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3.1 Relations Internationales et historicité de l’État-Nation

3.1.2 Sociologie politique de l’État en Afrique sub-saharienne

3.1.2.1 Trajectoires historiques des formes d’État-nation

Disons d’emblée que la récusation systématique de l’approche et de l’idéologie culturalistes est la condition sine qua non de l’analyse politique des pratiques dites culturelles. Le deuxième risque porte sur le bonus indu que les cultural studies accordent au registre du discursif, en négligeant tant la matérialité que la corporéité des pratiques sociales.[...] la prise en considération des pratiques et des représentations culturelles, de l’activité symbolique et […] saisies dans leur historicité, est en effet un impératif [...]cette dimension est bien constitutive des rapports de pouvoir, d’exploitation ou de solidarité. Le concept d’hégémonie, chez Gramsci, ne dit pas autre chose. (Bayart, 2008:13).

A partir des enjeux épistémologiques que Agnew a soulevé en termes d’universalisation abstraite et ethnocentrique des catégories politiques européennes, les travaux de Bayart vont permettre de montrer qu’elles ont été hybridées dans les pratiques gouvernementales nées du processus de

« vulgarisation du pouvoir » concomitant du principe de gouvernement indirect qui prévalait sous l’ère coloniale. Il va s’agir ici de se pencher sur les formes culturelles du pouvoir en tant que résultat de cette « Rencontre coloniale », en cherchant à les décrire dans leur performativité politique à travers la notion d’hégémonie. La notion d’extraversion permettra d’aborder les enjeux d’économie politique de la dépendance des élites politiques africaines aux rentes provenant de l’extérieure du territoire, alors même que les nationalismes africains ont servi à articuler une hétérogénéité d’acteurs autour du projet d’indépendance. Cependant, l’historicité des trajectoires étatiques ne permet pas d’imaginer une rupture radicale avec les stratégies d’extraversion culturelles, économiques et politiques des élites cooptées sous le gouvernement colonial.

Ainsi, par exemple, si le postulat de l’ « État-conteneur » comme représentant neutre de l’intérêt collectif de la Nation en montrant n’est pas une notion pertinente épistémologiquement pour décrire la complexité et la diversité des trajectoires des états-nations africains, il reste cependant un instrument politique essentiel, une forme culturelle du pouvoir, en revendiquant le rôle de l’État-nation de représentant de l’Intérêt supérieure de la Nation. Cette tension entre l’inadéquation des catégories politiques « classiques » et cependant leur instrumentalisation par les acteurs politiques est caractéristique des « sociétés politiques africaines » marquées par la Rencontre coloniale. Au même titre, Bayart montre que la notion de souveraineté est une ressource d’extraversion, c’est-à-dire que l’affirmation de la souveraineté de l’autorité d’un État sur son territoire sert bien souvent de moyens,

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pour des acteurs « gatekeeper »20 placés à l’interface entre le territoire national et la scène internationale, d’extraire une certaine rente à partir de relations qui précisément circonviennent à la notion d’exclusivité de l’autorité d’un État sur son territoire, que ce soit par la mise en place d’une économie d’extraction, des conditionnalités liées à l’aide au développement, de type Plan d’Ajustement Structurel, ou plus récemment d’une énième « réforme » dans le « state-building » sous le couvert de la « bonne gouvernance ».

Notre paradigme [de l’extraversion] permet notamment de dépasser la distinction stérile entre la dimension interne des sociétés africaines et leur insertion dans le système international, […] Le rapport de l’Afrique au monde […est] consubstantiel à sa trajectoire historique. Il ne fait d’ailleurs qu’amplifier l’une des données fondamentales de la globalisation, qui se déploie à l’interface entre les relations internationales ou transnationales et les processus internes des sociétés politiques. (Bayart1999:105).

