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Deuxième catégorie : Les modèles à quatre étapes

CHAPITRE 2 REVUE DE LA LITTÉRATURE

2.4 La littérature sur le cycle de vie de l’entreprise

2.4.2 Deuxième catégorie : Les modèles à quatre étapes

Tout comme Lippitt et Schmidt (1967) dont le modèle en trois étapes a été décrit dans les pages précédentes, Lyden (1975) adopte le point de vue des défis et des préoccupations des dirigeants. Toutefois, contrairement à ceux-ci, il propose un cycle de vie en quatre plutôt qu’en trois étapes. Lors de la première étape décrite comme celle de l’adaptation à l’environnement, le principal défi est de découvrir et d’exploiter grâce à l’innovation une niche dans l’environnement. Lors de la deuxième étape présentée comme celle de l’acquisition des ressources, le défi des dirigeants devient le développement de procédures de travail. La troisième étape est celle de l’atteinte des objectifs et le défi, celui de l’efficience et de l’efficacité de la production. Finalement, la quatrième étape est celle de la protection du modèle d’affaire s mis en place et le défi est celui de l’institutionnalisation des structures.

Kimberly (1979) adopte le point de vue de l’efficience (atteinte des objectifs) à l’aide de données empiriques recueillies lors d’une étude longitudinale sur la création et la mise en place d’une nouvelle école de médecine. Efficience et succès sont ici considérés comme des termes entièrement interchangeables. Il décrit une étape préalable à l’existence même de l’organisation où les objectifs principaux sont de rassembler les ressources nécessaires et de proposer une nouvelle idéologie. Celle -ci conduit à la deuxième étape où les objectifs principaux deviennent le choix d’un champion/promoteur, l’engagement de la main-d’œuvre et le développement d’un réseau de partenaires stratégiques. La préoccupation centrale lors de la

troisième étape est le développement de l’identité organisationnelle. Elle est marquée par un niveau d’investissement à la fois physique et émotionnel très élevé de la part de tous les membres de l’organisation , de même que d’un sens élevé d’implication et de cohésion de chacun dans la poursuite de la mission première de l’organisation. L’objectif princip al lors de la dernière étape est l’institutionnalisation. Elle se manifeste par une plus grande rigidité des règles et des procédures, et la formalisation de l’ensemble des pratiques organisationnelles. Il conclut que les facteurs qui favorisent à court te rme l’efficience d’une nouvelle organisation (innovation) sont nocifs à son institutionnalisation et à l’efficience à long terme. Ces idées sont reprises plus avant dans les chapitres du livre sur le cycle de vie des organisations qu’il a coédité l’année suivante (Kimberly et Miles, 1980) et qui a fait l’objet d’une revue par Andrew M. Pettigrew dans le très respecté « Administrative Science Quaterly ».

Quinn et Cameron (1983) ont, comme il a été souligné précédemment, réalisé une excellente synthèse de la littérature sur le cycle de vie de l’entreprise. Ils adoptent le point de vue des critères de performance et présentent un modèle du cycle de vie en quatre étapes qui intègre plusieurs des propositions antérieures. Ainsi, lors de la première étape, qu’ils désignent comme l’étape entrepreneuriale marquée par l’innovation, la créativité et l’acquisition des ressources, l’emphase serait placée principalement sur les critères de performance désignés par Quinn et Rohrbaugh (1983) comme le modèle des systèmes ouverts, c'est-à-dire la flexibilité, la croissance, l’acquisition des ressources et le développement d’un système de support externe. Lors de la deuxième étape, appelée l’étape collective marquée par une structure et des communications informelles, une atmo sphère familiale de coopération, un haut niveau d’implication des membres et un leadership personnalisé, l’emphase passerait alors du modèle des systèmes ouverts au modèle des relations humaines. Ce dernier met l’emphase principalement sur

les critères de performance suivant : le système de développement des ressources humaines, le climat de travail, la cohésion, et la satisfaction des besoins des individus. La troisième étape, placée sous le signe de la formalisation et du contrôle, est manifestée par la stabilité, l’efficience, les règles et les procédures ainsi que le conservatisme. Les critères de performance sont alors placés sous l’égide à la fois du modèle des processus internes et du modèle des objectifs rationnels. Les principaux critères de performance sont alors l’élaboration et l’atteinte des objectifs, la productivité, l’efficacité des systèmes de communication et de gestion, la stabilité et le contrôle. Enfin, lors de la quatrième étape désignée par Quinn et Cameron (1983), comme l’étape de l’élaboration des structures manifestées par l’analyse de l’environnement externe à la recherche d’opportunités et la décentralisation des structures, les critères de performance forment alors ce que Quinn et Rohrbaugh (1983) désignent comme le modèle des syst èmes ouverts. Les critères de performance sont alors principalement la flexibilité, l’acquisition de ressources et la croissance.

