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Modulation de la flore et transfert de microbiote : quels espoirs pour la thérapeutique ?

IV.1 L’apport de bactéries intestinales

Dans le but d’améliorer le confort intestinal ou de traiter des situations pathologiques liées à une dysbiose, les approches thérapeutiques actuelles cherchent davantage à corriger l’écosystème intestinal défaillant. La modulation du MI se fait en apportant à l’organisme des bactéries exogènes (probiotiques) par l’alimentation et peut avoir pour but d’augmenter, temporairement, le nombre de bactéries intestinales ou de promouvoir une ou plusieurs fonctions spécifiques de certaines souches bénéfiques.

Les produits laitiers fermentés sont un exemple de produits qui renferment des probiotiques. Le marché de ces aliments aux multiples allégations santé connaît un essor considérable, et ceux-ci sont de mieux en mieux connus du grand public. Qu’ils contiennent des bactéries aidant à la digestion (probiotiques) ou qu’ils n’apportent que des composants stimulant les bactéries naturellement présentes (prébiotiques), les produits lactofermentés ont la réputation de participer au confort intestinal en favorisant le bon fonctionnement de la flore intestinale. Il contribuent à renforcer le lien entre alimentation et santé, connu depuis longtemps et mis à profit aujourd’hui.

IV.1.1 Probiotiques, prébiotiques : définitions

Probiotiques :

Selon la définition de L’Organisation Mondiale de la Santé, les probiotiques sont « des MO vivants qui, lorsqu'ils sont ingérés en quantité suffisante, exercent des effets positifs sur la santé, au-delà des effets nutritionnels traditionnels ».

Les probiotiques se trouvent à l’état naturel dans certains aliments, par exemple dans les produits laitiers (yaourt, lait fermenté) ou à la surface de certains fruits. Ils peuvent aussi être rajoutés à des fins alimentaires, c’est le cas des formules destinées à l’alimentation infantile. De nombreuses spécialités pharmaceutiques contiennent des probiotiques sous des formes galéniques diverses : comprimés, gélules, sachets, qui ont toutes en commun de contenir des bactéries à l’état lyophilisé. Les MO les plus utilisés dans le domaine de la santé chez l’Homme sont les Bifidobactéries, les bactéries lactiques (Lactobacillus spp., Streptococcus spp.) ainsi que les levures du genre Saccharomyces (S. boulardii, S. cerevisiae).

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Selon l’OMS, les prébiotiques sont des « fibres alimentaires non digestibles, capables de stimuler de manière sélective, lorsqu’elles parviennent au niveau du côlon, la croissance de bactéries bénéfiques du microbiote de l’hôte ».

Elie Metchnikoff, prix Nobel de physiologie et de médecine, entrevoyait déjà au début du siècle dernier la possibilité de sélectionner de bactéries bénéfiques par le biais de l’alimentation. Celui-ci suggérait que « la dépendance des microbes intestinaux vis-à-vis des aliments rendait possible l’adoption de mesures pour modifier la flore dans nos corps et remplacer les microbes dangereux par des microbes utiles ». Ces glucides complexes ne constituent pas une source d’énergie pour l’hôte mais ont un effet bénéfique sur le MI en servant de substrats indispensables à certaines bactéries. Quelques prébiotiques couramment utilisés sont l’oligofructose, l’inuline, les galacto- oligosaccharides, le lactulose et les OLM. L’alimentation est la seule source naturelle de probiotiques et certains aliments en sont riches : c’est le cas de l’artichaut et de l’endive qui renferment de l’inuline. Il existe également des produits vendus en pharmacie qui contiennent des prébiotiques et sont destinés à la santé.

Lorsqu’ils sont utilisés avec les probiotiques, les prébiotiques ont la propriété d’améliorer la survie et l’efficacité de ces derniers en leur servant de substrat. L’association de prébiotiques et de probiotiques est appelée symbiotique.

IV.1.2 Propriétés d’un médicament probiotique

IV.1.2.1 Réglementation et allégations

Il n’existe actuellement pas de définition légale des probiotiques, en dépit de consensus scientifiques. La classification au sein des probiotiques requiert néanmoins plusieurs critères. Le probiotique, pour répondre à cette classification, doit (http://worldgastroenterology.org):

- Comporter des bactéries vivantes.

- Spécifier le genre et la souche des bactéries utilisées. - Etre conditionné à un dosage approprié.

- Permettre la viabilité des souches jusqu’à leur site d’action.

- Avoir démontré son efficacité dans des études cliniques sur l’Homme. - Être considéré sans danger pour l’usage qui en est prévu.

