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II – Les grandes fonctions du microbiote et son influence sur le système immunitaire

II. 3.5.2.2 Les polyamines

Les polyamines sont des molécules de nature polycationique retrouvées dans de très nombreux types cellulaires et participant à de nombreuses fonctions telles que la transcription de gènes, la croissance cellulaire et l’apoptose. Les cellules eucaryotes et les bactéries sont capables de synthétiser des polyamines et d’en faire varier les concentrations cellulaires en faisant intervenir des enzymes et des mécanismes d’efflux. Les bactéries utilisent des enzymes constitutives ou inductibles de type décarboxylase pour produire des polyamines (Di Martino, 2013). Certaines bactéries pathogènes sont sous la dépendance de polyamines pour leur survie dans l’organisme hôte et le maintien de leurs facteurs de virulence (citons Helicobacter pylori, Salmonella enterica, Staphylococcus aureus, Staphylococcus aureus, Vibrio cholerae, ou le genre Shigella) (Di Martino, 2013).

Les polyamines sont retrouvées en grandes quantités au niveau TD et proviennent à la fois de l’alimentation (dérivés) ou d’une production de novo par les cellules de l’hôte et les cellules du MIH. Leur rôle sur le milieu digestif est multiple (Chen, 2007) :

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- Elles favorisent l’adhésion des cellules épithéliales intestinales entre elles. Des modèles cellulaires in vitro ont montré que les polyamines stimulaient la production de protéines spécifiques des jonctions cellulaires, telles que les cadhérines et les occludines.

Les polyamines seraient aussi utiles au développement de l’immunité mucosale chez le jeune individu. Des études réalisées chez l’animal montrent que l’apport de polyamines à de très jeunes rats favorise la production de mucus et d’IgA au niveau de l’intestin grêle (Buts, 1993). De jeunes rats nourris au lait enrichi en polyamines affichent une maturation plus rapide de cellules immunitaires telles que les LTCD8+ intraépithéliaux et les LTCD4+ de la lamina propria. Au niveau systémique, dans la rate, siège de la maturation des LB, on observe en présence de polyamines une maturation plus rapide de LB (Perez-Cano, 2010). En revanche, un régime pauvre en substrats de polyamines mènerait à une hypoplasie de la muqueuse intestinale chez ces mêmes animaux (Löser, 1999).

Comme évoqué précédemment, les niveaux cellulaires de polyamines sont finement contrôlés par l’activité de certaines enzymes. L’une d’elles est l’arginase qui est stimulée par l’administration d’arginine, un acide aminé. L’administration chez la souris d’une combinaison d’arginine et d’une souche bactérienne, Bifidobacterium animalis, sous-espèce lactis LKM512 entraîne une augmentation de niveaux de polyamines intestinaux qui est corrélée à une diminution de la concentration de composés pro-inflammatoires : TNFα et IL-6 (Kibe, 2014). Le probiotique Bifidobacterium animalis a par ailleurs amélioré la résistance au stress oxydatif et augmenté la longévité d’un groupe de souris supplémentées durant une période de 11 mois. Ces améliorations ont été attribuées à la suppression d’une inflammation colique chronique de bas-grade, elle-même liée à de hauts niveaux de polyamines (Matsumoto, 2011).

D’autres études ont en outre fait le lien entre l’âge et la dérégulation du métabolisme des polyamines. Chez l’animal âgé, des altérations du métabolisme pourraient être à l’origine d’un terrain inflammatoire de bas-grade lié à la diminution de certains composés protecteurs. En 2011, une étude a démontré que les niveaux de polyamines sont plus bas chez les sujets âgés (Minois, 2011).

Grâce à ces observations, on peut émettre l’hypothèse selon laquelle la modulation du MI par l’alimentation ou l’apport extérieur de souches bactériennes peut influencer positivement le statut inflammatoire de l’hôte dans le cas de maladies inflammatoires chroniques par exemple.

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Figure 36 : Synthèse des multiples rôles du microbiote sur le milieu intestinal et l’organisme de l’hôte (Amon et Sanderson, 2017)

II.4 Le microbiote permet la tolérance « au soi » et la reconnaissance du « non soi »

Le commensalisme est un processus dynamique qui résulte d’une adaptation réciproque continue entre un hôte et son commensal. Ce processus passe par des mécanismes complexes de reconnaissance dont la finalité est la coexistence pacifique des deux parties. Au niveau du TD, les cellules de l’hôte sont en contact permanent avec des bactéries. D’un point de vue immunologique, l’organisme doit assurer en permanence la préservation de ces bactéries commensales tout en faisant la part entre bactéries inoffensives et bactéries pathogènes. Le nombre extrêmement grand de bactéries présentes en permanence dans le TD requiert des moyens sophistiqués de détection et d’action que seul un SI finement régulé est en mesure d’accomplir.

L’immunité intestinale assure cet équilibre par trois actions : la première est d’éliminer les MO pathogènes potentiels ou réels, la deuxième est de tolérer les bactéries exogènes auxquelles nous expose l’environnement, et la troisième est de contenir les constituants normaux de la flore afin qu’ils ne deviennent pas pathogènes.

II.4.1 Les IgA : généralités

Dans le cadre de ce travail, nous nous intéresserons aux IgA sécrétoires digestifs. Les IgA produits par le GALT sont une pièce maîtresse du contrôle des populations bactériennes au niveau de la muqueuse

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digestive. Leur caractère extrêmement polymorphe ainsi que leur adaptabilité permet la détection d’antigènes multiples et leur confère le rôle de messagers de l’immunité.

