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Un déficit plus global ?

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3.3 Troubles du spectre de l’autisme (TSA)

3.3.3 Un déficit plus global ?

Les deux parties précédentes ont permis de montrer que les patients atteints de TSA avaient des troubles de traitement des visages et probablement des voix. Ceci sous-entend que le déficit dans l’autisme pourrait être plus général et toucher plusieurs structures au sein du cerveau social. Il va être détaillé dans les paragraphes suivants, certaines des théories qui tentent d’apporter des explications aux troubles sociaux dans les TSA.

Motivation sociale

La première théorie est celle dite de la motivation sociale [71]. La motivation sociale peut être décrite comme un ensemble de mécanismes psychologiques et biologiques qui permettraient aux individus de s’orienter préférentiellement vers le monde social (orien- tation sociale), de rechercher et prendre du plaisir à interagir avec autrui (récompense sociale) et à chercher à favoriser et maintenir des liens sociaux (maintien social) [71]. Des preuves expérimentales suggèrent également que la préférence pour les activités de collaboration est diminuée dans les TSA. Elles révélant, en effet, que les enfants atteints de TSA sont moins susceptibles d’aider spontanément l’expérimentateur ou de le réengager lorsqu’il interrompt le jeu. De plus ces enfants sont moins sensibles aux récompenses sociales, telles que les congratulations verbales et il a été trouvée une corrélation entre le degré d’anhédonie (perte de la capacité à ressentir des émotions positives) sociale et la sévérité des TSA [71]. D’après cette théorie, les troubles des interactions sociales dans l’autisme proviendraient d’un manque d’envie, d’une dimi- nution de l’activité des circuits de la récompense et non d’un déficit de traitement au niveau des aires sensorielles primaires. En effet, les patients avec autisme démontrent des anomalies fonctionnelles dans le réseau orbitofrontal-striatum-amygdale lorsque des situations sociales sont à traiter [71]. Ce réseau OFC-striatum-amygdalien (OSA) est impliqué dans le calcul de la valeur de la saillance des stimuli sociaux et dans le renfor-

cement positif des interactions sociales. Dans une population saine, la puissance de la réponse de ce réseau est associée à une meilleure motivation sociale et à l’inverse, des traits antisociaux sont corrélés à de plus faibles réponses de ce réseau [71].

Enfin, les réseaux de la récompense (sociale) sont dépendants de plusieurs neuro- peptides. Les recherches chez l’homme et chez l’animal suggèrent, en outre, que ces mécanismes de motivation sociale sont en partie médiés par la signalisation neuropep- tidique. La faible activation du réseau OSA serait liée à la diminution de synthèse de dopamine et/ou d’ocytocine. L’ocytocine (OT), par ses interactions avec la dopamine, aurait un impact sur l’orientation sociale en modulant la saillance sociale, la sélectivité visuelle via l’amygdale et la récompense sociale via le noyau accumbens [200]. La dimi- nution de la synthèse et du taux circulant plasmatique d’ocytocine [10] dans l’autisme pourrait participer à la faible appétence de ces personnes pour les interactions sociales.

Déficit de la cohérence centrale

La cohérence centrale est le terme qui se définit comme la tendance quotidienne et naturelle à traiter les informations entrantes dans leurs contextes, en globalité, en rassemblant ces informations pour en obtenir une signification de niveau supérieur, souvent au détriment de la mémoire pour le détail [167]. Dans l’autisme, cet aspect du traitement de l’information serait altéré, et les personnes avec autisme préconiserait un traitement basé sur le détail dans lequel les caractéristiques sont perçues et conservées au détriment de la configuration globale.

Frith insiste sur le fait que la cohérence centrale n’est pas un mécanisme mais un "style" de traitement. Dans l’autisme, le traitement local serait privilégié mais lorsque cela est nécessaire ou explicitement demandé, ces patients peuvent avoir recours à un traitement global [167]. Sur des tâches comme les lettres de Navon5, les performances entre les pa-

tients et les sujets neurotypiques sont sensiblement similaires. Ceci nous indique que les patients sont capables de rapidement et efficacement visualiser la forme globale, comme la population saine. Dans le cadre des interactions sociales, il est important d’avoir une vision globale de la multitude d’informations qui nous parviennent. La compréhension de l’interaction sociale est dépendante de notre capacité à en extraire le sens global et nous permet d’accéder aux pensées et aux intentions des autres individus afin d’adapter notre comportement [167].

