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L’asthme est une affection de l’arbre respiratoire de nature inflammatoire. Elle est causée par un état inflammatoire chronique des bronches avec apparition plus ou moins fréquentes de crises à la suite d’un stress, d’un effort ou la mise en contact d’un agent sensibilisant avec la paroi bronchique. Lors d’une crise, la réaction inflammatoire entraîne le gonflement de la paroi bronchique, la contraction des muscles lisses respiratoires et la production de mucus par l’épithélium, ce qui rétrécit le diamètre bronchique et est à l’origine de symptômes respiratoires (passage de l’air difficile, respiration sifflante, sensation d’étouffement). Une crise d’asthme est généralement réversible en quelques minutes. Mais la répétition des crises au cours du temps peut altérer la qualité de vie du malade. Lorsque le facteur déclenchant de la crise est un allergène, on parle d’asthme allergique. Le SI est activé de façon aberrant face à l’allergène ce qui provoque les symptômes bronchiques décrits. Au cours d’une dysbiose, l’interaction entre des souches bactériennes inhabituelles du MI intestinal et le SI de l’enfant peut être à l’origine d’une production anormale d’IgE qui sensibilise à l’asthme ou aux maladies respiratoires allergiques.

La caractérisation moléculaire du méconium d’enfants montre déjà un lien entre faible diversité bactérienne et risque de développer des MA plus tard. L’analyse d’une cohorte de 20 nouveau-nés nés en Espagne a montré que des enfants présentant un MI caractérisé par une faible diversité

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d’espèces et une domination par des bactéries lactiques, avaient plus de chances de développer des affections respiratoires à l’âge de 4 ans (p = 0,040). Un méconium dominé par des bactéries entériques (comme E. coli) était quant à lui corrélé à de l’eczéma atopique chez la mère (p = 0,038) (Gosalbes, 2013).

Abrahammson et son équipe, qui avaient déjà évalué l’influence de la composition du MI avec l’eczéma infantile, a proposé en se basant sur une étude clinique, d’étudier l’influence du MI du nourrisson sur l’apparition d’asthme plus tard durant l’enfance. Par la méthode du pyroséquençage de l’ARN 16S, ils ont caractérisé le MI d’une cohorte de 47 nourrissons à 1 semaine, 1 mois et 1 an de vie qui seraient soumis, à 7 ans, à un prick-test. Les enfants qui ont développé un asthme à 7 ans présentaient une plus faible diversité de microbiote à 1 semaine et à 1 mois que les enfants non asthmatiques. Toutefois, il n’y avait pas de différence significative au sein des genres et phyla entre les enfants (Abrahamsson, 2014).

D’autre part, la dysbiose du MI a été associée à des réponses IgE responsables de manifestations allergiques des voies respiratoires chez l’enfant. L’analyse génomique de selles d’enfants sur la base de la méthode ARN16S, montre que les sujets asthmatiques ou atteints de rhinite allergique ont une proportion de Firmicutes plus basse que les sujets contrôle. Le genre Clostridium, abondant chez les sujets allergiques, était positivement corrélé aux niveaux d’IgE fécales des enfants asthmatiques. Les niveaux d’IgE fécales étaient quant à eux fortement corrélés à la présence d’IgE sériques dirigées contre des espèces d’acariens domestiques (Dermatophagoides pteronyssinus et Dermatophagoides farinae) (Chiu, 2019).

Ces résultats semblent souligner l’importance du MI dans le genèse de l’allergie et suggèrent qu’une dysbiose précoce entraîne chez l’enfant un terrain inflammatoire lié à des réponses exagérées vis-à- vis du MI. La dérégulation du SI au niveau local et systémique sensibilise l’individu aux MA du fait d’une surexpression de cytokines pro-inflammatoires et d’une production accrue d’IgE.

III.4 Microbiote et obésité ?

