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CHAPITRE 4 PRÉSENTATION DES RÉSULTATS

4.2 Historique de l’entreprise l’Auto-Neige Bombardier Limitée

4.2.31 Le Ski-Dog

Dans sa lettre adressée à monsieur Bombardier, le père Dorge le priait, sur la base du succès des nouveaux véhicules de travail de marque Bombardier relatés dans les journaux albertains locaux, de développer un véhicule pratique, fiable, facile d’entretien et surtout économique tant à l’achat qu’à l’usage qui pourrait remplacer le mode de transport séculaire et déjà plus que millénaire de la région arctique : le traîneau à chiens. Tout comme l’avaient fait les nouveaux véhicules développés notamment pour l’industrie pétrolière, le nouveau véhicule de Bombardier devrait permettrait d’accroître de façon significative l’efficience et l’efficacité du travail apostolique des missionnaires qui, compte tenu de la densité extrêmement faible de la population sur le territoire arctique, passaient beaucoup plus de temps avec les chiens de traîneaux qu’avec les âmes de ceux ayant droit à la Rédemption.

Un appel de Dieu n’est pas un appel ordinaire et la réponse ne pouvait l’être moins. Quelques jours plus tard, soit le 15 mars 1956, monsieur Bombardier adressait une lettre au fils d’un de ses amis de Valcourt devenu prêtre Oblat, le père Maurice Ouimet, en mission apostolique auprès des Indiens de la Nation nishnawbe aski de la nation crie sur la réserve Arolan près du lac Nipigon en Ontario. Grâce en partie à la générosité de monsieur Bombardier, sa mission possédait déjà deux véhicules fabriqués par Bombardier Limitée : un B12 et un J5, mais un véhicule plus approprié aux besoins des missionnaires Oblats était estimé nécessaire. Dans sa lettre, il décrit brièvement le projet de solution au problème qu’il contemplait déjà depuis un certain temps :

Je viens de recevoir une lettre du père Dorge avec une coupure de presse tirée du Winnipeg Free Press du 6 mars dernier qui vante les succès que nos tracteurs Muskeg dans la région des Territoires du Nord-Ouest. Je suis prêt à admettre que ces véhicules peuvent être à la fois trop dispendieux et peu utiles à la majorité de vos missionnaires. À la suite des prières qui m’ont été adressées par plusieurs d’entre eux, dont notamment le père Dorge, je crois toutefois être en mesure d’affirmer aujourd’hui que nous serons bientôt en mesure de mettre au point et de vous offrir un petit véhicule propulsé par un moteur léger actionnant une chenille unique qui serait presqu’aussi large que le véhicule lui-même (Lacasse, 1988, p.143).

Monsieur Bombardier venait de décrire certains des principaux traits caractéristiques de la motoneige. Toutefois, il était encore très occupé par le développement de solutions aux problèmes des entreprises de l’industrie forestière. Comme il le souligne lors de l’entrevue accordée en 1956 à Radio- Canada :

Avez-vous des projets d’agrandissements? Oui des projets d’agrandissements pour dès le printemps le mois d’avril et puis nous croyons qu’il nous serait possible de subvenir à la demande pour

encore cette année parce que le marché du bois va demander plusieurs milliers d’unités avant d’être comblé.

En conséquence, la recherche de solutions aux problèmes des missionnaires dans l’exécution de leur apostolat auprès des populations indiennes et esquimaudes dissipées sur de vastes territoires devait attendre encore deux ans avant d’atteindre finalement le sommet de l’agenda. Deux éléments vont converger pour hisser le problème au sommet de l’agenda : 1) les progrès technologiques exponentiels réalisés dans le développement des petits moteurs toujours de plus en plus légers et de plus en plus puissants excitaient grandement la curiosité de monsieur Bombardier, sans qu’il ait eu l’opportunité de constater par lui-même les progrès réalisés et; 2) son fils Germain venait de faire breveter une nouvelle chenille particulièrement efficace sur la neige qui était utilisée dans la fabrication d’un autre produit de la gamme offerte par Bombardier Limitée : les véhicules de nettoyage des pistes de ski. Le père et le fils travailleront de pair tout au long du projet; une activité qui leur permettra de mieux se connaître, de se rapprocher et de mieux s’apprécier mutuellement.

Après plusieurs mois de travail et trois prototypes, la première motoneige munie d’un moteur de marque Kohler de fabrication allemande était fin prête à être livrée en février 1959. Grâce encore une fois à la générosité de monsieur Bombardier, la mission du Père Maurice figure depuis en toute première position sur la liste des propriétaires de deux nouveaux véhicules appelés initialement Ski-Dog  parce qu’il était destiné à remplacer les chiens de traîneaux  et renommés un an plus tard Ski-Doo à la suite d’une simple erreur typographique dans une brochure qui, dans la version de la stratégie émergente, avait fait sourire monsieur Bombardier qui l’avait aimé et adopté sur le champ et qui, dans sa version de la stratégie planifiée exprimait un souci d’esthétisme sonore dans la stratégie intentionnelle de gestion de la marque

dans les deux langues officielles. La générosité de monsieur Bombardier n’était toutefois pas dépourvue de tout intérêt : il souhaitait mettre à l’épreuve la solidité, la performance et la fiabilité de sa motoneige dans les conditions tangibles et difficiles des grands territoires isolés et rudes d’accès où règne un froid cinglant avant de la commercialiser à grande échelle.