La théorie de la cohérence centrale nous dit que les individus atteints d’autisme ren- contrent des difficultés à intégrer les informations pour en percevoir un tout uniforme et global. Le défaut d’intégration multisensorielle a été décrit dans l’autisme et trouve tout son sens dans la théorie de la cohérence centrale [78]. En effet, afin d’avoir une vision globale d’une situation (sociale), il faut que nous soyons capables de traiter les informations séparément dans nos différents canaux perceptifs et ensuite de pouvoir

les unifier afin de leur donner un sens. Ce déficit d’intégration des informations n’est pas uniquement ciblé aux informations complexes sociales puisqu’il intervient lors d’une tâche de recherche visuelle simple, signifiant que dès le traitement primaire, les informa- tions ne sont pas intérgrées ensemble [78]. Dans la littérature, le STS a été décrit comme un carrefour cortical de l’intégration de plusieurs informations qu’elles soient visuelles ou auditives et est fortement interconnecté à de nombreuses régions au niveau frontal, temporal, ou limbique [382]. Ainsi, le STS serait une cible potentielle des difficultés d’intégration mulitmodales des informations. Diverses études en imagerie cérébrale ont montré une activation anormale voire absente du STS chez des sujets atteints de TSA lors de tâches impliquant la cognition sociale [382]. Une mauvaise intégration, de par une diminution de l’activation du STS ou un défaut de connectivité entre les aires, serait responsable des faibles capacités de ces patients dans l’extraction du contexte, et de ce fait, de la faiblesse en cohérence centrale.

Troubles du traitement spatio-temporel

Enfin pour conclure cette partie, Gepner a lui aussi sa vision des déficits décrits dans l’autisme. Selon lui, l’autisme serait caractérisé par des troubles du traitement des stimuli changeants, rapides et multisensoriels, avec une faiblesse dans l’harmonisa- tion et l’intégration de plusieurs informations simultanées pour en former un pattern final cohérent [142]. Cette théorie, exposée ainsi, se rapproche de celle du déficit de la cohérence centrale proposée par Frith mais rajoute un aspect temporel au traitement anormal dans l’autisme. De ce fait, l’autisme, toujours selon Gepner, est à classé dans les troubles du traitement spatio-temporel ou TSPD.

Dans les troubles du traitement spatio-temporel (TSPD), comprendraient des pa- tients ayant des difficultés dans l’attention faciale (diminution des fixations oculaires sur la région des yeux, qui sont particulièrement mobiles), dans l’imitation faciale, dans la reconnaissance des émotions et dans l’imiation des actions [142]. C’est à dire, tous les mécanismes qui nécessitent une intégration rapide de plusieurs types d’informa- tions. Gepner et son équipe ont proposé le concept dit de MBD pour "Multi-system Disconnectivity-Dissynchrony" afin de tenter d’apporter une explication aux bases neu- ropshysiologiques des troubles spatio-temporel. La MBD se définit alors comme l’aug- mentation ou la diminution de la connectivité fonctionnelle (ou anatomique) et de la synchronisation neurale au sein d’un réseau cérébral étendu, qui englobe de multiples régions corticales et sous-corticales [142]. Le traitement cérébral des informations dites sociales, fait intervenir un réseau complexe et étendu au sein du cerveau social. Les troubles des interactions sociales pourraient alors provenir d’une mauvaise synchroni- sation de ces différentes aires entrainant une faiblesse dans le traitement séquentiel des informations dans le temps et conduisant les personnes avec autisme à préférer des si- tuations moins énergivores cognitivement, c’est à dire des situations plus stables.

faciale, Kleinhans et al ont constaté que des déficiences sociales plus importantes étaient corrélées à une connectivité réduite entre la FFA et l’amygdale et à une connectivité accrue entre la FFA et le cortex frontal inférieur droit chez les sujets atteints de TSA. Pour traiter des stimuli visuels dynamiques (tels que les mouvements du visage) et auditifs (tels que des trains de clics et la parole verbale), les sujets atteints de TSA pré- sentent généralement une sous connectivité fonctionnelle ou une hypo-synchronisation neuronale. Cette théorie peut également expliquer les troubles du langage dans les TSA. Certains phonèmes ne sont pas compris par les personnes avec autisme. La séquence des phonèmes trop rapide pourrait ne pas être comprise par les individus avec des TSA car ils éprouvent des difficultés avec le traitement des informations rapides.