III.4.1 Définition de l’obésité

D’après l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le surpoids et l’obésité se définissent comme une accumulation anormale ou excessive de graisse corporelle qui représente un risque pour la santé. Un moyen simple de diagnostiquer l’obésité dans la population est le calcul de l’Indice de Masse Corporelle (IMC). Celui-ci correspond, pour un individu, à son poids (exprimé en kg) que divise le carré de sa taille (exprimée en mètres). Le chiffre obtenu permet de classer les individus.

L’OMS considère généralement une personne ayant un IMC de 30 ou plus comme étant obèse. Une personne dont l’IMC est compris entre 25 et 30 est considérée comme étant en surpoids. L’IMC est une mesure très utile car son calcul est le même quels que soient le sexe, l’âge et la taille du sujet. Il s’agit toutefois d’une mesure approximative car il ne donne pas d’information sur l’adiposité (https://www.who.int).

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Figure 49 : Calcul de l’IMC et classement en fonction du résultat (http://dietetique.1ere-page.net/).

Une personne est considérée « normale » lorsque son IMC est compris entre 18,6 et 24,9. On parle généralement d’obésité pour un IMC supérieur ou égal à 30.

III.4.2 Etiologie de l’obésité et risques pour la santé

L’obésité est considérée comme une maladie chronique d’évolution pandémique. A l’échelle mondiale, le nombre de cas d’obésité a quasiment triplé depuis 1975. On estime qu’en 2016, plus d’ 1,9 milliards d’adultes étaient en surpoids, et 650 millions étaient obèses. En France, le nombre d’obèses a augmenté régulièrement depuis les années 1990 pour atteindre en 2016 plus de 15% de la population. Selon la même étude, le surpoids concernerait près de la moitié de la population (http://invs.santepubliquefrance.fr). Autrefois considérés comme propres aux pays riches, le surpoids et l’obésité augmentent désormais de façon spectaculaire dans les pays en développement, surtout en milieu urbain, du fait des modification des habitudes de vie (https://www.who.int/fr/) Le surpoids et l’obésité sont des facteurs de risque majeurs pour un certain nombre de maladies chroniques comme l’hypertension et les maladies cardio-vasculaires (accidents vasculaires et cardiopathies), le diabète de type II et les troubles musculosquelettiques (ostéoarthrite). Ils peuvent en outre favoriser l’apparition de certains cancers (endomètre, sein, côlon). Dans tous les cas, ces affections provoquent des décès prématurés et une incapacité plus ou moins importante. (https://www.who.int/fr/). L’OMS estime que le risque pour la santé commence dès l'apparition d'une surcharge pondérale même très légère et qu'il augmente avec le poids.

On associe généralement la survenue de l’obésité à une alimentation trop riche et/ou à un manque d’activité physique qui conduit à un excédent énergétique. Cependant, pour une même hygiène de vie, tous les individus ne développeront pas d’obésité, certains se montrant plus sensibles que d’autres à la prise de poids et aux altérations métaboliques. Ces susceptibilités individuelles sont bien entendu liées au génome, mais peuvent aussi s’expliquer par l’influence du MI hébergé par un individu.

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III.4.3 L’implication du microbiote intestinal dans l’obésité

Des recherches actuellement en cours sur l’obésité tentent d’identifier, au-delà des facteurs environnementaux (nutrition et mode de vie sédentaire), des causes intrinsèquement liées à l’individu, susceptibles d’influencer son métabolisme et sa balance énergétique. L’une des hypothèses avancées est celle d’un MI délétère, inné ou acquis, capable d’influencer directement l’apport énergétique de l’hôte par l’extraction énergétique, ou indirectement via la production de métabolites actifs.

D’importantes différences de composition du MI ont été identifiées chez les patients souffrant de dysfonctionnements métaboliques et inflammatoires associés à l’obésité, en comparaison avec des individus sains. On sait aujourd’hui qu’il existe, au sein du MF de l’Homme obèse, de la même manière que chez les souris, des niveaux plus grands de Firmicutes et plus bas de Bacteroidetes, en comparaisonaux sujets minces (Turnbaugh, 2006). En outre, tout changement durable dans le mode de vie ou l’alimentation est susceptible de modifier le microbiote et son interaction avec l’hôte (Le Bourgot, 2016). Chez un même individu, la perte de poids semble corrélée avec l’augmentation de la proportion de Bacteroidetes (Turnbaugh, 2006), (Backhed, 2005).