Mintzberg (1983, 1989) adopte le point de vue des systèmes de pouvoir et des configurations structurelles correspondant aux quatre principales différentes étapes du cycle de vie de l’entreprise. Contrairement à la plupart des modèles précédents, le processus proposé n’est pas linéaire et comporte des alternatives selon certaines variables de contingence et des boucles de rétroaction, ce qui en comparaison avec la plupart des modèles présentés jusqu’ici rend plus difficile le défi de le résumer clairement en quelques lignes.

Lors de la première étape, celle de la formation, le pouvoir est essentiellement aux mains du fondateur et la configuratio n structurelle est alors entrepreneuriale. Le départ du fondateur marque le début de la deuxième étape, celle du développement. Si rien d’autre n’intervient, le pouvoir passe

alors aux mains de ceux qui contrôlent le système de croyances de l’entreprise et la configuration devient missionnaire. Toutefois , si l’expertise est nécessaire à la poursuite des activités de l ’organisation, alors le pouvoir passe aux mains de ceux qui la maîtrisent et la configuration se professionnalise rapidement. Cependant, elle devient plutôt innovatrice si c’est la créativité qui est nécessaire à la croissance de la jeune entreprise. Dans tous les autres cas de figure, elle deviendra plutôt une bureaucratie mécanique. Lors de la troisième étape, celle de la maturité, les organisations qui ne le sont pas encore prendront la forme d’une bureaucratie mécanique fermée et le pouvoir se concentrera aux mains de quelques gestionnaires internes. La pression pour la croissance poussera éventuellement l’organisation vers la diversification et vers la configuration divisionnaire et le pouvoir passera alors aux mains des membres de la hiérarchie intermédiaire. Lors de la quatrième étape, celle du déclin, le pouvoir se concentre aux mains de quelques -uns et les conflits s’enveniment et s’éternisent. La configuration devient alors politique.

Mintzberg (1989) propose également l’existence de deux boucles de renouvellement. Ce dernier peut être graduel ou dramatique et peut donc prendre la forme d’une revitalisation, ce qui survient généralement lorsque l’entreprise est encore à l’étape de la maturité ou encore d’une volte -face (turnaround) lorsque l’entreprise s’est déjà engagée vers le déclin. Pour être en mesure de revitaliser l’entreprise, une partie importante du pouvoir doit encore être aux mains de ceux qui contrôlent le système de croyances et il faut donc qu’aux côtés de la configuration politique, subsiste encore une configuration missionnaire suffisamment forte , sinon la revitalisation sera vouée à l’échec et l’organisation s’engagera vers le déclin. Une fois engagée dans cette dernière direction, seule une volte-face dramatique peut éviter la catastrophe et la disparition de l’organisation. Le succès de celle -ci repose généralement entre les mains d’un leader puissant qui possède une vision

claire et forte de la direction à prendre, ce qui génère un retour vers une configuration entrepreneuriale similaire à celle de la première étape.

Dodge et Robbins (1992) adoptent le point de vue des principaux problèmes tant internes qu’externes auxquels la petite entreprise fait face à chaque étape de son cycle de vie. Lors de la première étape, celle de la formation, le problème principal serait celui de transformer une idée en réalité. La deuxième étape, celle de la croissance précoce, est animée de nombreux problèmes : assurer la production en termes de quantité et de qualité; faire face à une demande croissante; assurer les liquidités; et formaliser la structure organisationnelle. La troisième étape, celle de la croissance tardive, est également animée de nombreux problèmes : choisir entre la croissance ou la stabilité en conservant la rentabilité; préserver l’activité centrale tout en poursuivant de nouvelles opportunités de croissance; et principalement développer des mécanismes de contrôle et assurer une capacité de vente suffisante. La quatrième étape, celle de la stabilité, présente également de nouveaux problèmes : exploiter sa position sur le marché; initier le changement; et éliminer les sources d’inefficacité qui ont été négligées au cours de la période de croissance.

Hanks, Watson, Jansen, et Chandler (1993) proposent , tout comme Quinn et Cameron (1983), une synthèse très intéressante de la littérature sur le cycle de vie de l’entreprise sur la base de celle initialement développée dans le cadre de la thèse de doctorat de Hanks (1990) sur le cycle de vie des entreprises de haute technologie. Toutefois, plutôt que d’adopter le point de vue du changement dans les critères de performance comme dans le cas de Quinn et Cameron (1983), ils cherchent plutôt à développer dans la lignée des conclusions de Miller et Friesen (1984) présentées dans les pages qui suivent, une véritable taxonomie empirique des étapes de la croissance des entreprises. Chacune des étapes du cycle de vie de l’entreprise est ici entendue comme une

