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Comment le microbiote intestinal de l’Homme se met-il en place ? 1 La colonisation du tube digestif commence dès la naissance

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I. Le microbiote intestinal : généralités, caractérisation, mise en place

I.7 Comment le microbiote intestinal de l’Homme se met-il en place ? 1 La colonisation du tube digestif commence dès la naissance

A la naissance, le TD du nouveau-né est dépourvu de bactéries. Bien que l’état stérile du milieu utérin et – par conséquent – du fœtus à naître soit aujourd’hui remis en question (Funkhouser, 2013),on peut affirmer que la compartimentation du fœtus par les membranes durant la grossesse et la présence d’un placenta filtrant le sang permettent à l’enfant à naître de se développer dans des conditions particulièrement aseptiques. Cependant, dès sa venue au monde, le nouveau-né se retrouve plongé dans un environnement bactérien riche et la colonisation de son TD débute avec les bactéries de l’environnement direct (air et surfaces) et par le biais du contact avec la mère. En particulier, le contact étroit avec la mère lors de l’accouchement par voie basse et dans les instants suivant la délivrance permettra un début de colonisation bactérienne (flores vaginale, fécale et cutanée). Les bactéries du microbiote cutané maternel pourraient donc transitoirement faire partie du MI dominant du nourrisson, comme c’est le cas de Staphylococcus aureus qui présente un taux de transmission mère-enfant très élevé à 2 semaines : 96% des enfants dont les mères sont porteuses de S. aureus ont cette bactérie dans leurs selles, et les souches sont identiques dans 91% des cas (Lindberg, 2004).

Le TD du nouveau-né, en l’absence des mécanismes immunitaires sophistiqués de l’adulte, représente un environnement particulièrement permissif où les niveaux de colonisation augmentent très vite. Ainsi, durant la petite enfance, le MI s’enrichit progressivement. La séquence d'établissement de la flore digestive reste un phénomène complexe et partiellement élucidé, mais on sait que l’implantation bactérienne suit un schéma relativement organisé, spécifique de l’espèce mais propre à l’individu, sous la dépendance de divers facteurs. Nous allons détailler dans la partie suivante les étapes de la colonisation retrouvées de manière systématique chez tous les individus.

I.7.1.1 L’implantation bactérienne des premiers jours de vie

A la naissance, le TD est un milieu riche en dioxygène. Les premiers MO doivent être capables de s’implanter et de survivre dans ce milieu. Les bactéries qui se développent en présence d’oxygène sont qualifiées d’aérobies. On distingue toutefois les bactéries aérobies strictes, pour lesquelles l’oxygène est indispensable à la vie, et les bactéries aéro-anaérobies facultatives, qui vivent et se développent avec ou sans oxygène.

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Durant les premiers jours de vie, les bactéries à s’implanter de façon majoritaire sont des bactéries de la famille des Entérobactéries (phylum des Protéobactéries) dont fait partie l’espèce E.coli. Les Entérobactéries, très ubiquitaires, ont pour caractéristiques d’être des bacilles Gram négatifs de type aéro-anaérobies facultatives. Le genre Escherichia colonise 100% des nouveaux-nés a une abondance relative très élevée au sein du MI infantile : environ 60% à deux jours de vie. (Grosdemange, 2014) On retrouve également des Firmicutes représentés par les genres Streptococcus et Staphylococcus (Palmer, 2017). Les bactéries aéro-anaérobies facultatives consomment dans un premier temps l’oxygène du milieu intestinal du nouveau-né faisant rapidement diminuer son taux, ce qui a pour conséquence de créer de nouvelles niches écologiques où des bactéries anaérobies strictes, telles que Lactobacillus spp. (phylum Firmicutes) et Bifidobacteria spp. (phylum Actinobacteria) commencent à s’implanter après plusieurs jours.

Des observations semblent montrer que les premières bactéries anaérobies rencontrées lors d’une naissance par voie basse sont celles qui plus tard dominent le MI adulte. Elles ne deviendront cependant dominantes que lorsque les conditions seront favorables pour elles, c’est-à-dire lorsque les bactéries aéro-anaérobies auront consommé la totalité de l’oxygène (https://www.snfge.org). Certaines questions demeurent au sujet du processus de développement du MI après la naissance. Par exemple, le concept de « fenêtre de permissivité » transitoire, permettant potentiellement à un quelconque microorganisme rencontré de devenir un constituant dominant est supposé mais non évalué. La durée d’une telle fenêtre de permissivité, si elle existe, est inconnue (Doré, 2010).

I.7.2 Implantation bactérienne durant les premiers mois de vie (0 – 6 mois)

L’évolution du MI durant les premiers mois de vie est séquentielle. L’établissement et la diversification du MI s’effectuent par paliers avec une alternance de phases relativement stables et de phases caractérisées par de brutales modifications.

