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CHAPITRE 4 PRÉSENTATION DES RÉSULTATS

4.2 Historique de l’entreprise l’Auto-Neige Bombardier Limitée

4.2.23 Le transport

Tout comme en Alberta, l’aventure avait réellement débuté après la fin de la guerre avec le B12. La réclusion et la solitude des agriculteurs devenus bûcherons ou travailleurs forestiers et qui devaient passer tout l’hiver au camp avec les parasites et le manque d’hygiène est légendaire. La légende de la chasse-galerie raconte que des bûcherons de la Gatineau, sur la rive nord de la rivière des Outaouais, après plusieurs mois en forêt étaient prêts à parier leurs âmes, risquer leurs saluts éternels, voire signer un pacte avec le diable afin de faire voler un canot pour aller visiter leurs parents et amis dans la nuit du jour de l’An.

Afin de contrer les risques, les compagnies forestières avaient rapidement adopté le B12 pour le transport des bûcherons et du personnel des campements brisant du moins partiellement leur état d’isolement. Comme le souligne Lacasse (1988 : 152) :

[...] ces ouvriers ne sont plus aussi isolés qu’ils l’ont été dans les premières décennies du siècle. Le transport de la nourriture se fait plus facilement et, en cas de maladie ou d’accident grave, les employés peuvent être acheminés rapidement vers la civilisation.

Tôt, ces véhicules s’étaient vus attelés à la place des chevaux de trait pour tirer les chaînés de traîneaux chargés chacun d’une corde (quatre pieds de haut; quatre pieds de large et huit pieds de long) de « pitounes » de quatre pieds. Les billots étaient en route pour le dragage en rivière en direction des

usines des grandes compagnies américaines installées au Québec depuis l’adoption en 1910 par le gouvernement libéral du premier ministre Lormer Gouin d’une des toutes premières mesures du « maître chez nous » : la prohibition de l’exportation vers les États -Unis du bois coupé sur les terres de la couronne et la loi sur l’établissement des réserves forestières.

4.2.24 Le BT

Si les B12 arrivaient tant bien que mal à remplacer les chevaux et à tirer les traîneaux chargés de bois vers leurs destinations , ils n’avaient toutefois pas été spécialement conçus pour cette tâche. En effet , les douze places disponibles à bord n’étaient que peu utilisées, l’habitacle fermé nuisait au travail et la transmission manquait de puissance pour définitivement clamer victoire sur les chevaux de trait. Le BT ( « Bombardier Truck » – camion bombardier) fut la réponse aux problèmes. Il n’était pas sans rappeler le modèle TD développé pour l’industrie pétrolière albertaine, mais il était équipé de skis plutôt que de chenilles non motorisées à l’avant et d’un treuil pour aligner les traîneaux. De plus, l’habitacle pour trois personnes était muni d’une vitre coulissante arrière permettant au conducteur de contrôler visuellement les progrès des opérations et de communiquer avec le s personnes impliquées. C’était véritablement le début de la fin pour les chevaux de trait dont le glas sonnerait bientôt.

Les problèmes, dit-on, sont le prix du progrès et un problème fertilisé à l’aide d’une solution en fait éclore des dizaines. Les nou veaux camions Bombardier (BT) étaient très efficaces et ils avaient entraîné une augmentation significative de la productivité du transport des billes , ce qui avait eu pour effet de diminuer considérablement le temps disponible pour transporter , toujours à l’aide de chevaux, les billes aux bords de route et principaux points de chargement. Les camions BT se révélaient trop gros et trop lourds pour se

faufiler aisément en forêt jusqu’aux aires de dépôt plus éloignées. Le Muskeg , mis au point pour l’industrie pétrolière albertaine, offrait bien une solution, mais s’il était assez léger et puissant, il n’était toutefois pas suffisamment petit et flexible pour relever le défi. En effet, les marécages albertains étaient parsemés d’arbres chétifs qui poussaient sur des îlots où le sol atteignait la surface de la fondrière, alors que la forêt boréale québécoise est beaucoup plus dense et ne favorise pas une aussi grande manœuvrabilité des véhicules.

