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CHAPITRE 4 PRÉSENTATION DES RÉSULTATS

4.2 Historique de l’entreprise l’Auto-Neige Bombardier Limitée

4.2.32 Le Ski-Doo

L’histoire aurait pu facilement s’arrêter là et monsieur Bombardier aurait pu alors investir tout son génie créatif dans la recherche de solutions aux problèmes d’autres entreprises; après tout, il avait solutionné le problème du père Dorge et de ses frères d’armes dans leur œuvre apostolique. Mais cela serait sans compter l’œuvre du malin. Tous ceux qui avaient essayé la nouvelle motoneige  dont monsieur Bombardier lui-même  avaient péché : tous avaient ressenti un grand plaisir à la conduire et très tôt le véhicule s’était mérité le titre coquin de « jouet pour adulte ». En effet, l’effet combiné de la vitesse  avec une vitesse maximale de vingt-quatre kilomètres à l’heure, elle était à cette époque bien davantage ressentie que réelle  et de la malléabilité  elle très réelle  du véhicule était à la fois séduisant et enivrant; elle réveillait l’enfant rebelle en chacun de ceux qui avait eu l’opportunité d’en être le pilote. Le véhicule sera donc offert sur le marché non seulement comme un véhicule utilitaire, mais également comme un véhicule récréatif, un loisir et un nouveau sport d’hiver. Comme le souligne Reich (1999 : 489) :

[...] la nouvelle motoneige de Bombardier non seulement satisfaisait aux besoins exprimés par les missionnaires, mais la piloter générait beaucoup de plaisir tout comme Bombardi er l’avait souhaité lors de sa conception. N’ayant jamais réellement oublié l’expérience du traîneau à hélice de sa jeunesse que son père lui avait ordonné de démonter Bombardier désirait maintenant introduire une nouvelle génération de Nord-Américains au plaisir d’éprouver l’ivresse de la vitesse sur neige.

Figure 4

Estimation de l’évolution des ventes des motoneiges de marque Ski-Doo

Avec ses souvenirs de jeunesse, l’ambition de fonder une dynastie industrielle refoulée par monsieur Bombardier en 1948 s’était elle aussi éveillée. Depuis un peu plus d’une décennie, l’entreprise s’était tournée vers une clientèle d’entreprise alors qu’elle s’apprêtait avec la motoneige à se tourner directement vers les consommateurs. Paradoxalement , pour un féru du déplacement sur neige à grande vitesse, monsieur Bombardier souhaitait maintenir une vitesse plutôt prudente et conservatrice de croissance de son entreprise. Comme le souligne Lacasse (1989 : 160) :

L’usine de Valcourt a vendu 13 000 motoneiges en 20 ans. Ell e aurait pu en vendre tout autant en une ou deux années. Si Armand avait été plus aventureux, plus assoiffé de profits, il aurait pu s’endetter pour accroître la production. En place et lieu, Armand

opta pour la prudence laissant au produit le temps de pas ser le test du marché et d’y apporter progressivement les améliorations requises par les consommateurs. Il a attendu d’avoir généré suffisamment de profits sur les ventes pour augmenter la capacité de production de l’usine […]. Armand ne voulait pas croîtr e au point de perdre le contrôle de son entreprise […]. Armand a délibérément ralenti la promotion du Ski-Doo pour éviter que la demande pour le produit assèche les ressources de la compagnie au détriment des autres activités. Il décida de conserver le contrôle de la compagnie plutôt que de succomber à la demande d’un marché euphorique.

En fait, certains croient que cette fois monsieur Bombardier n’était pas à la hauteur de ses ambitions. Comme le soulignent De Bresson et Lampel (1988 : 140) :

Après avoir conçu le modèle de référence du Ski-Doo, J. Bombardier et son fils Germain avaient l’opportunité d’en faire une production de masse destinée à tous les clients, utilisateurs et usag ers du marché final des consommateurs. Toutefois, il n’est pas du tou t évident que l’inventeur aurait été à même de mener d’une main ferme la compagnie dans cette direction, s’il avait survécu à la crise. Il n’aimait pas la publicité, les systèmes et les techniques institutionnalisées de marketing et de détermination des pr ix sélectifs; de plus, il aimait s’appuyer sur des mécaniciens qualifiés pour assurer l’amélioration continue du produit plutôt que sur des employés non qualifiés travaillant sur des chaînes de montage. Jusqu’en 1956, Bombardier ltée avait perdu progressiv ement, mais rapidement sa part dominante de marché de l’autoneige en Amérique du Nord. Entre 1959 et 1961 en dépit de la menace constante de perdre sa part de marché relative, J.A. Bombardier était encore très impliqué dans le développement de produits pou r l’industrie forestière dont notamment sa machine à ébrancher et couper les arbres en billots. Il investit la plus grande partie de son temps et de son génie créatif dans la mise au point de huit prototypes de cette nouvelle machine. De toute évidence ses priorités étaient encore déterminées par la technologie plutôt que par la demande du marché.

Figure 5

Estimation des ventes et des profits d’Auto-Neige Bombardier Limitée (1935-1965)

1963-1964

Toutefois Dieu était encore en ligne avec un autre appel , qui cette fois était beaucoup plus personnel : il désirait rapatrier l’âme de son fidèle serviteur à qui il avait confié le don du génie mécanique. Les voies de Dieu dit-on sont impénétrables. Sa première tentative fut à la fois un éch ec et une révélation. Monsieur Bombardier venait tout juste d’être impliqué dans un très sérieux accident automobile. Il s’en était miraculeusement tiré indemne, mais étant très secoué, il avait tout à coup été frappé  tout autant que l’arbre qu’il avait frappé de plein fouet lors de sa sortie de route  par une question

ontologique capitale : que deviendrait ma famille, mes employés, mon entreprise si je mourais?

La recherche de la réponse à cette question allait devenir un objet de hantise. Après plusieurs mois de consultations auprès des actionnaires et membres de sa famille et de mandats confiés à divers membres de son équipe, il était toujours sans réponse. Inquiété par les nombreuses histoires de déboires, de successions difficiles, déchirantes et affligeantes mettant en vedette plusieurs entreprises familiales canadiennes et par l’impossibilité d’en venir à une entente avec les autres membres de sa famille et actionnaire, il décide au printemps de 1963 d’acheter toutes les actions en circulation afin de s’assurer du pouvoir décisionnel absolu en matière de planification de succession et de l’avenir de son entreprise.