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Les programmes d’exploration métagénomique

Liste des tableau

I. Le microbiote intestinal : généralités, caractérisation, mise en place

I.4 Les programmes d’exploration métagénomique

Ces dernières années, nos connaissances sur la métagénomique du MI humain n’ont cessé d’être approfondies et ont bénéficié de l’apport de grands programmes de recherche. Il s’est agi notamment du programme MetaHIT financé par la Commission européenne, de GMGE Micro-Obes, financé par l’Agence française de la recherche, ou encore des programmes Roadmap des Instituts Américains de la Santé (National Institutes of Health, NIH). A l’échelle internationale, ces programmes sont structurés au sein de l’International Human Microbiome Consortium (IHMC), co-présidé par le NIH et la Commission européenne (Doré et Corthier, 2010).

I.4.1 Programme MetaHIT

Lancé le 1er janvier 2008 et coordonné par l’INRA (Institut National de la Recherche Agronomique), le programme européen MetaHIT prévu pour une durée de 4 ans a eu pour objectif l’identification

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par analyse métagénomique de l’ensemble des génomes microbiens intestinaux et de leur inclusion à une base de données, vaste catalogue de référence des gènes microbiens utilisable par la suite. (Dusko Ehrlich, 2010).

Les chercheurs ont démontré que près d’un millier d’espèces bactériennes sont habituellement présentes en grande quantité dans l’intestin de l’homme, chaque individu en abritant au moins 170, et que la plupart des espèces sont les mêmes d’un individu à l’autre (http://jacob.cea.fr.)

Les chercheurs du projet MetaHIT ont publié en mars 2010 le premier séquençage de l’ensemble des gènes des bactéries hébergées par le TD humain. Ils se sont d’abord basés sur l'analyse d'échantillons de selles recueillis auprès d’une cohorte de 124 personnes d’origine européenne (85 Danois et 39 Espagnols), ce qui a généré environ 300.000 séquences d’ADN par individu. La longueur totale de ces séquences mises bout à bout correspondait à près de 580 milliards de bases, soit environ 200 génomes humains (Dusko Ehrlich, 2010). Le catalogue de gènes complété lors du séquençage du métagénome a inscrit un total de 3,3 millions de gènes existant dans le MI d’un Homme. Ces gènes qui provenaient de plus de 1 000 espèces différentes étaient pour une large majorité d’entre eux d'origine bactérienne, mais il existait aussi des gènes provenant des Archées (Dusko Ehrlich, 2010). L’étude a estimé qu’un individu portait en moyenne 540 000 gènes microbiens non redondants (pour lesquels il n’existe pas d’équivalents) attribuables à près de 160 espèces bactériennes. En outre, près de 40 % des gènes portés par un individu donné seraient partagés avec au moins la moitié des individus de la cohorte. Nous désignons ces gènes comme des « gènes communs ». On peut donc en conclure que le métagénome microbien est largement partagé entre les individus de la cohorte. De plus, près de 85% des gènes identifiés dans la cohorte ont été qualifiés d’abondants (présents à une fréquence supérieure à 10-6 soit plus d’un sur un million) (Dusko Ehrlich, 2010).Le catalogue MetaHIT a été complété plus récemment grâce au séquençage de gènes présents dans les selles d’une large cohorte de 1 267 individus issus de trois continents (Européens, Américains et Chinois). On estime qu’il comprend maintenant 10 millions de gènes(Li, 2014)

Les genes catalogués ont été classés en clusters de fonctionnalité. En plus des 14.000 clusters déjà connus, me projet MetaHit a permis d’en découvrir environ 5000 autres, avec au moins 20 gènes différents pour chacun. Environ 6000 clusters sont communs à tous les individus et on estime qu’ils représentent un noyau génomique commun. Les gènes concernés seraient des gènes « de ménage » nécessaires aux fonctions de base de l’écosystème digestif (Dusko Ehrlich, 2010).Il semble apparaître également que le MI humain présente un haut degré de conservation de ses fonctions majeures, telles que la digestion anaérobie des fibres alimentaires, et ce malgré des variations interindividuelles de composition. (Doré et Corthier, 2010).

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I.4.2 Utilisations potentielles du catalogue de gènes

I.4.2.1 L’étude des potentialités du génome bactérien

L’une des utilisations possibles d’un vaste catalogue de gènes est la recherche de fonctions bactériennes d’intérêt pratique. De nombreux gènes présents dans les catalogues sont inconnus ou ne sont pas reliés à une fonction particulière. L’utilisation d’outils bio-informatiques a pour but l’exploration fonctionnelle de ces gènes pour en extraire davantage d’informations.

Les activités bactériennes à explorer peuvent concerner les capacités métaboliques du MI, avec par exemple l’étude des profils enzymatiques ou la production des molécules d’intérêt, mais aussi leur capacité à métaboliser les xénobiotiques (médicaments). La potentialisation bactérienne est définie par la possibilité qu’a une bactérie de potentialiser l’effet sur l’organisme d’une substance médicamenteuse en la modifiant chimiquement ou en agissant sur des voies métaboliques. La biodétoxification désigne la réduction de la demi-vie de substances exogènes par l’action de MO. Dans les deux cas, des enzymes sont très souvent impliquées et il semble important d’étudier la possibilité de ces bioconversions dans un but thérapeutique.

L’analyse métagénomique peut également servir à caractériser des modifications de composition et de fonction du MI dans le temps, particulièrement dans un contexte pathologique. D’autres approches « -omiques » peuvent servir à pour analyser la cinétique de composition du MI. L’étude du protéome (ensemble des protéines produites par le MI à un instant donné) et le métabolome (ensemble des dérivés métaboliques) existent mais ne seront pas développées dans ce travail.

