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CHAPITRE IV MODÈLE DE L’HARMONIE NATURELLE

4.9 Politique et hautes sphères dirigeantes

4.9.1 De la transgression

Du point de vue des jeunes hommes qui s’inscrivent dans le courant de l’harmonie naturelle, le constat de la faible présence des femmes dans le domaine politique s’explique par le fait que la nature ne les a pas pourvues de compétences associées aux affrontements virils :

Q : T’as parlé de compétences naturelles féminines, y a-t-il une compétence que tu pourrais nommer qui est naturellement masculine?

R : Le leadership. Je pense que c’est quelque chose qui est naturellement chez les hommes. […] Donc c’est peut-être pour ça qu’il y a moins de femmes en politique, parce que c’est un milieu qui est trop, bien qui est sauvage. Il faut que tu sois prêt à trahir, il faut que tu sois prêt à mentir et il faut que tu sois prêt à recevoir des claques. (Adam)

À l’instar d’Adam, Jérôme décrit « les qualités d’un grand dirigeant » en opposant qualités masculines et manquements féminins, puis tente de s’en détacher en précisant qu’il s’agit d’un stéréotype :

Ça prend peut-être une poigne plus ferme, je ne le sais pas. Je me dis que ça revient à ce qu’on disait tantôt, du fait que l’homme va moins laisser paraître ses émotions, et plutôt rationaliser. On veut quelqu’un j’imagine, à la tête d’une entreprise ou à la tête d’un pays, on veut quelqu’un qui a la tête froide, et qui n’agit pas sur le coup des émotions. On veut que chaque décision soit mûrie, bien réfléchie avec un consensus de personnes. Mais je ne le sais pas, ça pourrait très bien être une femme je pense qui fasse ce travail-là, mais on continue de le donner à des hommes peut-être parce que, c’est un gros stéréotype qui subsiste, je ne le sais pas. (Jérôme)

La position de Martin nous apparaît éloquente pour rendre compte de la variabilité des représentations. Contrairement à Jérôme qui parle de « décision mûrie, bien réfléchie » comme une approche masculine, Martin oppose l’impulsivité des hommes dans leurs actions en tant qu’attribut positif pour la sphère politique. Il admet ensuite qu’il ne possède pas ce trait de personnalité, ce qui l’amène à conclure qu’il possède une partie de féminin en lui :

Q : Donc il existerait une nature masculine…

R : Qui est plus « pouvoir », plus « Let’s go, on agit, même si ce n’est pas la bonne décision, on fait quelque chose, on fait plus que de tourner ça dans un million de sens ». Mais c’est dur pour moi de répondre à ça, parce que moi je ne suis pas comme ça tu sais, moi je suis plus côté femme là-dessus. Je réfléchis, je tourne ça dans un million de sens, j’ai de la misère à prendre des décisions… (Martin)

En somme, le monde politique n’est pas la place des femmes, car elles sont trop fragiles et trop émotives. Pourtant, il existe actuellement une proportion non négligeable de femmes au pouvoir. Comment sont-elles perçues? Selon quelques jeunes femmes, celles qui évoluent dans cet univers qualifié de guerrier sont cruelles ou sont devenues des hommes :

Il faut être fait fort pour aller en politique là, et tu sais c’est beaucoup, beaucoup de stress alors encore une fois, je pense que le comportement masculin est beaucoup mieux adapté à ce style de vie là où il faut toujours se battre et c’est vraiment de la bataille là, c’est la guerre là! […] C’est très vicieux comme domaine alors il y a moins de femmes en politique probablement à cause de ça. Et les femmes qui sont en politique sont... elles sont méchantes! Non, elles ne sont pas toutes méchantes, mais ce sont des... Elles ont plus de, j’ai l’impression que les femmes qui sont en politique ont besoin de se prouver, parce que un, elles sont dans un milieu d’hommes. Alors quand tu es une femme dans un milieu d’hommes, il faut que tu prouves que tu as ta place, alors des fois je pense que, je ne sais pas si c’est juste une façade, mais j’ai l’impression qu’elles sont encore plus rough que les hommes. (Isabelle).

Se situant dans la même perspective qu’Isabelle, Élizabeth affirme que les mesures encourageant les femmes à investir les milieux politiques sont nuisibles puisque contre nature. Elle renforce sa position en avançant que les femmes dominent déjà en termes de proportions aux postes de niveau cadre :

Je pense que si les femmes dirigeaient le monde, ça serait moins pire. L’affaire c’est que les femmes qui réussissent à se rendre au top, elles essaient d’être comme des gars! Alors là, on n’est pas mieux là, on est dans plein de problèmes! […] Mais là, vu que c’est toutes des femmes au pouvoir, est-ce qu’on pourrait juste dire « Ok, on va calmer ça un peu, et on va revenir un peu plus à des valeurs humaines », des coopératives, des choses comme ça. Sans avoir à être des sharks de la finance. Non, je pense que ce n’est pas dans notre nature d’être comme ça, alors pourquoi on le serait? (Élizabeth)

Pour sa part, Janick insiste sur les impacts dommageables de la perversion à laquelle s’adonnent ces femmes. Elle souligne que « tous » sont au courant du problème de surmenage causé par l’incapacité de concilier leurs responsabilités familiales et professionnelles :

J’observe que les femmes, pour aller en politique, il faut qu’elles montrent des attitudes masculines, plus d’agressivité je pense, plus... Il faut qu’elles rentrent dans la game, parce que sinon ça ne marchera pas. […] Je pense qu’il y a beaucoup de femmes qui essaient de vivre un peu comme des hommes, de rentrer dans la compétition et la performance. La performance peut-être plus que la compétition je dirais. Et c’est ça, c’est une recherche de performance de vouloir travailler, de vouloir faire de l’argent, être autonome et en même temps avoir des enfants, la vie de famille et tout. Je pense qu’elles recherchent beaucoup la performance. Qu’est-ce que ça a eu comme effet sur elles-mêmes? On le sait tous que les femmes sont surmenées là, les femmes qui ont des enfants, surtout les femmes cadres qui ont des enfants. (Janick)