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I s.4 La nécessité d’une transplantation fécale

IV. 6.2.1.2 Troubles Fonctionnels intestinau

IV.7 Limitations de la pratique

A l’heure actuelle, la cCD récidivante est la seule indication validée du TMF. Pour les autres pathologies (intestinales ou non) les résultats sont encourageants, mais l’utilisation du TMF est récente et le recul manque pour attester d’une efficacité avérée sur le long terme.

De plus, de nombreuses inconnues demeurent sur les conditions de l’efficacité du TMF même lorsque l’efficacité de celui-ci est validée. Existe-t-il un type de microbiote plus à même de guérir l’individu transplanté ? Dans quelle mesure cela est-il possible ?

IV.7.1 Absence de standardisation des méthodes.

Il est aujourd’hui impossible de proposer une méthode standardisée de préparation et d’administration du matériel à transplanter. Il n’existe aucun consensus entre les pays et au sein des établissements de santé d’un même pays. Pourtant, la complexité du MI prélevé, sa sensibilité et le caractère dynamique de sa composition laisse entendre que chaque étape est importante à prendre en compte.

IV.7.1.1 Un profil idéal de donneur ?

Notre connaissance du MI demeure partielle et le rôle de toutes les espèces dans le maintien de l’homéostasie intestinale n’est pas connu avec précision. Existerait-il un type de microbiote plus à même d’entraîner la guérison dans certains cas ? Un profil de maladie doit-il correspondre à un profil « idéal » de bactéries à recevoir ?

De récentes recherches ont été menées pour tenter d’élucider le mécanisme d’action du MI transplanté. Des patients atteints de cCD récurrente ont bénéficié d’un TMF provenant de plusieurs donneurs. Le suivi de ces patients pendant 10 semaines a montré que certains donneurs avaient un impact plus grand sur l’environnement intestinal du patient. L’analyse de MI des patients à 70 jours

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à montré une plus grande stabilité dans le temps (similarité par rapport à l’échantillon administré) lorsque le TMF provenait d’un certain donneur. Des espèces associées à la rémission (particulièrement le genre Bacteroidetes avec B. intestinalis, B. uniformis et B. plebeius) se trouvaient en abondance relative 4 fois plus élevée chez ce donneur, et à l’inverse, des groupes généralement considérés comme pathogènes (B. fragilis, B. vulgatus) étaient moins représentés. Ces découvertes suggèrent que la composition du MI donneur joue un rôle dans la réussite du traitement mais aussi sur la nature de l’écosystème bactérien post-transplantation. Il pourrait ainsi exister des MI plus bénéfiques que d’autres pour la transplantation (Fuentes, 2014).

Nous ne sommes pas en mesure non plus de déterminer le moment plus adéquat pour effectuer un TMF. Le matériel fécal est-il plus bénéfique lorsqu’il est transplanté en période d’exacerbation des symptômes ? En période de rémission ? Existe-t-il des facteurs qui influencent l’interaction entre le MI propre et le MI allogénique ? Peuvent-ils être déterminants pour la guérison et si oui, sont-ils adaptables ?

IV.7.1.2 L’efficacité du TMF est influencée par la méthode de préparation

Dans le cadre de la cCD, des observations semblent montrer que l’efficacité de la méthode et le taux de guérison associé est dépendant des conditions de mise en œuvre du TMF. La méthode de préparation jouerait directement sur le succès du TMF. La solution saline (NaCl à 0,9%) est le diluant préférentiellement utilisé car il préserve l’isotonie du transplant, mais d’autres diluants tels que le lait à 4% et l’eau pure sont utilisables. Or le NaCl et le lait donneraient des résultats inférieurs à l’eau en termes d’efficacité (respectivement de 86,2 et 88,6% contre 98,5% pour l’eau). En revanche, les taux de récurrence après un TMF unique seraient supérieurs en cas d’utilisation d’eau : 7,8% contre 3,0 % pour le NaCl et 3,2% pour le lait (Fumery, 2013).

Concernant le volume de solution préparée, on rapporte un taux d’efficacité de 97,3 % de la TF et un taux de rechute de 4,7% pour des volumes transplantés supérieurs à 500 mL. Les malades qui reçoivent un volume inférieur à 200mL, le taux de réussite est 80 % et la probabilité de rechute de 6,2%. L’utilisation d’un poids de selles dépassant 50g a quant à elle montré un taux de succès de 86,2% avec un taux de rechute de 1,0% contre respectivement 82% et 3,8% lorsque le poids de départ était inférieur à 50g (Fumery, 2013) ; (Batista, 2015).