III.4.3.1 Microbiote et dérégulation métabolique

C’est en s’appuyant sur le rôle exercé par le MI sur le métabolisme des lipides et le stockage des graisses, que certaines publications scientifiques ont suggéré un lien entre MI et obésité. Des résultats parus en 2006 dans la revue Nature en 2006 suggèrent que les bactéries intestinales favorisent modifient la capacité de stockage des graisses. Le lien microbiote-obésité serait lié à l’induction par le microbiote de la lipogenèse hépatique qui précéderait le stockage des triglycérides dans les adipocytes (figure 50). La comparaison du MI d’individus « génétiquement » obèses avec celui d’individus minces a montré, que ce soit pour des modèles humains ou animaux, de profondes différences de composition, concernant en particulier les deux phyla bactériens dominants : Bacteroidetes et Firmicutes, dont l’analyse métagénomique aurait révélé des avantages sélectifs à utiliser certains nutriments (captation et métabolisation des sucres simples) (Turnbaugh, 2008) Ces différences influent sur le métabolisme de l’individu avec, chez l’obèse, une capacité plus grande à extraire l’énergie des aliments (Turbaugh, 2006).

Des travaux ont confirmé le rôle joué par le MI dans la survenue de l’obésité. La transplantation du microbiote caecal de souris obèses pour lesquelles on a induit l’obésité par un régime hypercalorique vers des souris minces a entraîné chez ces dernières le développement d’un phénotype obèse. (Turnbaugh, 2008). L’augmentation de leur adiposité est directement liée à la capacité augmentée d’extraire de l’énergie (calories) de leur alimentation. Cela suggère que dans certaines conditions, le MI peut suffire à induire un phénotype obèse en augmentant la disponibilité calorique des aliments. Par ailleurs, l’implantation chez des souris axéniques, d’un microbiote de type « normal » (non associé à un phénotype mince ni obèse) extrait du caecum de souris élevées dans des conditions

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standard, a ailleurs entraîné une augmentation de 60% de la masse grasse ainsi qu’une insulinorésistance chez ces dernières. Ces résultats étaient observables après 14 jours, malgré la réduction de la prise alimentaire. Ces effets seraient attribuables au MI nouvellement implanté qui favorise l’absorption de monosaccharides dans l’intestin, avec pour conséquence des pics d’insuline plus fréquents et l’induction d’une lipogenèse hépatique de novo (Bäckhed, 2004) (figure 50).

III.4.3.2 AGCC bactériens et obésité

Comme évoqué précédemment au cours de ce travail, les AGCC issus du métabolisme bactérien ont une influence sur le métabolisme glucidique et lipidique de l’hôte, et un lien a été établi récemment entre la production d’AGCC par le MI et la survenue de l’obésité chez l’hôte. Chez les souris obèses soumises à un régime hypercalorique, l’augmentation des niveaux d’acétate et de butyrate intestinaux est liée à une capacité d’extraction énergétique augmentée. Ce changement est le fait d’une modification de l’expression génique lors du régime, qui devient favorable à l’utilisation de sucres simples (Turnbaugh, 2006).

