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I. Le microbiote intestinal : généralités, caractérisation, mise en place

I.6 Répartition du MIH dans le tube digestif

Le MI se localise principalement dans l’intestin grêle et le côlon. Dans les parties hautes du TD, l’acidité gastrique et la présence d’enzymes digestives rendent plus difficile la colonisation bactérienne. Il n’est pas aisé d’obtenir des chiffres précis quant à la densité de peuplement du TD car les données disponibles divergent. On observe néanmoins, et de façon systématique, un gradient de biomasse avec une teneur croissante en bactéries et une plus grande diversité d’espèces à mesure que l’on progresse dans le tractus intestinal. La densité de peuplement s’exprime en nombre de bactéries par gramme de contenu intestinal et varie selon la localisation :

- Dans l’estomac, elle est globalement faible et varie de 102 à 103 bactéries/g.

- Dans le duodénum, elle varie de 103 à 104 bactéries/g (de 102 à 104 selon les sources) - Dans le jéjunum, elle varie de 105 à 107 bactéries/g.

- Dans l’iléon, elle varie de 107 à 108 bactéries/g (de 107 à 109 selon les sources)

- Dans le côlon, la teneur en bactéries est maximale. La biomasse varie de 1011 à 1012 bactéries par gramme de contenu (1010 à 1012 selon les sources).

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Figure 12 : Répartition schématique de la densité de colonisation bactérienne le long du Tube Digestif (Bourlioux, 2013)

Les fecès sont extrêment riches en bactéries : de 1011 à 1012 bactéries par gramme (figure 13) ce qui représente de 20 à 50 % de leur masse selon les sources. Elles comptent un ensemble hétérogène de MO (bactéries mortes ou vivantes, champignons microscopiques), tous issus des flores résidente et de passage. Les matières fécales contiennent en outre environ 75% d’eau et des résidus d’aliments non digérés comme la cellulose. Le MF a une composition proche du Microbiote Colique (Mc), c’est pourquoi est souvent considéré comme un reflet approximatif de ce dernier. Les fèces sont constituées très majoritairement de bactéries anaérobies strictes parmi lesquelles Bacteroidetes est le phylum dominant. Les genres Clostridium, Eubacterium et Bifidobacterium y sont retrouvés de façon significative (figure 13)

Plusieurs facteurs, en grande partie endogènes (liés aux caractéristiques mêmes du milieu intestinal) expliquent les différences de colonisation. On cite par exemple le pH, la température, la teneur en oxygène, la teneur en acides biliaires et enzymes digestives, la présence de nutriments et le mucus. Globalement, un pH acide, la présence d’enzymes digestives et une faible production de mucus ne sont pas des facteurs favorisants pour la colonisation bactérienne. Un autre facteur responsable du gradient de biomasse est le péristaltisme intestinal, lié aux contractions des fibres musculaires lisses qui composent la paroi intestinale. Lorsqu’il est soutenu, le péristaltisme empêche la colonisation pérenne des muqueuses en propulsant le contenu du TD et oblige à un turn-over (renouvellement) bactérien soutenu pour assurer la stabilité des populations. L’intestin grêle subit un très fort péristaltisme lié à la digestion, mais ces mouvements baissent en intensité à mesure que l’on progresse dans le TD. Au niveau du côlon, le péristaltisme est faible et devient minimal dans sa partie distale, ce qui permet l’implantation d’espèces bactériennes « sédentaires ».

De même, la teneur en oxygène diminue graduellement le long du TD du fait de son utilisation par les espèces aérobies ou anaérobies facultatives dans les parties proximales du TD. La variation de la teneur en oxygène influence la composition qualitative du microbiote. Dans l’intestin, on observe une baisse progressive des bactéries aérobies et aéro-anaérobies au profit des bactéries anaérobies strictes. A partir de l’iléon, les bactéries sont très majoritairement anaérobies strictes. Dans la partie

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distale de l’intestin grêle, l’oxygène a déjà totalement disparu. Le côlon et les parties distales de l’intestin grêle sont composées essentiellement de bactéries anaérobies strictes à l’exception du caecum de l’Homme qui contient environ un quart de bactéries anaérobies facultatives.