configuration distinctive de facteurs contextuels tels que l’âge, la taille, le taux actuel de croissance et de facteurs stratégiques tels que la structure, le niveau de spécialisation et de formalisation et la croissance des ventes, etc. L’analyse statistique des données révèle six groupes dans la population d’entreprise de haute technologie étudiée : quatre groupes qui correspondent chacun à l’une des étapes traditionnelles du cycle de vie et qui donc , entre elles, dessinent le processus classique de développement en quatre étapes (démarrage, expansion, maturité et diversification). De plus, l’analyse statistique met en lumière deux autres groupes d’entreprises qui ne s’inscrivent pas dans ce cheminement traditionnel, mais plutôt dans un p rocessus parallèle de désengagement. Ces dernières appartiendraient à la catégorie des entreprises petites, mais matures (âgées) dont il a été question précédemment lors de la description et de la discussion des modèles à deux étapes. Cette situation qualifiée alors de surprenante et intéressante avait été attribuée à un processus de vieillissement accéléré. Les données empiriques recueillies et l’interprétation contre-intuitive des résultats proposée par Hanks et al. (1993) suggèrent qu’il s’agirait plutôt d’une interruption précoce et volontaire de la croissance. Dans le cas du premier groupe, l’interruption surviendrait à la fin de la première étape, celle du démarrage, mais avant le début de la deuxième. La croissance de l’entreprise serait alors interro mpue avant la phase d’expansion pour satisfaire les exigences du style de vie des propriétaires fondateurs de l’entreprise. Dans le second cas, qui surviendrait après l’étape de l’expansion, celle-ci serait limitée et maintenue à un niveau de croissance relativement modeste pour des raisons variées qui représentent encore à ce jour une autre opportunité de recherche.

Jawahar et McLaughlin (2001) adoptent le point de vue des parties prenantes de l’entreprise. Ils suggèrent qu’à chaque étape du cycle de vie de l’organisation, certaines parties prenantes sont plus imp ortantes que d’autres parce qu’elles contrôlent certaines des ressources nécessaires pour résoudre les

problèmes organisationnels particuliers à cette étape du cycle de vie. En conséquence, des stratégies proactives doivent être mises en œuvre pour satisfaire ces parties prenantes alors que des stratégies réactives, de défense ou d’accommodation peuvent être adoptées pour traiter avec les autres parties prenantes.

Ainsi lors de l’étape du début (start-up), puisque les principales menaces à la survie de l’entreprise viennent principalement du financement, de la liquidité et de l’acceptation du produit sur le marché, alors les principales parties prenantes sont les actionnaires, les créanciers et le s consommateurs. Lors de l’étape suivante de croissance émergente, les principaux problèmes deviennent alors la stabilité de la production et la fiabilité du produit; la demande croissante; la liquidité, et la formalisation de la structure. En conséquence, les besoins des créanciers, des employés, des fournisseurs, et des associations professionnelles doivent être adressés de façon proactive alors que ceux des actionnaires, des consommateurs, des gouvernements, des communautés et des groupes environnementaux peuvent être adressés de façon réactive. Lors de l’étape de la maturité, toutes les parties prenantes , à l’exception des créanciers, doivent faire l’objet de stratégies proactives. Finalement, lors de la quatrième et dernière étape, le déclin et la trans ition, une stratégie proactive doit être utilisée pour négocier avec les actionnaires, les créanciers et les consommateurs, alors qu’une stratégie réactive doit être utilisée avec les associations professionnelles et les groupes environnementaux. De plus, une stratégie de défense doit être adoptée avec les gouvernements et les communautés, alors qu’une stratégie d’accommodation doit être adoptée avec les employés et les fournisseurs.

Les tableaux 3 et 4 ci-après permettent de faire la synthèse et de comparer les différents modèles du cycle de vie des entreprises en quatre

étapes qui forment la deuxième catégorie. Il est à noter que les mots en gras représentent une signification très similaire quant à la définition du stade.

Tableau 3

Les modèles à quatre étapes

Auteurs (date de publication)

1r e étape 2e étape 3e étape 4e étape

Lyden (1975) Adaptation Acquisition Atteinte des

objectifs

Protection des acquis

Kimberly (1979) Préalable Choix champion Identité Institutionnalisation

Quinn et

Cameron (1983) Entrepreneurial Collective

Focalisation

centrale Élément structuré

Mintzberg

(1983) Formation Développement Maturité Déclin

Dodge et

Robbins (1992) Formation Croissance précoce

Croissance

tardive Stabilité

Chandler, Hanks, Jasen et Watson (1993)

Démarrage Expansion Maturité Diversification

Jawahar et McLaughlin (2001)

Tableau 4

Perspectives des auteurs dans la définition des étapes de développement

Lyden (1975) S’intéresse aux défis et aux préoccupations des dirigeants

Kimberly (1979) S’intéresse à l’efficience

Quinn et Cameron (1983) S’intéresse aux critères de performance

Mintzberg (1983, 1989) S’intéresse au système de pouvoir et des configurations structurelles

Dodge et Robbins (1992) S’intéresse aux principaux problèmes aux niveaux interne et externe

Chandler, Hanks, Jansen et Watson (1993)

S’intéresse à la configuration distinctive de facteurs contextuels Jawahar et McLaughlin (2001) S’intéresse au point de vue des parties prenantes de l’entreprise

Tout comme dans les deux sections précédentes, chacune des contributions des différents auteurs de la troisième catégorie , qui regroupe celles qui proposent un cycle de vie composé de cinq étapes et plus , est brièvement présentée dans les pages qui suivent en spécifiant le point de vue adopté.