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Aspects cognitifs

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1.7 Vers une distinction entre délétion et disomie

1.7.2 Aspects cognitifs

Au-delà des simples aspects physiques et comportementaux, les différences entre les patients DEL et UPD sont également rapportés d’un point de vue cognitif. Tout d’abord, sur les compétences intellectuelles, il est rapporté que les patients DEL et UPD diffèrent dans les scores du QI. Roof et collaborateurs ont estimé que les patients UPD ont 32 fois plus de chance d’avoir un QI verbal plus élevé que celui des patients DEL qui eux, ont souvent de meilleurs scores au QI de performance. Les patients UPD sont meilleurs que les patients DEL dans le calcul, dans l’attention, dans le langage (compréhension et production) et dans le raisonnement social [286]

Il est fréquemment rapporté que les patients DEL ont des habiletés visuo-spatiales supérieures que les patients UPD. Les patients délétés obtiennent régulièrement des scores moyens plus élevés que les patients avec une disomie pour des tests des compé- tences visuo-spatiales ou visuo-perceptives comme par exemple les tests block design ou encore dans l’assemblage d’objets [370]. Cette relative force dans les tâches visuo- spatiales pourrait être à la base de l’attrait des patients PW pour les puzzles et surtout de leur façon très singulière de les reconstruire (en ne regardant pratiquement jamais le dessin) [348]. À l’inverse, les patients UPD sont relativement meilleurs dans des tâches impliquant la reconnaissance visuelle et la mémoire que les patients DEL.

De plus, toujours en rapport avec les compétences visuelles, la discrimination de la forme et du mouvement est particulièrement affectée dans la population UPD compara- tivement aux patients DEL et aux sujets sains [133]. En utilisant la tâche de Simon11,

Woodcock et al en 2009 ont également rapporté que les patients UPD étaient davantage déficitaires sur l’identification de la forme mais pas sur la l’identification de la localisa- tion. Seulement, ce déficit était d’autant plus marqué sur les essais incongruents (par exemple appuyé sur le bouton de droite quand le stimulus qui apparait est à gauche). Cette étude nous indique d’une part que les processus de traitement visuel, séparés en voie ventrale (forme) et en voie dorsale (localisation) ne sont pas affectés de la même façon entre les patients UPD et les patients DEL, puisque la voie ventrale semble plus touchée dans la disomie alors que c’est la voie dorsale dans le cas d’une délétion. D’autre part, les principales erreurs sont commises lors de la condition incongruente, ce qui si- gnifie que les processus de contrôle exécutif ne sont pas pleinement fonctionnels dans la population SPW [373]. Ces résultats peuvent être mis en lien avec les déficits rap- portés dans le SPW sur les phénomènes de task switching et de flexibilité mentale qui sous-tendent la rigidité d’esprit de ces patients.

En utilisant un tâche de Go-NoGo, qui évalue les fonctions exécutives et plus par- ticulièrement les processus de contrôle de l’inhibition, il a été enregistré simultanément les potentiels évoqués des patients SPW. Stauder et collaborateurs ont pu mettre en avant que les processus de contrôle de l’inhibition étaient déficitaires que ce soit chez

les patients DEL qu’UPD [326]. Néanmoins, les individus DEL ne semblent être affectés que dans les processus de contrôle précoce (N200) alors que la réponse tardive (N300) est normale. Les individus UPD eux montrent une altération des réponses EEG sur les deux composantes précoces et tardives (Figure 1.11). Ces résultats suggèrent que les patients DEL ont une activation altérée pour une modalité spécifique lors des processus d’inhibition précoces (seulement la N200 est affectée) alors que les patients UPD ont un déficit plus général qui touche aussi bien les processus précoces que tardifs (de par l’absence d’augmentation du pic de la N300).

