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3.5.1.2.2 Les AGCC modulent l’environnement cytokinique local

II – Les grandes fonctions du microbiote et son influence sur le système immunitaire

II. 3.5.1.2.2 Les AGCC modulent l’environnement cytokinique local

Les AGCC agissent sur l’environnement cytokinique local en stimulant la production de cytokines par les cellules immunitaires de l’hôte. Les bactéries commensales productrices d’AGCC sont donc en mesure de modifier indirectement l’environnement cytokinique par leur action sur les cellules immunitaires. Les effets régulateurs sont observables notamment sur l’IL-2, l’IL-4, l’IL-5, l’IL-6 et l’IL- 10 produits par les lymphocytes (Chang, 2014).

La teneur d’un milieu en cytokines prédit à son tour la différenciation des LT en induisant leur différenciation préférentielle vers une sous-famille de LT (figure 29). Globalement, cette action sera anti-inflammatoire sur le côlon. Des études ont apporté la preuve que les bactéries du genre Lactobacillus favorisent le développement d’un profil tolérogène de type Th1 en stimulant la production d’une cytokine immunomodulatrice, l’IFNγ. Chez les souris déficitaires en récepteurs FFAR2 ou FFAR3, on observe une diminution de l’expression de gènes associés aux LTh1 (notamment l’IFNγ) et à l’induction d’IL-6 (au niveau local et systémique), et d’IL-12 qui sont des cytokines pro- inflammatoires, et à une réponse immunitaire globalement retardée (Kim, 2013). Des souris inactivées pour le gène FFAR2 (FFAR2–/–)ont quant à elles montré un profil inflammatoire sévère dans des modèles de colite, mais aussi d’arthrite et d’asthme, pathologies inflammatoires liées au recrutement de cellules immunitaires et à une production accrue de médiateurs inflammatoires par ces dernières (Maslowski, 2009).

D’autres études viennent appuyer la thèse du profil tolérogène en montrant que l’utilisation d’acétate pour stimuler les récepteurs aux AGCC inhiber les symptômes de la colite et l’inflammation. La liaison des AGCC sur leurs récepteurs GPR43 et GPR109A au niveau du pôle apical des cellules épithéliales entraîne une augmentation d’une cytokine anti-inflammatoire, l’IL-18 (Macia, 2015) ce qui contribue à maintenir un environnement tolérogène bénéfique à l’hôte et prévient le phénotype colitogénique chez la souris(Elinav, 2011).

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Le butyrate semble être l’AGCC le plus influent sur l’environnement inflammatoire. L’activation du GPR109 par le butyrate permet de prévenir la colite et la carcinogenèse du côlon par le biais d’une augmentation de l’expression de composés anti-inflammatoires par les monocytes et de l’induction de la différenciation de LTreg productrices d’IL-10 à l’action anti-inflammatoire (Singh, 2014). Les AGCC aident à prévenir le chimiotactisme (attraction de cellules par des substances libérées localement) de cellules immunitaires vers les sites inflammatoires, ce qui réduit l’infiltration tissulaire et la libération de médiateurs de l’inflammation au niveau local ou systémique.

Figure 34 : Régulation de l’immunité et de l’inflammation par les AGCC (Kim, 2014)

Le rôle des AGCC est double : permettre un environnement anti-inflammatoire tolérogène tout en aidant à la protection contre les pathogènes. Les AGCC agissent de plusieurs manières :

(1) Ils renforcent la barrière épithéliale en renforçant la cohésion des cellules épithéliales et en augmentant leur production de médiateurs de l’immunité innée.

(2) Ils agissent directement sur les LT en conduisant à leur différenciation en cellules effectrices (TCD4) et régulatrices productrices d’IL-10 (Treg). Les AGCC attirent d’autre part des neutrophiles de la circulation sanguine durant la réponse immunitaire.

(3) Ils agissent sur les CPA en limitant l’expression de molécules qui activent les LT, telles que les CMH de classe II, ce qui mène à la génération de LT tolérogènes.