Ainsi, selon Bayart, l’hétérogénéité des nations africaines en termes d’identités d’appartenances est ainsi le produit de processus complexes liés au « moment colonial ».21 Pour se donner les moyens d’appréhender cette hétérogénéité des « sociétés politiques » africaines, il faut rompre avec l’imaginaire colonial qui vouait les colonisés à être les victimes réactives de la domination coloniale.22 Même le concept de résistance ne laisse que peu de place pour concevoir un agir politique des colonisés qui ne soit pas univoquement orienté contre les colonisateurs, sans prise en compte des rapports de pouvoir internes propres aux sociétés africaines.23

In the political science literature the term 'nation-state' is often used as synonymous with territorial state. This seems innocent enough, except that it endows the territorial state with the legitimacy of representing and expressing the 'character' or 'will' of the nation.(Agnew, 1994 :59).

La relation de l’État à la « société »24 sur laquelle il exerce son autorité est le point d’entrée de l’analyse et non pas une évidence intrinsèque au binôme État-Nation indivisible que la notion d’un

« État-conteneur » implique. Si l’on suit Gramsci lorsqu’il décrit l’État comme l’addition de la société politique et de la « société civile », cette dernière ne semble guère pouvoir prétendre à une autonomie

20 (Reno, 1999).

21 Une telle hétérogénéité est certainement moins apparente dans les nations européennes. Il serait tout-à-fait pertinent de se pencher sur la violence éthnicide dont ces nations considérées unifiées sont le résultat – intimement liée au processus de centralisation dont l’État moderne est le produit contingent.

22 « En outre, elles réduisent l’historicité de la société colonisée à son interaction avec l’État colonial, sans voir ce qui s’y dérobe, ni la relation dialogique du rapport au champ colonial avec des durées sociales indépendantes » (Bayart, 2009 :38).

23 « The dyad of resistor/oppressor is isolated from its context; struggle within the colonized population […]is "sanitized";

[…] multi-sided engagement with forces inside and outside the community, are narrowed into a single framework » (Cooper, 1994:1533).

24 « 'society' means in international political economy what it means in most everyday usage: the social order or organization within the territory of a state. [...]This reinforces the totalizing power of the territorial state as a primal force; everything is subordinate to it » (Agnew 1994:68).

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par rapport à l’État.25 Au contraire, la notion de « société civile », comme les acteurs se voulant ses représentants, participerait à la légitimation de l’ordre étatique dans la mesure où elle participe de son hégémonie.

Aussi, les trajectoires historiques contingentes de constitution d’«états territoriaux », ou encore de « sociétés politiques » doivent être étudiées dans leur spécificité qu’une conception trop positiviste, idéal-typique, de l’État-nation n’est capable de décrire. Elle pourrait même être taxée de contribuer à une certaine cécité par rapport à ces formes dans leurs spécificités historiques. L’usage a-réflexif de ce modèle, s’il ne voue pas forcément l’analyse en termes d’État-nation à la contemplation de son propre reflet, peut cependant nourrir des points de vue misérabiliste, par exemple la caractérisation de ces trajectoires historiques en tant qu’échecs de « l’importation »26 de l’État, ou encore, lorsque le discours développementaliste se contente de caractériser ces états de « failing states ». Dans les deux cas, c’est risquer de ne pouvoir que constater le décalage par rapport à un modèle, plutôt que de se doter des outils pour caractériser ces formes étatiques. Ainsi, le postulat a priori d’une homologie constitutive entre l’instance étatique et la Nation dans le canon de l’État-nation est l’un des postulats qu’il s’agit de déconstruire au travers de l’analyse des Etats dans leur historicité :

D’une part, des groupes sociaux ont instrumentalisé les nouvelles institutions politiques et ressources économiques au service de leurs desseins propres en matière d’accumulation de richesses ou de pouvoir, et ce au détriment (ou en contradiction avec) d’autres groupes sociaux (ou d’autres sociétés politiques.) D’autre part, ils se sont approprié les idées, les savoirs, les représentations culturelles, les pratiques sociales des étrangers en les mélangeant à leur propre Weltanschauung et en donnant naissance à des « significations sociales imaginaires » spécifiques, irréductibles aussi bien à la fidélité à on ne sait quelle authenticité primordiale de l’autochtonie qu’à l’imitation mécanique de l’Autre, et conceptualisables en termes d’ « hybridation » ou de « métissage. (Bayart, 2008:5).