Les déficits sont aussi retrouvés dans des tâches impliquant un traitement des si- gnaux sociaux et dans des aspects importants de la cognition sociale comme l’intégration multimodale. En utilisant une simple tâche de détection de stimuli divisés en trois ca- tégories, à savoir, visuels, auditifs et audiovisuels, Salles et collaborateurs, au sein de notre laboratoire, ont pu mettre en évidence que les patients avec un SPW rencontraient des difficultés à intégrer des informations provenant de deux modalités différentes. De plus les gains multisensoriels, qui reflètent le pourcentage d’amélioration des temps de réaction en condition multimodale sont plus faibles chez les patients SPW (Figure 1.12.A encadré bleu). Dans leurs analyses, ils ont également comparés les patients DEL et UPD, démontrant une plus faible intégration des informations dans le groupe UPD, qui se manifeste par une moyenne des gains multisensoriels autour de 0 (Figure 1.12.B encadré bleu).

En parallèle de cette expérience, ils ont demandé aux participants, dans une tâche à choix forcé, de discriminer la voix humaine de sons de l’environnement. Grâce à ce pa- radigme, ils ont pu révéler que les patients avec un SPW rencontraient des difficultés à reconnaître la voix, et que le déficit était d’autant plus marqué dans la population UPD (Figure 1.12 encadré rouge) [298]. Ces résultats nous indiquent que ces patients ont une réelle faiblesse dans les processus importants dans la bonne compréhension des interactions sociales et que ce déficience est plus forte chez les patients UPD.

En complément du traitement de la voix, il semblerait qu’il y ait des différences dans les processus de traitement des visages et des émotions, les patients UPD démontrant une faiblesse plus prononcée que les patients DEL. Dans une étude récente de Key et

al menée sur des enfants avec un SPW, ils ont étudié, par EEG, la mémoire incidente

(donc implicite) des visages tout en comparant les deux sous-types génétiques. Ainsi ils ont montré que les deux populations ne réagissaient pas de façon identique à la répéti- tion des mêmes visages. Dans la population UPD, une diminution des amplitudes des ERP (entre 250 et 500ms) en réponse aux visages répétés est observable. À l’inverse, les patients DEL présente une modulation des ERP similaire à ces sujets contrôles [195]. Ces résultats nous indiquent qu’en dehors du traitement purement perceptif, les vi- sages ne représentent pas, pour les patients UPD, une catégorie de stimuli visuels assez marquant pour entraîner un traitement plus approfondi des visages (traitement des in- formations sociales de haut rang). Pour les sujets DEL et normotypiques, les images de visages reçoivent suffisamment de poids pour le traitement cognitif et pour ainsi créer

Figure 1.12 – Dans l’encadré bleu ; résultats lors de la tâche de détection de stimuli. A : Temps de réaction globaux de la population DEL et UPD. Aucune différence n’est à soulevée entre ces temps de réaction. B : gains multisensoriels calculés par rapport à la modalité la plus rapide. On observe ici que les patients DEL ont des gains significativement différents de 0, ce qui n’est pas le cas des patients UPD. Dans l’encadré rouge, il s’agit des résultats à la tâche de discrimination de la voix humaine. A : résultats globaux exprimée en Dprime, comparés entre population contrôle (TD) et PW. B : Valeurs de D prime entre les sous populations de SPW. Les patients UPD obtiennent des scores de D prime plus faibles que les patients DEL, signifiant une difficulté accrue dans la reconnaissance de la voix. Résultats issus des travaux de Salles et al [298].

une trace mnésique. Par ailleurs ces résultats ont été aussi retrouvés sur des enfants ayant des TSA, ce qui va dans le sens d’une plus forte prévalence des troubles autis- tiques dans la population UPD.

