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Ce travail ne saurait être complet s’il se cantonnait à la description de notre communauté bactérienne intestinale. Notre orgnisme héberge en effet une myriade de microbiomes comme nous l’avons évoqué précédemment. Chaque interface entre nos organes et le milieu extérieur constitue un écosystème à part qui héberge des communautés de MO.

En guise d’ouverture, j’ai décidé de m’intéresser à deux autres types de microbiotes : le microbiote des voies respiratoires et le microbiote cutané, et de citer quelques unes de leurs spécificités, sans toutefois les étudier en profondeur.

1. Le microbiote cutané

1.1 Généralités sur la peau

La peau représente l’organe le plus grand du corps humain, qu’il s’agisse de sa masse (16% du poids total) ou de sa surface (environ 1,5 m2). Cette immense barrière, plus ou moins perméable, permet de nombreux échanges entre le corps et le milieu extérieur. Elle est constituée de trois couches cellulaires bien distinctes, histologiquement différentes. La couche la plus superficielle s’appelle l’épiderme. Sous l’épiderme se trouve le derme, couche intermédiaire de tissu conjonctif riche en vaisseaux sanguins, puis l’hypoderme, couche la plus profonde constituée de tissu graisseux. Ces structures sont visibles sur la figure 63.

L’épiderme est un épithélium pavimenteux pluristratifié kératinisé et pigmenté. Il se trouve en contact direct avec l’extérieur. Il comporte plusieurs types cellulaires dont les kératinocytes représentent le plus abondant. Ces cellules contiennent une protéine fibreuse, la kératine, dont la rigidité est un élément structurel pour la peau. L’épaisseur de l’épidermevarie beaucoup en fonction de sa localisation : d’environ 50μm au niveau des paupières, il peut atteindre 1mm d’épaisseur dans les régions palmo-plantaires (Venus, 2011). L’épiderme est lui-même subdivisé en quatre couches. La couche cornée (ou stratum corneum), la plus externe, est formée de cornéocytes (kératinocytes issus de l’apoptose, de forme aplatie et constitués uniquement de kératine.) Les MO commensaux se retrouvent principalement dans les couches supérieures du stratum corneum ainsi que dans les canaux des glandes sudoripares et des follicules pilosébacés (figure 63).

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Figure 63 (à gauche) : Coupe histologique de la peau montrant l’épiderme, le derme, l’hypoderme ainsi que l’unité pilo-sébacée (Goetz, 2017)

Figure 64 (à droite) : Les sous-couches de l’épiderme (wikipedia.org)

Dans la figure 64, la couche cornée (« stratum corneum » est représentée d’une épaisse couche de cellules vides, représentées en noir)

1.2 Les micro-organismes de la peau et leur rôle

L'étude de la peau a souvent été réduite à la description histologique de ses différentes couches et de leurs fonctions métaboliques. Cependant, les techniques moléculaires d’identification ont mis en évidence que le revêtement cutané héberge d’un ensemble complexe et varié de MI (Bactéries, Champignons, Archées, Virus) et de quelques organismes pluricellulaires (acariens…). Près de 20 phyla bactériens seraient connus pour faire partie du MI cutané, dont les 4 principaux seraient les mêmes que ceux du MI intestinal, dans des proportions différentes : Actinobacteria (51,8%), Firmicutes (24,4%), Proteobacteria (16,5%) et Bacteroidetes (6,3%). Les genres les plus abondants sont Corynebacterium (Phy. Actinobacteria), Propionibacterium et Staphylococcus (Dunyach-Remy, 2015) (figure 69) bien que l’abondance relative des groupes phylogéniques soit largement dépendante de la localisation. Ainsi, le microbiote des zones sébacées, comme celui présent à l’arrière des oreilles, est très riche en Corynebacterium sp. ce qui n’est pas le cas des zones humides comme les aisselles ou le tronc. Au niveau de la fosse antécubitale (pli du coude, zone humide), le genre Corynebacterium est toujours majoritaire mais la répartition est plus en faveur d’autres phyla comme Proteobacteria, qui arrive en deuxième position, ou Bacteroidetes. Les zones sèches telles que l’avant-bras hébergeraient quant à elles plus de représentants de Proteobacteria (figure 66). Les champignons microscopiques de la surface de la peau sont des levures du genre Malassezia. Les acariens appartiennent au genre Demodex et colonisent surtout les unités pilo-sébacées du visage des adultes.

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Les rôles de la flore cutanée sont peu connus mais semblent très variés. On lui attribue notamment un action protectrice contre les bactéries pathogènes. La biodiversité bactérienne limite le risque de colonisation de la peau par des MO pathogènes et constitue une protection contre l'inflammation de la peau. Les mécanismes de défense passent par des mécanismes de compétition pour l’accès au nutriments (issus du sébum et de la sueur) et pour des sites d’adhésion nécessaires à la sédentarisation de la bactérie (Goetz, 2017). Il semblerait d’autre part que les bactéries résidentes aient la capacité de sécréter des bactériocines, c’est le cas par exemple de Staphylococcus spp. qui produit l’épidermine et la gallidermine (Götz, 2014).

Certaines bactéries du microbiote cutané auraient aussi la capacité d’activer le SI. Cette capacité passerait notamment par l’activation dans les nœuds lymphatiques de LT producteurs d’IL-17 par les CD résidant au niveau du derme (figure 65). Des études montrent que des bactéries commensales particulières sont plus à même de stimuler le SI, c’est le cas par exemple de Staphylococcus epidermidis très efficace pour induire la production d’IL-17 (Goetz, 2017)

Figure 65 : Induction de la réponse immunitaire cutanée par S. epidermidis (Goetz, 2017) Les CD dermiques captent et présentent l’antigène situé dans le follicule pilosébacé. La présentation de l’antigène à des LT au niveau d’un nœud lymphatique conduit à plusieurs mécanismes : la cellule T peut se mettre à produire l’IL-17 qui stimule la production par les kératinocytes S100A8 et S100A9, substances qui amplifient la réponse immunitaire. On peut aussi avoir production d’IFN-y par la cellule T

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Figure 66 : Spécificité de la colonisation bactérienne cutanée en fonction des caractéristiques de la peau (Goetz, 2017)

1.3 Pathologies liées à la dysbiose cutanée

Un déséquilibre entre bactéries bénéfiques et bactéries pathogènes peut être le point de départ de plusieurs pathologies. Un lien a été établi entre la dysbiose au niveau cutané et des désordres inflamatoires chroniques de la peau comme la dermite atopique ou le prosiasis (Pascal, 2018). L’acné est une affection communément retrouvée chez l’adolescent et le jeune adulte qui consiste en une infection des unités pilosébacées par une bactérie aérobie, Propionibacterium acnes. Les modifications hormonales liées à la puberté ont été associées à l’altération de la composition du microbiote (https://biocodexmicrobiotainstute.com).

Les levures peuvent aussi être impliquées dans des affections cutanées chroniques : ainsi, des situations menant à une excès de production du sébum entraînent la prolifération locale de Malassezia furfur alors en compétition avec les autres constituants. En métabolisant les composants du sébum elle déclenche la réaction inflammatoire. La dermatite séborrhéique est une dermatose inflammatoire volontiers récurrente qui a été associée à la prolifération de levures commensales du genre Malassezia (Schwartz, 2013) au détriment de la flore protectrice.

Enfin, la présence de bactéries pathogènes peut être à l’origine de sensibilité aux infections et de difficultés de cicatrisation, participant à la chronicité de certaines plaies (Duynach-Remy, 2015).