Figure 3.7 – Graphiques représentatifs des différences d’activité cérébrale dans l’hémisphère droit. Il s’agit du changement en pourcentages des activités BOLD par rapport à la condition de repos, après présentation d’images statiques, en bleu, et de stimuli dynamiques, en rouge. Ces résultats montrent que les patients avec autisme ont une modulation de l’activité de l’amygdale (A), du gyrus fusiforme (B) et du STS (C) similaire entre les stimuli statiques et les stimuli dynamiques. Résultats issus des travaux de Pelphrey et al [262].

Dans une étude en IRMf sur des patients souffrant de TSA, Pelphrey et al ont en- registré les réponses cérébrales lorsque des images statiques de visages exprimant une émotion ou lorsque des séquences dynamiques sont présentées [262]. Les auteurs se sont focalisés sur les régions du cerveau social, c’est à dire, le STS, l’amygdale et le gyrus fusiforme. Les participants voyaient 36 items de 4 catégories de stimuli : des images statiques neutres ou avec des émotions et des séquences dynamiques neutres ou expri-

mant une émotion. Dans cette étude, seulement deux émotions ont été choisies, la peur et la colère et la présentation se faisait de façon alternée, soit en statique soit en dyna- mique. Durant l’enregistrement, les participants avaient une simple tâche de détection de visages [262].

Dans chacune des régions considérées, les auteurs ont pu déceler, chez les individus sains, une modulation de la réponse hémodynamique aux expressions faciales émotionnelles, avec une plus forte activité pour les expressions faciales dynamiques par rapport aux expressions faciales statiques (Figure 3.7). En revanche, les réponses dans ces mêmes régions n’étaient pas augmentées par la présentation d’émotions dynamiques chez les participants atteints de TSA [262]. Ces anomalies de la réponse hémodynamique n’ont pas été retrouvées dans les aires visuelles MT/V5 de sujets avec des TSA. Ces aires du traitement visuel ne font pas partie intégrante du réseau de traitement des visages et semblent fonctionnelles. Ainsi, l’absence de modulation des régions du cerveau social ne provient pas d’un déficit plus précoce du traitement de l’information visuelle. Ces résultats indiquent que les expressions émotionnelles dynamiques entraînent un manque de modulation des régions cérébrales comme l’amygdale, le sillon temporal supérieur et le gyrus fusiforme (Figure 3.7), ce qui n’est pas le cas lorsque les expressions faciales sont statiques [262]. Cette constatation est cohérente avec les hypothèses concernant le dysfonctionnement des voies bidirectionnelles reliant ces trois aires importantes du cerveau social.

Enfin, Pelphrey et ses collègues montrent aussi dans leurs travaux que la réponse de l’amygdale aux stimuli émotionnels est plus restreinte dans la population avec autisme par rapport à la population contrôle, confirmant certaines études qui peuvent noter une modulation atypique de l’amygdale (sur ou sous fonctionnement) dans l’autisme.

De plus, de nombreuses études, regroupées dans une méta-analyse de Philip et

al [265] ont validé cette hypothèse de dysconnectivité. En effet, une connectivité plus

faible est retrouvée dans une grande variété d’aires cérébrales qui sont recrutées pour le traitement des fonctions exécutives, du traitement des émotions, du langage ou encore sur les processus moteurs. Parmi ces régions, durant des tâches impliquant les méca- nismes de traitement social, les individus avec autisme ont une diminution de l’activité du gyrus fusiforme gauche, du cortex occipital droit (gyrus occipital inférieur) ou en- core dans le gyrus temporal supérieur [265]. Cette théorie semble être plus complète que les deux autres exposée dans ce chapitre. Elle englobe de nombreuses difficultés et déficiences observées dans l’autisme. Néanmoins, elle n’explique pas quelles sont les origines de ces troubles.

3.3.4

Exploration visuelle faciale dans l’autisme : une base

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