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Le Transfert de Microbiote Fécal 1 Définition et intérêts supposés.

IV. 1.3.1.2 Traitement de la diarrhée liée aux antibiotiques

IV.I. 6 D’autres utilisations ?

IV.2 Le Transfert de Microbiote Fécal 1 Définition et intérêts supposés.

Le Transfert de Microbiote Fécal (TMF), aussi connu sous le nom de Bactériothérapie Fécale (BF) ou encore Transplantation Fécale (TF), désigne l’infusion d’une suspension fécale d’un sujet sain vers le TD d’un autre individu. Il s’agit d’un traitement médical mis en place dans le cadre de maladies intestinales caractérisées par un déséquilibre durable du microbiote (Fumery, 2013).

Cette technique est aussi dénommée, en termes moins scientifiques, fécalothérapie ou greffe fécale. Elle consiste à introduire, dans le TD d’un patient receveur, une préparation constituée d’une dilution de selles d’un donneur sain, dans le but de corriger un état de dysbiose en réintroduisant une communauté stable et complète de MO intestinaux chez un sujet dont le microbiote a été altéré des suites d’une pathologie intestinale.

Cette approche thérapeutique peut paraître inconcevable aussi bien pour le patient que pour le professionnel de santé actuel. Elle est pourtant très ancienne : elle aurait en effet été décrite dès le 4ème siècle dans la médecine chinoise (Zhang, 2012). Sa première utilisation dans la médecine moderne n’a été publiée qu’en 1958 après avoir été pratiquée chez quatre individus atteints d’une pathologie digestive, la colite pseudomembraneuse, et provoqué chez eux une « surprenante » guérisonalors même que la responsabilité d’une bactérie pathogène n’avait pas encore été établie (Eiseman, 1958).

Le TMF a depuis fait l’objet de nombreuses études montrant son efficacité dans le traitement de pathologies intestinales et a notamment gagné en popularité grâce à son succès dans le traitement d’infections récidivantes à C. difficile.

Les intérêts supposés de cette technique sont multiples : le premier est d’être un traitement curatif pour le patient en restaurant chez lui, sur le long terme, un MI défini comme sain qualitativement et quantitativement. Le deuxième est d’apporter un soulagement symptomatique de la pathologie dont celui-ci souffre : Les probiotiques, prébiotiques en traitement d’appoint procurent un certain soulagement mais ne corrigent le déséquilibre du MI que de manière temporaire et ne sauraient être utilisés comme traitements curatifs. L’utilisation systématique d’ATB a quant à elle un impact négatif sur le MI et d’autres microbiotes et peut être à l’origine de résistances. L’apport de bactéries bénéfiques dans le TD permettrait à l’organisme receveur de sécréter des molécules « antibiotic- like » (Fumery, 2013) bénéfiques pour l’évolution de la maladie. Enfin, les bactéries implantées

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permettront de restaurer certaines fonctions du TD telles que l’étanchéité de l’épithélium, et de relancer le SI intestinal.

IV.2.2 Cadre légal en France et dans le monde

A l’heure actuelle, ni le MF (en tant que produit) ni le transfert de celui-ci (en tant qu’acte) n’ont de statut juridique commun en droit français, européen, ou nord-américain. En France, le TMF répond à la définition d’un médicament, en conformité avec l’article L. 5111-1 du Code de la Santé Publique (Bourlioux, 2014)

Saisie en 2013, l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) retient en mars 2014 la qualification de médicament dans un contexte européen d’approches dispersées (ANSM, 2014). En l’absence de spécialité pharmaceutique disponible et adaptée, l’agenceconsidère que le TMF peut être utilisé dans le cadre législatif et réglementaire des préparations magistrales et hospitalières et des médicaments expérimentaux destinés à un essai clinique (L. 5121-1 du CSP) (Batista, 2015). À ce titre et en tant que médicament, sa préparation doit être réalisée sous la responsabilité finale d’une Pharmacie à Usage Intérieur (PUI) d’un établissement de santé (Batista, 2015). Cependant, en droit français, la qualification de médicament n’a pas de prétention descriptive d’un point de vue scientifique. Elle possède une vocation juridique et se place en garante de la santé publique. Elle a pour but de protéger le patient en déclenchant l’application de règles impératives de sécurité sanitaire, qui déterminent compétences, actes, lieux, protocoles et procédures relatifs à l’expérimentation, la préparation ou production, l’importation et/ou distribution, la dispensation et la vente de ces produits. Sont également inclus leur contrôle, leur traçabilité (Megerlina et Fouassier, 2014) et la surveillance de patients receveurs dans le cadre de la pharmacovigilance.

À ce jour, l’Agence Européenne des Médicaments n’a pas pris position quant au statut juridique de la BF. Au sein des pays de l’Union Européenne, le cadre législatif varie. Dans quelques États membres (Royaume-Uni, Danemark et Pays-Bas), la législation associe la BF aux concepts de « transplantation » et « d’organe », se rapprochant ainsi de la définition de la greffe. Aux États-Unis, la Food and Drug Administration a en juillet 2013 opté pour la qualification de médicament tout en décidant de le soumettre partiellement au statut d’« Investigational New Drug » (FDA, 2016).

Certains auteurs considèrent le MF devrait être soumis à la réglementation des greffes, moins contraignante, en tant que tissu d’origine humaine. D’autres refusent cette qualification, attestant que le MF est d’origine humaine au sens topographique et non fonctionnel : le patient n’est que le « bioréacteur » et le support qui permet au matériel transplanté d’exercer tout son intérêt thérapeutique. Le mode d’action exact de ce tissu sur l’organisme receveur n’est par ailleurs pas connu avec exactitude.

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IV.2.3 Indication dans l’infection récurrente à Clostridium difficile

Le TMF est actuellement le traitement de dernier recours de l’infection sévère récidivante à

Clostridium difficile, après l’antibiothérapie. il prend cependant une place de plus en plus importante

dans l’arsenal thérapeutique, et ce besoin fait écho au petit nombre d’ATB utilisables dans cette indication et aux risques liés à leur utilisation systématique (Megerlina et Fouassier, 2014)

A l’heure actuelle, les recommandations européennes placent d’ailleurs le TMF à un niveau de recommandation théorique plus élevé et un niveau de preuve plus grand que les traitements ATB utilisés jusqu’à ce jour. Ceci vaut pour plusieurs situations (Batista, 2015) :

- Dans les récidives multiples d’infection à partir de la 2ème récidive (la récidive correspond à l’apparition d’un épisode infectieux suivant l’épisode précédent à moins de 8 semaines d’écart)

- A partir du 3ème épisode infectieux.

Ces situations incluent le plus souvent des malades ayant reçu au moins deux séquences de traitement antibiotique, avec du métronidazole en première intention, puis en deuxième intention de la vancomycine ou fidaxomycine per os.

Le TMF est un traitement curatif, c’est-à-dire qu’il n’a pour objectif non seulement de soulager les symptômes de la maladie mais d’en assurer la guérison. Il agit directement sur le MI qu’il rééquilibre de façon immédiate et durable. Il diminue le nombre de bactéries pathogènes d’un écosystème dominé par des bactéries potentiellement nocives et permet la transition vers un profil microbien sain (Batista, 2015).