Une étude basée sur le volontariat a mesuré chez 98 sujets (dont 30 minces avec un IMC< 20 ; 35 en surpoids avec un IMC compris entre 25 et 30 ; et 33 obèses avec un IMC > 30) la concentration des AGCC dans les selles. Il en est ressorti que les individus obèses et ceux en surpoids avaient une concentration en AGCC respectivement plus élevée de 20% et de 5% que celle des sujets minces. D’un point de vue qualitatif, le profil des AGCC était en faveur du propionate chez les sujets obèses et en surpoids. Le MI montrait quant à lui des différences avec une orientation du profil en faveur du phylum Bacteroidetes pour les sujets en surpoids (p= 0,001) et obèses (p= 0,005) (Schwiertz, 2010). L’augmentation des niveaux d’AGCC chez la femme obèse a été relié aussi à certains marqueurs du syndrome métabolique. Il existe une corrélation positive entre l’augmentation des niveaux d’AGCC fécaux et l’apparition de marqueurs tels que l’adiposité, le tour de taille et l’insulinorésistance (caractérisée par l’index HOMA). Ces résultats étaient vérifiables pour chacun des trois acides gras (acétate, propionate, butyrate) qui étaient environ deux fois plus concentrés chez les femmes obèses que chez les femmes contrôle, minces (Teixeira, 2013), (Khan, 2016).

Cependant, quelques données nous permettent de nous questionner sur le lien entre l’augmentation des AGCC et l’obésité. La production de ces derniers est généralement liée à un régime riche en fibres végétales or un apport élevé en fibres s’oppose à la prise de poids par plusieurs mécanismes. Elles agissent tout d’abord comme un « coupe-faim » et réduisent la prise alimentaire. Les polysaccharides sont des composés osmotiquement actifs et leur présence dans le bol alimentaire conduit plus rapidement à l’état de satiété. Leurs caractère hydrophile (elles attirent l’eau) et osmotique font qu’elles occupent un volume plus important dans le TD par l’adsorption d’une grande quantité d’eau. Deuxièmement, elles ralentiraient la digestion du bol alimentaire et par conséquent l’absorption de nutriments (notamment le glucose) ce qui expliquerait par exemple la diminution de l’intensité des pics glycémiques et la production d’insuline (hormone de stockage) qui en découlent. Au niveau intestinal, les fibres, par un effet mécanique, s’opposent à l’absorption des graisses lors d’un repas

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riche en lipides. Enfin, un apport régulier en fibres végétales favorise l’apparition d’une flore bénéfique par modulation des entérotypes. Selon une étude, les AGCC ainsi produits par cette flore seraient associés à une diminution des désordres métaboliques et à une baisse de l’incidence de l’obésité et d’autres maladies métaboliques (Slavin, 2005), (InterAct Consortium, 2005).

Un lien bénéfique semble par ailleurs avoir été démontré entre l’augmentation de la production d’AGCC dans l’intestin et la régulation du métabolisme glucidique et l’incidence d’un diabète de type II. Le suivi d’une large cohorte d’individus issus de 8 pays européens a montré qu’un apport élevé (> 26 g/j) de fibres végétales (céréales, légumes) réduisait de 18% l’incidence du diabète de type II en comparaison avec un apport moindre (<19 g/j) sur une durée de 10 ans. Ces effets étaient attribuables à un meilleur contrôle glycémique par les fibres qui diminuent la glycémie post-prandiale et les pics d’insuline, tout en améliorant la sensibilité à l’insuline.

III.4.3.3 Microbiote et régulation de la lipoprotéine lipase

La LPL est une enzyme de la famille des lipases qui intervient dans le métabolisme des lipides. Elle se trouve essentiellement au niveau du TA et des muscles striés squelettiques, mais aussi au niveau des glandes mammaires ou encore à la surface de l’endothélium. Son rôle est d’hydrolyser les triglycérides issus de l’alimentation, présents dans le courant sanguin au sein de volumineuses structures : les chylomicrons et les lipoprotéines. L’hydrolyse des triglycérides sanguins libère des AG directement assimilables par les tissus de l’organisme.

Cette enzyme joue un rôle important dans le métabolisme lipidique. Elle influence directement l’adiposité en jouant sur la disponibilité et le stockage des AG, hautement énergétiques. Une augmentation de son expression participe à l’adiposité et à la prise de poids. La LPL est dite hormonodépendante car son activité est sous le contrôle de certains facteurs hormonaux.