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Figure 35 : Régulation des population de lymphocytes T par les AGCC (Kim, 2014) Les AGCC entraînent la différenciation des LT par plusieurs moyens :

(1) La regulation métabolique, (2) L’inhibition des HDAC,

(3) L’activation des récepteurs aux AGCC (GPCR ou FFAR).

Les LT ainsi générés peuvent être effecteurs (pro-inflammatoires) dans certaines conditions : Th1 et Th17 sont utiles pour combattre les pathogènes. Mais la régulation peut aussi se faire vers un profil tolérogène : c’est le cas des LT régulateurs (FOXP3+). L’IL-10 ainsi produit limite l’intensité de la réaction inflammatoire. Les AGCC seraient aussi impliqués dans la génération de CD moins efficaces pour activer les LT effecteurs.

II.3.5.2 Rôle d’autres métabolites d’origine bactérienne

II.3.5.2.1 Les ligands de l’AhR

Le métabolisme de certaines bactéries commensales génère des molécules capables de se lier au récepteur d’Aryl Hydrocarbone (AhR, pour l’anglais « Aryl hydrocarbon Receptor »). AhR est un récepteur nucléaire exprimé par les cellules épithéliales et les cellules immunitaires de l’hôte. Lorsqu’il est activé, il joue un rôle dans la régulation de la composition du MI ainsi que des réponses immunitaires de la muqueuse intestinale (Rooks et Garett, 2016). La stimulation d’AhR est sous l’influence directe du profil de MI porté par l’hôte mais aussi du régime alimentaire : les ligands d’AhR sont souvent produits de façon endogène à partir de substrats issus de l’alimentation. A titre d’exemple, quelques espèces bactériennes telles que Lactobacilli spp métabolisent le tryptophane contenu dans les aliments et produisent ces ligands (Zelante, 2013).

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L’inactivation du gène AhR chez des modèles de souris (génotype AhR -/-) conduit à l’inexpression du récepteur Ah et se traduit par des perturbations de la composition du MI avec notamment des concentrations en bactéries plus élevées dans la lumière intestinale et un déséquilibre d’espèces avec une proportion de Bacteroides spp. très augmentée. Ont également été observées chez ces souris une baisse du renouvellement des cellules épithéliales du TD ainsi qu’une diminution du nombre de lymphocytes intraépithéliaux, ce qui les rend plus vulnérables aux infections intestinales (Li, 2011). Des travaux réalisés en 2011 ont attribué un rôle au AhR dans le développement du SI en période post-natale. Il a été supposé que l’activation du récepteur Ah serait nécessaire à la mise en place des follicules lymphoïdes intestinaux du nourrisson et à l’expansion de certaines populations cellulaires lymphoïdes telles que les Cellules Lymphoïdes Innées (ILC, pour l’anglais « Innate Lymphoid Cells ») qui sont des lymphocytes sécréteurs de cytokines et dépourvus d’anticorps membranaires. Les ILC

de type 3 sécrétrices d’IL-22, interleukine capable d’initier des réponses immunitaires, sont en mesure de lutter contre certaines bactéries pathogènes telles que Citrobacter rodentium chez le rongeur (Kiss, 2011).

L’AhR et ses ligands jouent donc un rôle certain dans la mise en place de l’immunité intestinale et le maintien d’une protection face à la colonisation par des MO pathogènes ou opportunistes. Zelante et al ont noté que la présence d’un microbiote sain génère des ligands qui stimulent via AhR l’expansion des ILC3 et la production d’IL-22 (Zelante, 2013). Le rôle protecteur de l’IL-22 face à l’inflammation de la muqueuse et à la colonisation par des pathogènes opportunistes tels que Candida albicans a été démontré. Le rôle des ligands de l’AhR s’ajoute à celui des AGCC fermentaires et vient conforter la relation mutualiste qu’entretient l’hôte avec son microbiote. L’importance de ce rôle reste cependant à déterminer : dépendante de l’apport alimentaire et de la proportion de bactéries génératrices de ligands, elle pourrait largement différer entre les individus.