Le MI s’enrichit d’abord préférentiellement de souches bactériennes présentes sur la muqueuse vaginale et oro-pharyngée de la mère, ainsi que sur son microbiote cutané, à la faveur des baisers et contacts répétés mère-enfant. Cependant, les bactéries anaérobies, qu’elles soient strictes (Lactobacillaceae, Bifidobacteriaceae, Clostridiaceae) ou aéro-tolérantes (Streprococcaceae, Enterobacteriaceae) deviennent majoritaires dès les premiers jours de vie. Elles continuent ensuite d’augmenter en nombre (figure 16). Les populations anaérobies strictes augmentent plus rapidement que les aéro-tolérantes, jusqu’à les surpasser en nombre, généralement à quelques semaines de vie.

Le milieu familial et l’environnement du nourrisson régissent la mise en place et l’évolution du microbiote. Deux variables importantes peuvent être :

- L’alimentation. Le nourrisson durant ses premiers mois de vie se nourrit exclusivement de lait. Ses bactéries intestinales sont mises en contact quotidiennenement avec un lait aux

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propriétés particulières. Nous verrons par la suite que l’allaitement, en comparaison avec l’utilisation de lait industriel, a des conséquences différentes sur le MI infantile.

- Les contacts avec le milieu extérieur durant la petite enfance. Les caractéristiques de l’environnement infantile sont déterminantes pour la mise en place du MI. Nous savons par exemple qu’un enfant évoluant en milieu urbain n’a pas le même microbiote qu’un enfant qui grandit à la campagne. La taille de la famille et le niveau d’asepsie du foyer semblent également avoir de l’importance.

Le lieu de naissance et la situation géographique de l’enfant peuvent jouer un rôle sur le développement du microbiote précoce. Une étude qui s’est intéressée au microbiote d’enfants Européens issus de cinq pays a montré des différences de composition bactérienne entre les pays, avec en particulier un gradient nord-sud. Ainsi, dans les pays du Nord (Suède, Écosse) Bifidobacterium spp. est le genre dominant, tandis que Bacteroides spp. devient plus prépondérant à mesure que l’on se dirige vers le sud. Il semblerait également y avoir une différence dans la dynamique de mise en place du MI selon les pays : le micobiote d’enfants du Sud de l’Europe (Espagne, Italie du Sud) se caractérise par une diversification plus précoce du MI au sein duquel Bacteroides se développe préférentiellement (Fallani, 2010).

Figure 15 : Microbiote fécal de nourrissons européens âgés de 6 semaines (Fallani, 2010) A 6 semaines de vie, le microbiote du nourrisson n’est pas encore identique à celui de l’adulte. Les bactéries les plus représentées sont des Bifidobactéries, parmi lesquelles Bifidobacterium sp. Les Bacteroides et les Entérobactéries sont des colonisateurs précoces, ce qui explique leur proportion assez importante (respectivement 11,1% et 6,1% des bactéries totales). Les groupes dominants chez l’adulte (Clostridium coccoides et Clostridium leptum) ne sont pas encore majoritaires.

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I.7.2.1 Le lait influence la diversification bactérienne

L’alimentation du nourrisson accompagne l’évolution du MI. Le lait, qu’il soit naturel ou industriel joue un grand rôle dans la maturation du MI. En particulier, la période d’allaitement est une période de diversification au cours de laquelle le MI du nourrisson acquiert de nouvelles espèces et voit s’accroître en nombre celles déjà implantées. Au-delà des macronutriments qu’il renferme (glucides, lipides, protéines et eau) qui sont essentiels à la croissance de l’enfant, le lait contient bon nombre de composés utilisables par les bactéries du TD ce qui permet à certaines d’entre elles de se développer préférentiellement.

Dans les années 90, une étude s’est penchée sur le MI porcin (comparable en termes de composition au MIH) et a conclu que chez les jeunes porcs, la diversité microbienne augmente pendant la période de lactation. Celle-ci intéresse en particulier les genres Lactobacillus et Streptococcus. Les espèces des genres Clostridium, Bacteroides, Bifidobacterium, Eubacterium, Fusobacterium et Propionibacterium s’implantent également pendant la période de lactation, mais de façon moins importante (Swords, 1993).

Une étude publiée en 2012 a évalué les effets du lactose, composé glucidique du lait, sur l’évolution de la colonisation du MI. Cette étude a comparé le microbiote d’enfants nourris avec un formule infantile sans lactose pendant deux mois, puis ayant reçu les deux mois suivants, la même formule supplémentée en lactose. La comparaison des MI à des temps différents a permis de déterminer que l’addition de lactose est en mesure d’augmenter le taux de Lactobacilles et de Bifidobactéries et en diminuant, comparativement, la proportion des genres Bacteroides, Prevotella et Clostridium (Francavilla, 2012).