II.4.1.1 Structure et fonction des IgA

Les immunoglobulines A (IgA) sont une classe d’anticorps retrouvés dans l’organisme. Il s’agit de l’un des 5 isotypes d’anticorps avec les Immunoglobulines G, E, M, et D. Ce sont des composants acellulaires, protéiques, produits par certaines cellules de l’immunité. Ils constituent un maillon essentiel de l’immunité mucosale et ont une action protectrice sur les tissus environnants. Leur production est la conséquence d’une réponse immunitaire dite « humorale ».

Les IgA peuvent aussi être distinguées selon le compartiment dans lequel on les retrouve. On a : - Les IgA sécrétoires, retrouvées au niveau des muqueuses où elles constituent l’isotype le plus

abondant.

- Les IgA sériques, retrouvées dans le courant sanguin. Les IgA sériques sont le deuxième isotype le plus abondant après les IgG.

Structurellement, l’IgA est une protéine de masse moléculaire d’environ 170 kDa, composée de plusieurs chaînes polypeptidiques (deux chaînes légères nommées chaînes L pour « light chain » et deux chaînes lourdes nommées chaînes H pour « heavy ». Les chaînes L et H sont liées entre elles par des liaisons hydrogène, et L’IgA a grossièrement une forme en « Y » dont les deux extrémités supérieures portent le fragment Fab, qui est l’association entre une chaîne légère et une portion de chaîne lourde. Le fragment Fab porte les sites à l’origine de la reconnaissance de déterminants antigéniques et de la liaison à ceux-ci. Ces zones de reconnaissance sont qualifiées de variables car leur séquence en acide aminés détermine quel épitope l’IgA est capable de reconnaître. La haute variabilité des régions Fab permet une grande diversité de paratopes et est garante de la protection des muqueuses.

Les IgA ont la particularité de pouvoir se multimériser, c’est-à-dire de se lier, par liaison covalente, à une autre immunoglobuline du même type. Ainsi, les IgA sécrétoires sont toujours synthétisées sous forme de dimères au niveau des muqueuses intestinales alors que les IgA sériques sont toujours monomériques. La dimérisation est rendue possible par une structure, la chaîne J, qui est un peptide de 137 acides aminés produit par les plasmocytes servant à faire le lien entre deux Ig d’un même isotype (Fadlallah, 2016).

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Figure 37 : Structure schématique d’un dimère d’IgA sécrétoire (https://microbenotes.com)

II.4.1.2 Lieux de sécrétion des IgA

Les principaux lieux de sécrétion des IgA incluent le MALT au niveau systémique et le GALT au niveau digestif. Les muqueuses sont des zones privilégiées d’induction des IgA sécrétoires en ce sens qu’elles constituent l’interface entre l’organisme et le milieu extérieur et une zone de contact permanent entre antigènes et effecteurs de l’immunité. Au niveau du GALT, trois entités fonctionnelles assurent les réponses humorales : les plaques de Peyer, les MLN (dans les couches externes de la muqueuse) et les ganglions lymphoïdes isolés dispersés dans la lamina propria. Ces structures contiennent un grand nombre de plasmocytes sécréteurs d’IgA. Les plasmocytes et les LB sont présents de manière plus diffuse, au niveau de la lamina propria (Fadlallah, 2016).

Certains constituants stimulent la production d’anticorps par les LB de la muqueuse. C’est le cas des facteurs solubles fabriqués par certaines cellules immunitaires à l’état basal ou après stimulation. Les facteurs solubles sont souvent des cytokines produites à l’état basal par des CD résidentes du GALT, ce qui crée un micro-milieu favorable à l'induction des réponses humorales IgA.(Fadlallah, 2016). Il s’agit entre autres du TGFβ (Tissue Growth Factor β) (Shi, 1998) et de l'IL-21 (Borte, 2009) qui favorisent en outre la commutation isotypique des Ig vers l’isotype A au niveau des centres germinatifs. Le rôle de ces facteurs a été mis en évidence chez la souris pour lesquelles on a provoqué une déficience en IgA par des modèles génétiques inactivés « knock-out ». Un autre facteur est l’IL- 10 pour lequel on a observé une restauration de la sécrétion d’IgA en mettant en contact des LB humains de patients déficitaires (Briere, 1994).

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Une fois produits, les dimères IgA sont sécrétés vers la lumière intestinale qui est leur principal lieu d’action. Le franchissement des entérocytes de l’épithélium par les IgA fonctionnelles répond au phénomène général de transcytose. La sécrétion de la lamina propria vers la lumière intestinale se fait en plusieurs étapes schématisées sur la figure 38.

Figure 38 : Étapes de la sécrétion des IgA de la lamina propria vers la lumière intestinale (Fadlallah, 2016).

(1) Les IgA produites par les plasmocytes à IgA des centres germinatifs ou de la lamina propria sont libérées sous forme de dimère relié par la chaîne J. (2) Le dimère se dirige vers le pôle basal de l’entérocyte et se lie à un récepteur aux Ig membranaire (pIgR) par l’intermédiaire de sa chaîne J. (3) Le dimère est endocyté par l’entérocyte et le complexe migre vers le pôle apical. (4) Le complexe est sécrété du côté apical de l’entérocyte par exocytose et se retrouve dans le lumen.

II.4.1.3 Mode d’action des IgA au niveau intestinal