4.2.25 Le J5 et le SW

La solution s’imposait d’elle-même : une version miniature du Muskeg : le J5 (« Junior 5 foot »  le junior de 5 pieds). Plus petit, plus étroit, mais aussi plus puissant que son aïeul grâce au barbotin flexible mis au point deux ans auparavant, le nouveau tracteur tire aisément en forêt boréale des remorques remplies de plus de deux cordes de billes. Dès sa naissance, il fait la fierté de son concepteur, notamment en raison de sa versatilité. Bientôt muni d’une pelle à neige à l’avant et sous le nom de SW ( « Sidewalk »  trottoir), il est très rapidement devenu et est toujours aujourd’hui, près de soixante ans plus tard, une présence familière du déneigement des trottoirs l’hiver dans de nombreuses municipalités du territoire québécois, dont la ville de Sherbrooke. Comme le souligne monsieur Bombardier lors de l’émission de télévision diffusée en 1956 sur les ondes de Radio-Canada :

[...] nous avons travaillé sur un plus petit tracteur que le Muskeg qui est plus à la portée des bourses et puis qui est très prometteur pour l’avenir. C’est notre première année que nous l’avons mis en production et nous en avons vendu à date cinq cents quelques unités et nous en vendons beaucoup pour l’année prochaine m ille unités au moins et même davantage. C’est un tracteur qui peut être très utile, je suppose, à la ferme par exemple? Le tracteur a des applications très variées dans toutes les saisons de l’année et dans à peu près tous les pays du monde là où il y a des marécages ou de la neige. En somme il peut servir douze mois par année? Il peut servir douze

mois pour l’année, il sert sur la ferme pour la culture générale, la grande culture, il peut servir pour le charriage du bois, c’est là que nous avons un succès retentissant cette année. Il appert que les chevaux vont définitivement être chassés des opérations forestières à cause du tracteur.

4.2.26 Le HDW

Le problème du transport des billes résolu, un autre problème apparaissait maintenant avec plus d’acuité : celui du chargement et surtout celui du déchargement des billots placés sur les plateformes et traîneaux. Afin d’immobiliser le tracteur et ses traîneaux le moins longtemps possible et d’augmenter ainsi la productivité, l’opérateur arrivé en vue de sa destinatio n finale devait accélérer puis effectuer une manœuvre de rotation rapide. Sous l’effet de la force centrifuge, une bonne partie des billots était ainsi rapidement déchargés. Toutefois, la manœuvre était dangereuse et risquée tant pour l’équipement et l’opérateur que pour les travailleurs affairés à ramasser les billots. Tout comme dans les cas précédents , la solution fut simple et efficace : la série de Muskeg HDW (« Hydraulic Dumping Winch »  Treuils hydrauliques). Il s’agit en fait d’une nouvelle version plus large et plus puissante du Muskeg MWT développée pour l’industrie pétrolière et munie cette fois d’une grande plateforme plus large à l’arrière qui , grâce à un treuil hydraulique, pouvait être inclinée à 45 degrés à la manière des camions à benne basculante utilisés pour le transport de matériaux en vrac tel s que le sable et le gravier, afin de faciliter le chargement et le déchargement de plus de quatre cordes de billots.

4.2.27 Le débardage

Près d’une décennie depuis le début de l’aventure en forêt , il ne restait donc plus qu’une seule étape dans le transport des billes qui n’avait pas encore reçu l’attention de monsieur Bombardier et qui était encore l’apanage des

chevaux de trait : le débardage. Il s’agit de la prise en charge des grumes depuis la souche et le lieu de coupe jusqu'à l’aire de dépôt et de chargement.

4.2.28 Le Bélier Rouge

Cette fois le problème était simple : comment éviter que l’étape du débardage ne représente un goulot d’étranglement qui pourrait mettre en péril les gains de productivité déjà réalisés en aval du processus? La solution ferait encore appel au Muskeg, mais dans sa version J5 modifiée : le « Red Bull » (le bélier rouge). Ce petit véhicule est très bien décrit par Lacasse (1988 : 157) :

Le Bélier rouge est un tracteur toute-chenille du genre J5, avec un treuil plus puissant, tablier d’acier et système de rouleaux -poulies à l’arrière du véhicule. À l’avant, la machine est équipée d’un mécanisme de leviers avec contrôle hydraulique pour saisir, élever et entasser les troncs sur les camions.