D’autres études ont également rapporté des différences entre les deux principales po- pulations de patients SPW, et notamment sur la mesure du regard au Benton Face Memory Test. Les performances obtenues sont différentes entre patients DEL et UPD, ces derniers démontrant des résultats proches de ceux décrits dans l’autisme [130]. Nous ne développerons pas davantage le traitement des visages dans cette section puisqu’il sera approfondi dans le section sur la cognition sociale dans le SPW.

structurelles anatomiques et fonctionnelles entre les deux types génétiques de SPW. La première étude [227] s’est intéressée à la micro-structure de la matière blanche de cer- tains tractus cérébraux qui ont été rattachés comme étant potentiellement impliquée dans l’apparition de psychoses. Ces régions sont le corps calleux, le cortex cingulaire, la corona radiata et le fascicule occipitofrontal. Effectuée sur une cohorte de 28 en- fants SPW, cette étude a révélé des altérations de la micro-structure de la substance blanche12. De plus, les patients UPD ont des altérations plus globales au niveau céré-

bral, avec tout de même des altérations semblables à celles présentes dans les pathologies à haut risque de psychoses comme par exemple la schizophrénie.

Les patients DEL montrent également des signes d’un développement aberrant de la substance blanche qui pourrait contribuer à leur déficit cognitif et aux risques accrus de pathologies psychotiques [227].

Figure 1.13 –Altérations de la substance blanche retrouvées au niveau du corps calleux des patients DEL, en haut, et des patients UPD, en bas. Les points bleus représentent ce que les auteurs ont appelés les potholes (imperfections), qui sont considérablement plus nombreux dans la population UPD. Résultats issus des travaux de Lukoshe et al [227].

En considérant d’autres critères, le volume total intracranial et l’épaisseur corticale, la même équipe de Lukoshe et al a apporté de plus amples connaissances sur les ano- malies cérébrales qui peuvent survenir dans le SPW.

En ce qui concerne le volume intracrânien total (VIT), alors qu’aucune différence n’est retrouvée entre les patients UPD et les sujets contrôle, les patients DEL ont des VIT plus petits, synonyme d’une taille moindre de leur cerveau.

12. décrit sous le terme de potholes, que l’on peut associer à des imperfections dans la substance blanche

Par ailleurs, globalement, les volumes en substance blanche ainsi que ceux en sub- stance grise des enfants UPD ne sont pas significativement éloignées de ceux obtenus sur des enfants sains. Une analyse plus fine par aire d’intérêt a tout de même révélé quelques disparités. En effet, les enfants UPD ont des volumes en matière blanche di- minués par rapport à des enfants sains dans des structures impliquées dans le Default Mode Network et les processus de prise de décision parmi lesquelles nous retrouvons le cortex cingulaire postérieur, le gyrus frontal supérieur gauche, ou encore le précunéus bilatéral [228]. En ce qui concerne les volumes de matière grise, les résultats sont op- posés. Il s’agit des patients DEL qui ont des volumes en matière grise significativement différents (que ce soit cortical ou sous-cortical) des enfants normotypiques et des enfants UPD.

Si l’on considère maintenant l’épaisseur corticale. Elle est située dans la norme dans la population DEL suggérant que les mécanismes génétiques de la migration neuronale ne sont pas altérés chez les patients DEL. A contrario, chez les patients UPD n’ont pas une augmentation de l’épaisseur corticale, qui pourrait provenir d’un défaut d’élimination des synapses inutiles (pruning), cette hypothèse restant à vérifier. L’augmentation de l’épaisseur corticale a été décrite dans les TSA, ce qui corrobore la plus forte disposition des patients UPD à développer des troubles apparentés.

Enfin, il est retrouvé des ventricules cérébraux plus gros chez les enfants UPD corrélé à la présence accrue de liquide céphalo-rachidien. La distension des ventricules cérébraux est décrite dans le schizophrénie ce qui pourrait indiquer que la prédisposition accrue au développement des crises psychotiques chez les patients UPD proviendrait d’un volume ventriculaire augmenté.

Ces études nous renseignent sur la complexité des différences au niveau cérébrale des patients DEL et UPD. Les différences ne sont pas spécifiques d’un type particulier de patients que ce soit sur des valeurs en matière blanche, grise, ou encore sur les volumes ventriculaires voire sur l’épaisseur corticale. La grande complexité génique de la région PW sur le chromosome 15 ainsi que le grand nombre d’acteurs moléculaires expliquent probablement ces résultats discordants et complexes à intégrer dans leur globalité.

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