Parmi les méthodes utilisables pour administrer la suspension fécale, c’est la coloscopie qui montre le meilleur taux de réussite. En effet, le taux moyen d’efficacité de la coloscopie dans le traitement de l’infection à C.difficile est évalué à 91%. Lorsque le transplant est administré par voie haute (fibroscopie gastro-duodénale, SNG ou SND), celui-ci est compris entre 76 et 79% (Fumery, 2013). De la même manière, nous avons évoqué plus tôt que les chances de succès du TMF étaient un peu plus grandes lorsque la matière première était issue d’un donneur apparenté (93%) comparativement à un donneur non apparenté (84 %) (Gough, 2011), probablement en raison du fait que les sujets apparentés partagent un environnement microbiologique similaire et ont dans leur MI davantage d’espèces communes. Plus précisément, le TMF provenant d’un époux ou d’un concubin

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a montré un taux de réussite moyen de 96% tandis qu’il était de 87% pour un membre de la famille ne vivant pas sous le même toit.

La littérature scientifique montre souvent qu’une administration unique suffit à restaurer un équilibre durable du MI et souvent à guérir une pathologie associée. Mais existe-t-il un bénéfice supérieur à effectuer plusieurs TMF chez un même individu ? Cela a-t-il une valeur prédictive sur la réussite thérapeutique au long terme ? Si oui, quelles seraient les conditions idéales d’administration (fréquence, quantités à utiliser, nombre de donneurs…?)

IV.7.2 Innocuité, oui, mais sur le long terme ?

Bien que le bénéfice clinique du TMF soit établi, il s’agit d’une thérapie relativement récente et plusieurs inconnues demeurent à son sujet :

- La composition exacte de l’inoculum, impossible à déterminer.

- Les modes d’action précis (métabolique, immunologique et pharmacologique).

Le MF constitue la matière première de l’inoculum. C’est un milieu complexe d’une grande variabilité selon les individus et dans le temps (un don est unique). Très sensible aux facteurs environnementaux, il est également influencé par et les contraintes logistques et les gestes qui l’accompagnent. La standardisation de la méthode dans le temps et l’espace est compliquée à mettre en œuvre et ne peut prétendre à une équivalence parfaite entre les dons.

Il est important de mentionner aussi que nous ne sommes pas encore en mesure de prouver l’innocuité de cette méthode sur le long terme, car sa pratique est récente. A l’heure actuelle, rien ne garantit que cette méthode curative ne puisse pas transmettre d’autres maladies, infectieuses ou non, connues ou pas. Le suivi des patients transplantés est pris très au sérieux par l’ANSM qui préconise la notification immédiate de tout événement indésirable survenant dans les heures et jours qui suivent le TMF une surveillance qui se poursuit jusqu’à 2 ans. Un dispositif de traçabilité rigoureux est mis en place grâce à une fécothèque avec conservation à basse température des selles brutes émises lors du dépistage du donneur et d’une coprothèque sur le transplant lui-même.

Malgré la sélection rigoureuse du donneur et les mesures de sécurité, il existe des cas où la dangerosité du don n’est pas prédictible. Ainsi, en 2013, des patients ont reçu une TMF d’un patient sain de 28 ans qui a développé, un an plus tard, une MC atteignant l’iléo-côlon. Cet individu n’avait, au moment du dépistage, aucun antécédent médical rédhibitoire et ne suivait aucun traitement. Les 31 receveurs ont été suivi cliniquement de façon très rigoureuse à l’annonce du diagnostic. Fort heureusement, aucun d’eux n’a développé de symptômes correspondant à une IBD sur une durée moyenne de 19,8 mois. Sur 5 patients atteints initialement d’IBD (3 RCH et 2 MC), deux ont observé une amélioration clinique de leurs symptômes (1 RCH et 1 MC). Quatre patients sont décédés de complications à C.difficile mais ne présentaient pas d’IBD. Ce rapport souligne la nécessité d’un suivi rigoureux et soulève certaines questions relatives à la transmission de maladies. Nous ne savons pas

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à l’heure actuelle si la MC est transmissible par transfert de MI mais nous savons qu’elle est liée, au moins partiellement, à des déséquilibres du MI. Même si aucune signature microbiologique caractéristique de la MC (diminution de Bacteroidetes et Firmicutes) n’a été détectée chez les receveurs, ces observations ne constituent pas une preuve de la parfaite innocuité d’un don pour des pathologies en lien avec des déséquilibres du MI (Fischer, 2017).