I.4.2.2 L’utilisation du microbiote intestinal en tant qu’outil diagnostique

L’objectif central de MetaHIT était d’établir des corrélations entre les gènes du MI humain et la santé. En se basant sur deux désordres d’importance croissante, les maladies inflammatoires intestinales et l’obésité, ils ont tenté de faire le lien entre la présence de certains gènes (donc de certaines bactéries) et la fréquence d’apparition de la pathologie.

Dans l’état actuel de nos connaissances, le profil génétique du MI est en relation directe avec le phénotype humain. En effet, un lien a été établi entre des anomalies de composition MI et la fréquence de certaines pathologies. Des outils bio-informatiques et biostatistiques entrent en jeu pour mettre en relation la carte d’identité du génome bactérien et l’incidence de certaines pathologies. (Dusko Ehrlich, 2010)

L’utilisation d’outils de profilage peut être étendue à de nombreuses pathologies, mais aussi à n’importe quelle activité ou situation qui affecte la santé humaine et le bien-être. La bio-informatique pourrait ainsi établir des corrélations entre l’âge, l’alimentation et le style de vie et la présence d’espèces particulières.

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Figure 9 : Principe de la métagénomique quantitative en tant qu’outil diagnostique ou pronostique (Blottière et Doré, 2016)

Après collecte de l’échantillon et séquençage, une matrice informatique de comptage est générée pour chaque individu, ce qui détermine une composition fine du microbiome grâce à un catalogue annoté de gènes connus du MIH qui sert de référentiel. Le profilage est effectué par l’étude de l’abondance de certains gènes par individu. Des analyses statistiques associent des profils bactériens particuliers à des facteurs de risque pour la survenue de pathologies, leur donnant ainsi une valeur diagnostique ou pronostique (Blottière et Doré, 2016).

I.4.2.3 L’établissement d’une « carte génétique » individuelle du microbiote

Le catalogue de gènes ouvre aussi la possibilité de déterminer des profils individuels de gènes microbiens. Dans le cadre de de MetaHIT, deux types d’outils ont été mis au point pour déterminer chez un individu la présence de gènes, leur fréquence et leur expression. A titre d’exemple, les micro- puces ADN ou ARN à haute densité (« High-Density Micro-Arrays ») actuellement en cours d’étude, permettent la détection de plus de 3,4 millions de gènes microbiens et s’utilisent pour générer des profils génétiques individuels d’ADN ou ARN. Ils sont utilisés pour générer des profils de sujets sains ou malades, toujours dans le but de définir des interactions entre métagénome bactérien et état de santé particulièrement dans le cadre de pathologies d’incidence croissante dans les pays développés, comme les pathologies inflammatoires de l’intestin ou l’obésité. (Dusko Ehrlich, 2010).

Le deuxième outil est basé sur le séquençage à très haut débit (« Very-High Thoughput Sequencing ») qui permet la constitution de plus en plus rapide et exhaustive de catalogue de gènes. Les bases de données bio-informatiques, initialement développées pour calculer la fréquence de gènes des cohortes de MetaHit, sont régulièrement complétées et servent à la comparaison de profils génétiques. L’approfondissement de nos connaissances sur le sujet a déjà révélé des associations très intéressantes entre les gènes bactériens et les phénotypes humains.

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I.4.2.4 Des résultats incomplets mais prometteurs

L’analyse génétique est un outil précieux qui fournit nombre d’informations exploitables. C'est en partie grâce à l’évolution majeure des technologies de séquençage haut débit et à l’avènement de la bio-informatique que la métagénomique est aujourd'hui à notre portée (http://dridk.me/metagenomique.html). Du fait de la diminution des coûts du séquençage et grâce à des outils d’analyse de plus en plus performants, il est possible aujourd’hui de quantifier et de comparer les populations bactériennes du MI d’un grand nombre de personnes en un temps réduit. Les méthodes d’analyse du génome se sont largement démocratisées ces dernières années mais restent coûteuses et requièrent des moyens technologiques avancés que seuls de grands programmes de recherche sont en mesure de déployer. De plus, peu d’études actuelles mettent en jeu des cohortes d’individus sélectionnés selon des critères représentatifs de la population mondiale. A titre d’exemple, le programme MetaHIT n’a inclus dans son étude de 2008 que des individus européens originaires de deux pays (Espagne et Danemark), et, bien qu’il ait été complété à plusieurs reprises par d’autres études, ses résultats ne sauraient être qualifiées d’exhaustifs. En outre, de nombreuses zones d’ombre demeurent au sujet de l’extraordinaire diversité des espèces du microbiote et de l’influence qu’a cette diversité sur notre santé. La notion de « carte » génétique est encore très virtuelle ; l’accès d’un individu à ses données bio-informatiques, et l’intégration de ces informations à des protocoles de soins ne sont donc pas à prévoir pour le moment.

La caractérisation de profils individuels de MI pourrait en revanche avoir des applications pratiques dans le domaine de la santé. Il est possible qu’à l’avenir, la connaissance plus fine du génome du MI et de son profil métabolomique s’intègre à une démarche diagnostique et thérapeutique. Le classement d’individus en fonction du profil de leur MI pourrait permettre, d’une part, de prédire une susceptibilité vis-à-vis de certaines pathologies et d’autre part d’anticiper la réponse individuelle aux médicaments disponibles. Les informations issues de la métagénomique pourraient alors s’appliquer à divers contextes pathologiques, notamment dans le cadre de la pharmacologie.

I.5 Composition et répartition du microbiote intestinal