 ans montrent moins de signes autistiques que des enfants Asperger de même âge, alors qu’après 13 ans ils manifestent des traits autistiques similaires à la population Asperger [36]. Ces résultats témoignent d’une tendance comportementale vers les TSA qui apparait avec l’âge dans le SPW.

Sur les mécanismes de compréhension du monde social et plus spécifiquement sur les mécanismes de la théorie de l’esprit (ToM), les similarités entre la population SPW et la population autistique sont évidentes. Tout d’abord, il a été démontré que les enfants avec un SPW obtenaient des résultats aux tests de la ToM plus faibles [224]. Si l’on regarde de manière plus précise, il s’agit des croyances de second ordre qui semblent les plus affectées (comprendre que la personne 1 agit d’une certaine façon parce qu’elle sait ce que la deuxième personne pense). Par ailleurs, les auteurs ne rapportent pas de disctinction entre les scores à la ToM entre les enfants DEL et les enfants UPD [224]. Cette atteinte des processus qui sous-tendent la théorie de l’esprit a été décrite dans plusieurs population avec autisme. En effet, dans l’autisme il est fréquent de retrouver des faiblesses dans les processus de la ToM et de l’empathie [138]. Ainsi, les deux po- pulations semblent partager des déficits sensiblement proches sur ces mécanismes.

avec un SPW qui sont présentes également dans l’autisme, Dykens et ses collaborateurs ont comparé les scores sociaux et comportementaux entre une population de patients avec un SPW et une population diagnostiquée SPW et TSA [114]. Dykens et al révèlent que les patients SPW+TSA développent plus de stéréotypies et d’intérêts restreints, et qu’en plus ils ont un QI verbal plus faible et des aptitudes à la vie quotidienne et à la socialisation moins bonnes (que des patients SPW n’ayant pas été considérés comme ayant des TSA). Les comportements répétitifs les plus fréquents (de 76 à 100%) com- prennent la compulsivité, et l’insistance dans la répétition des routines, des évènements, du timing des évènements et un questionnement répétitif. De plus, les patients peuvent developper des crises de colère si on les interrompt, et ont une propension spontannée à ordonner des objets [114]. En outre, dans le groupe SPW, des troubles comporte- mentaux sont aussi présents. Nous retrouvons des problèmes fréquents dans le maintien d’une conversation et dans la qualité et la fréquence des interactions sociales. Ceci pour- rait suggérer que les déficits dans la perception sociale ou la cognition dans le SPW ne soient pas un index de l’autisme en soi, mais reflèteraient d’autres troubles émotionnels, comportementaux et psychiatriques [114].

Sur le plan neuro-fonctionnel, des travaux en imagerie cérébrale ont fait état de plu- sieurs altérations dans le SPW. Par tractographie DTI (Diffusion tensor imaging), Rice et ses collaborateurs ont examiné la micro-structure des fibres de la substance blanche sur une population de 15 jeunes adultes avec un SPW confirmé [279]. Ils révèlent ainsi, dans l’hémisphère gauche, une diminution de la fraction d’anisotropie (FA) dans le splénium du corps calleux, dans la capsule interne qui inclue la radiation thalamique postérieure et le fascicule occipital frontal inférieur (IFOF). La radiation thalamique postérieure est une projection qui connecte la partie postérieure du thalamus avec le lobe occipital et le lobe pariétal. L’IFOF gauche a été décrit comme jouant un rôle dans les processus sémantiques et dans la reconnaissance des émotions, tous deux al- térées dans le SPW [279]. Cette réduction de la FA dans le splénium a été retrouvée également dans l’autisme. Elle pourrait être associée aux comportements répétitifs, à la fois dans l’autisme et dans le SPW. Ainsi des altérations dans la microstructure de lasubstance blanche dans le splénium pourrait conduire à un déficit dans l’attention nécessaire pour switcher entre différentes tâches qui nécessitent une bonne communica- tion inter-hémisphérique [279].

Une étude plus ancienne avait déjà révélé quelques anomalies de matière blanche dans le SPW. Menée sur 8 patients âgé de 8 à 29 ans, cette étude prospective avait notamment démontré une diminution de la FA au niveau du corps calleux et la région postérieure de la capsule interne mais bilatérale (l’étude de Rice ne retrouvait qu’une diminution de la FA dans l’hémisphère gauche, Figure 3.4) [375]. Selon Yamada et al, la réduction de la FA au niveau de la capsule interne pourrait être une explication à l’hypotonie ce qui est en faveur d’une origine centrale et non périphérique.

Ces altérations dans le SPW ont été retrouvées sur une population adolescente avec au- tisme. En effet, les auteurs retrouvaient des altérations au niveau du corps calleux et au

Figure 3.4 – Schémas explicatifs des différences de fraction d’anisotropie rapportées entre les pa- tients SPW et les sujets sains. On retrouve une diminution de la FA au niveau du splénium du corps calleux et au niveau de la partie postérieure de la capsule interne. Résultats issus des travaux de Yamada et al [375].

niveau de régions importantes dans la cognition sociale et le traitement des visages [19]. Nous pouvons supposer que ces atteintes des fibres de substance blanche puissent être en relation avec les difficultés sociales dans le SPW (et aussi dans l’autisme).

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