D’utilisation courante, les prébiotiques et probiotiques sont fréquemment associés au traitement et à la prévention de certaines affections, particulièrement au niveau gastro-intestinal. Cependant, la majeure partie des spécialités disponibles sur le marché ne sont pas considérés comme des médicaments. Ces derniers ne sont pas, par définition, autorisés à émettre des allégations thérapeutiques et ne peuvent prétendre traiter – à eux seuls – une pathologie. Ils auront plutôt des allégations fonctionnelles décrivant des bienfaits pour la santé, et s’intégreront dans le groupe des compléments alimentaires, dont L’ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l'Alimentation, de l'Environnement et du Travail) donne la définition suivante : « Les compléments alimentaires sont

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des denrées alimentaires dont le but est de compléter le régime alimentaire normal et qui constituent une source concentrée de nutriments ou d'autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique seuls ou combinés… »

Les preuves cliniques actuelles en faveur des probiotiques concernent leur utilisation pour améliorer la « santé intestinale » (gut health), rééquilibrer le microbiote et stimuler la fonction immunitaire. Celles-ci font écho aux principales allégations santé retrouvées sur le marché.

IV.1.2.2 Propriétés d’un médicament probiotique

La viabilité des probiotiques est une condition essentielle : pour que le probiotique exerce son activité bénéfique, ses souches doivent atteindre leur site d’action vivantes et s’y retrouver en quantité suffisante (Frayssinhes, 2017).

Les probiotiques peuvent ainsi être considérés comme un moyen de véhiculer les principes actifs qu’ils contiennent jusqu’au TD. La présence de MO capables de survivre en nombre suffisant doit être garantie jusqu’à la date de péremption du produit. La survie des bactéries à leur passage dans le TD diffère selon la souche utilisée mais dépend également de facteurs physiologiques comme l’acidité gastrique ou la présence de sels biliaires. C’est pourquoi dans quelques spécialités, les bactéries sont protégées de l’acidité gastrique par un procédé de micro-encapsulation. La sélection du véhicule doit être faite de manière minutieuse au regard de la viabilité de(s) souche(s).

Le dosage efficace va cependant varier en fonction de la souche utilisée et la formulation du produit.

Dans la majeure partie des probiotiques, une dose contient une ou plusieurs souches dont le nombre de varie de 109 à 1010 UFC. Mais certaines ont prouvé leur efficacité à des doses plus basses, alors que d’autres en nécessitent des plus élevées. (http://worldgastroenterology.org). On estime que des concentrations de probiotiques supérieures ou égales à 106 UFC/mL dans l’intestin grêle et à 108 UFC/mL dans le côlon sont suffisantes pour produire un « effet sur la santé » (Baelde, 2005) mais il est à l’heure actuelle impossible de définir un dosage optimal pour tous les probiotiques.

IV.1.2.3 Souches, espèces et genres utilisés

La classification d’un probiotique répond à des critères précis et se base sur la classification phylogénétique des bactéries. Définir un probiotique revient à donner le genre, l’espèce et la souche des bactéries qu’il contient.

L’évocation de la souche est importante car c’est cette dernière qui déterminera l’effet escompté du probiotique sur le corps. Les effets bénéfiques attribués aux souches testées ne peuvent être étendus au genre ou à l’espèce. Il n’existe pas de réglementation concernant les marques et noms commerciaux, et les industriels peuvent nommer les souches qu’ils utilisent comme ils le souhaitent : Ainsi, « LGG » désigne Lactobacillus rhamnosus de souche GG.

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Figure 52 : Nomenclature utilisée pour les micro-organismes (http://worldgastroenterology.org) Parmi les Lactobacilles, on retrouve par exemple Lactobacillus casei DN-114 001, où acidophilus est le nom d’espèce et LA 401 le nom de la souche.

IV.1.2.4 Mode d’action et efficacité supposée

Les probiotiques exercent leur action bénéfique sur le TD par deux mécanismes : d’une part en apportant des bactéries bénéfiques pour la flore commensale qui par ailleurs entrent en compétition avec des pathogènes potentiels, et d’autre part en stimulant le SI inné par modification de l’environnement cytokinique, production d’IgA et renforcement de la barrière épithéliale.

Les prébiotiques quant à eux augmentent le nombre de bactéries anaérobies bénéfiques en servant de substrat à la microflore commensale. La fermentation de l’oligofructose dans le côlon a par exemple été associée à une augmentation du nombre de Bifidobactéries, et ses effets osmotiques permettent une augmentation du poids fécal, et une régularisation du temps de transit gastro- intestinal (http://worldgastroenterology.org).

IV.1.3 Utilisation des probiotiques à l’officine

IV.1.3.1 Traitement de la diarrhée : l’utilisation des probiotiques à l’officine

La diarrhée est la pathologie la plus universellement reconnue comme pouvant être traitée par des probiotiques. La double action des probiotiques constitue un traitement symptomatique de diarrhées d’étiologies diverses et permet la réduction de l’incidence, de la durée et de la sévérité de celles-ci (http://worldgastroenterology.org).