Figure 13 : Populations bactériennes dominantes de la flore fécale cultivable (Biard Noémie, 2016)

Figure 14 : Variation qualitative et quantitative des populations bactériennes dans le Tube Digestif de l’Homme (Coudeyras et Forestier, 2010)

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I.6.1 Un équilibre qui doit se maintenir

Pour rester stables, les niveaux de population doivent être maintenus dans le temps. Pour cela, les bactéries doivent compenser les pertes liées à la mort cellulaire, à leur élimination par les selles et à l’action des cellules immunitaires. En termes écologiques, une souche donnée doit se reproduire au moins aussi rapidement qu’elle est éliminée pour se maintenir à un niveau de population stable dans son écosystème (Lee YK, 2004).

Des observations montrent que les communautés bactériennes sont plus stables dans les parties distales du TD où le péristaltisme est moins fort. Les niveaux de population des groupes subdominants, comme le genre Lactobcillus, sont nettement moins stables que ceux des groupes dominants et plus à même d’être affectés par des changements organiques ou environnementaux (Vanhoutte, 2004).

La stabilité des populations bactériennes est liée en partie aux mécanismes d’adhésion entre cellules procaryotes et cellules de l’hôte. La couche de mucus sécrétée par l’épithélium intestinal recouvre les parois du TD avec une abondance plus élevée au niveau des parties distales de l’intestin grêle et du côlon. La capacité de certaines bactéries à adhérer au mucus facilite le maintien des niveaux de population en empêchant une partie d’entre elles d’être emportées par les mouvements péristaltiques (Freter, 1983). Le phénomène d’adhésion améliore aussi la résistance au flux du bol alimentaire dans le TD. La capacité à adhérer aux parois intestinales confère aux bactéries un avantage sélectif, en particulier pour les souches à croissance lente (Freter, 1983).

Au cours d’infections intestinales, la capacité des bactéries pathogènes à adhérer à l’épithélium et au mucus constitue un facteur de virulence et est associée à la gravité des infections (Doré, 2010). L’adhésion des bactéries par reconnaissance de récepteurs cellulaires épithéliaux existe, bien que les mécanismes soient moins bien documentés.

Le MI est un écosystème résilient qui a la possibilité de se régénerer lorsqu’un événement délétère vient perturber l’équilibre de sa composition. La résilience du MI consiste au retour à l’état d’équilibre qualitatif et quantitatif initial en compensant les pertes liées à l’événement perturbateur. La prise de xénobiotiques est susceptible d’altérer la flore lors du contact avec des substances toxiques pour les MO endogènes : les antibiotiques sont régulièrement cités du fait de leur action bactériotoxique. Lors d’infections intestinales, qu’elles soient bactériennes, virales ou parasitaires, on assiste aussi à l’affaiblissement des populations commensales. Cela est généralement lié à :

- L’implantation transitoire et en grand nombre d’un MO pathogène qui trouve des conditions favorables à son développement et qui bloque, par un effet compétitif direct, l’accès à certains nutriments ou à des récepteurs cellulaires. La production locale de toxines par les bactéries infectieuses peut aussi être délétère pour les bactéries commensales.

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La modification structurelle locale de l’environnement digestif (épithélium intestinal) lors de l’inflammation. La destruction et le renouvellement cellulaire sont susceptibles d’altérer les structures épithéliales (microvillosités, villosités et cryptes intestinales) empêchant la fixation d’espèces commensales protectrices.

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D’autres facteurs sont probablement impliqués dans le maintien des populations et le phénomène de résilience dont les limites sont mal connues.En thérapeutique, étudier les seuils au-delà desquels les populations bactériennes ne retournent plus à leur état d’équilibre pourrait donner des moyens de lutter contre la perte d’équilibre et prévenir les infections en améliorant la résistance au changement dans des situations critiques, comme une antibiothérapie ou un stress psychologique. (Doré, 2010).

I.7 Comment le microbiote intestinal de l’Homme se met-il en place ?