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CHAPITRE IV MODÈLE DE L’HARMONIE NATURELLE

4.7 Éducation différenciée des enfants : « un peu, mais pas trop »

4.7.1 À l’école

Lorsqu’on incite les jeunes à réfléchir à l’instruction des filles et des garçons, ils et elles font d’abord référence au processus d’apprentissage inhérent au dimorphisme des cerveaux mâles et femelles. Ainsi, si le besoin de bouger et l’intelligence tridimensionnelle sont des attributs du cerveau masculin, l’intelligence émotionnelle et la capacité de concentration caractérisent le cerveau féminin. Bien qu’elle exerce la profession d’ingénieure mécanique, c’est la position de Cassiopée :

Les gars vont être plus axés sur la perception spatiale ou regarder un peu plus trois dimensions, les choses un peu plus abstraites à ce niveau-là. Les filles ont un côté plus humain, un peu plus, tu sais elles vont un peu plus discuter d’un sujet, faire le tour de la question, et aller chercher des idées autres, et aller chercher un peu plus de vision globale. […] Et je pense qu’elle est là, la différence : c’est qu’un gars et une fille

n’auront pas nécessairement la même façon de se repérer, au niveau de l’éducation. (Cassiopée)

Myriam précise que non seulement les besoins des garçons et des filles, en termes de méthodes d’apprentissage, découlent des différentes formes d’intelligence, mais leurs aptitudes également. Faisant écho aux propos de Cassiopée, elle sous-entend que les filles n’ont généralement pas les aptitudes pour étudier l’ingénierie : « Je pense qu’on a plusieurs sortes d’intelligences là, et je pense qu’on le voit que l’intelligence exemple émotionnelle est plus chez la femme et plus tridimensionnelle chez l’homme. Bien ça, je suis sûre que ça existe parce que, un peu encore là on le voit en génie: c’est juste des gars et peut-être par intérêt, mais peut-être aussi par leurs aptitudes, tu sais une fille qui est poche là-dedans ne voudra pas nécessairement s’en aller là ».

Ainsi, si les filles développent des aptitudes « masculines », c’est bien parce qu’elles les ont apprises, contrairement aux garçons : « Mais les filles performaient en général plus en chimie qu’en physique, à mon constat. Alors pour qu’il en ait autant que ça, je ne pense pas que c’est une question d’éducation, je pense que c’est plus inné qu’acquis. Oui, ça se travaille, mais je pense vraiment que c’est ça, une question dans le cerveau là » (Joanie).

Concomitant à la croyance de l’existence de cerveaux mâles et femelles, les jeunes soulignent que les institutions scolaires doivent s’adapter à ce fait de nature. Reprenant les débats sur le décrochage scolaire des garçons ayant cours dans les médias, ils relayent les critiques adressées au système : « On le voit avec le décrochage scolaire ce que ça donne aussi. Ce n’est pas pour rien qu’il y en a autant. On a donné accès à un moment donné, on voulait que les filles restent à l’école, on voyait qu’elles performaient, alors on a axé beaucoup sur le type d’apprentissage qui était facile pour une fille : apprendre du par cœur, et on a perdu du monde » (Cassiopée). Si Cassiopée dénonce qu’historiquement, les institutions auraient spécialisé les méthodes d’apprentissage en faveur des filles, Julien, lui, témoigne de sa facilité à cheminer dans l’actuel système. Le décrochage scolaire serait plutôt relié au fait que les garçons se font enseigner par des femmes. Il précise ensuite que le problème est sans issue, puisque les hommes sont naturellement moins portés vers les enfants :

Je pense que c’est lié directement au fait que c’est des femmes qui étudient en BEPP [baccalauréat en enseignement préscolaire et primaire] et qui deviennent enseignantes au primaire. C’est sûr qu’un petit gars a plus besoin de bouger. Là c’est un peu dur pour moi de te parler de ça, parce que moi j’étais un, quand j’étais au primaire j’étais plus élève modèle si tu veux, et moi je ne suis pas un gars qui bouge immensément. Je ne suis pas quelqu’un qui trippait sur les sports, je ne suis pas quelqu’un qui fallait

qu’il bouge aux 15 minutes. Alors pour moi le système scolaire marchait bien. Mais surtout au primaire je pense qu’il y a des grosses différences. […] Je pense que ça commence tôt le désintéressement. Je pense qu’il y aurait avantage à ce qu’il y ait plus de professeurs masculins, mais juste par le fait d’être un homme, on a moins le goût d’être professeur donc... (Julien)

Alors que la majorité émet l’hypothèse de l’école « trop » adaptée aux filles, une minorité croit que ce sont les filles qui sont mieux adaptées à l’école, institution qui demande une discipline et une certaine obéissance :

Parce que les filles, je pense vraiment, la façon qu’elles agissent en société, elles sont beaucoup plus aptes à aller à l’école que les gars, je veux dire c’est clair! Ce n’est pas pour être chien, mais les filles, souvent, elles sont bien meilleures que les gars à faire ce qu’on leur dit de faire. Parce qu’elles aiment bien répondre aux attentes des autres, tu sais être là pour les autres, tu sais c’est dans leur nature donc elles aiment bien répondre aux attentes des autres, parce que c’est comme ça tu sais. (Philippe)

Enfin, d’autres voix évoquent le retour à la non-mixité des classes comme solution au problème de décrochage scolaire des garçons. L’hypothèse sous-tendant la position de ces quelques répondants est que les garçons et les filles sont perturbés, voire excités par la présence de l’autre sexe :

En même temps, les écoles non mixtes, ça je ne sais pas trop, c’est sûr que les gars arrêteraient de, se concentreraient... je ne sais pas. Ça pourrait fonctionner. Moi je parlais tantôt de la compétition entre les gars. Ça aurait peut-être cet effet-là, ça pourrait être bénéfique. On revient à la règle! (rires) Non! Ce serait d’essayer de plus discipliner les gars, en faisant de l’activité physique, peut-être que oui, ils seraient plus attentifs, si tu coupes des filles de leur champ de vision, peut-être que ça peut aider... (Jérôme)

Contrairement à Jérôme, Isabelle est attachée au principe de la mixité des classes, elle s’oppose à la séparation des sexes, mais dans le but de prévenir une surdose d’excitation des gars et des filles lorsqu’ils intègrent le Cégep :

À vrai dire c’est que moi, je suis pour l’école mixte. Moi je suis contre le fait de séparer les gars et les filles, de mettre juste les filles à part, de mettre juste les garçons à part. C’est ça, de vivre juste dans un monde de filles et juste dans un monde de gars. Ça, ce n’est pas la réalité et après ça, moi le phénomène que j’ai vu là, des filles qui étaient allées à l’école juste des filles là, elles arrivent au Cégep elles voient un gars et elles ne savent pas c’est quoi là. Et vice-versa, les petits gars ils capotent quand ils voient une fille là alors... C’est totalement inacceptable! (Isabelle)