Ainsi, si les trajectoires historiques des pays africains ont produit de nouvelles formes d’organisation de leurs « sociétés politiques » au travers et par-delà la « Rencontre Coloniale », elles ne sont ni le pur produit d’une importation, d’ « une greffe » des institutions occidentales, ni les palimpsestes de formes traditionnelles résiduelles qui auraient résisté, du fait d’une quelconque inertie intrinsèque, à la colonisation. Il n’y a pas eu de table rase des sociétés antérieures à cette Rencontre.

Celle-ci a été le lieu de processus de luttes politiques, de rivalités entre des groupes sociaux africains, stratégies politiques irréductibles à la domination coloniale et à son pendant réactif, la résistance.

L’analyse en termes d’historicité des sociétés politiques implique ainsi de considérer les filiations liées autant à des « hors-champs » propres aux sociétés africaines qu’à l’occupation coloniale.27

25(Gramsci, Prison notebooks,:263, cité dans (Germain et Kenny, 1998 :15).

26 Badie, Bertrand. L’État importé: l’occidentalisation de l’ordre politique. Fayard, 1992.

27 « la colonisation n’a jamais été en mesure d’araser l’historicité propre des sociétés africaines ou asiatiques :[…] son gouvernement indirect supposait l’intermédiation de forces sociales et politiques indigènes dont elle a souvent conforté la mise » (Bayart, 2009 :32) .

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De nouvelles formes de gouvernementalité ont émergé, produits hybrides des rivalités internes aux sociétés colonisées, autant que processus de résistance ou de cooptation des acteurs colonisés aux politiques coloniales. Ce processus d’hybridation des rationalités politiques doit être analysé en termes de formes culturelles, c’est-à-dire incorporées, du pouvoir, pour éviter l’écueil d’une lecture trop instrumentale et intentionnaliste des comportements stratégiques des élites politiques africaines.

Pour saisir cette complexité, il est nécessaire d’esquisser certains principes ayant caractérisés le

« moment colonial » et dont les sociétés politiques africaines contemporaines sont le produit historique.

Ainsi, la colonisation a été un moment de luttes politiques internes aux sociétés colonisées sur l’enjeu de la captation de rentes liées à la prise de position dans les institutions de l’État colonial, mais également dans le processus d’hybridation des instances « traditionnelles » telles qu’elles se sont constituées dans la « rencontre coloniale ». La notion de vulgarisation du pouvoir28 cherche à saisir ces processus d’institution de l’État-colonial, non pas comme une domination impériale univoque à laquelle les colonisés auraient réagi, mais, au contraire, en considérant que les colonisés ont été des acteurs politiques à part entière de ces luttes, pleinement « modernes », les registres discursifs dont ils usent fussent-ils « traditionnels ».

[...La] tradition codifiée se durcit inévitablement en un sens qui avantageait les intérêts particuliers en place à l'époque de sa codification. La manipulation de la coutume codifiée et réifiée par ces groupes qui défendaient leurs intérêts particuliers avait pour but d'affirmer ou de renforcer leur pouvoir. (Ranger, 2006: 269).

Ranger affirme ainsi que les traditions africaines n’étaient non pas intrinsèquement des formes culturelles immuables et immémoriales, mais qu’au contraire cette forme rigidifiée est le résultat de la rencontre du néo-traditionalisme européen importé par les colonisateurs (son caractère « inventé » et formalisé le rendant intrinsèquement enclin à une certaine rigidité) et de comportements stratégiques d’acteurs « colonisés » qui ont pu y trouver une ressource de légitimation de leur position sociale. Ainsi, les acteurs des territoires colonisés n’étaient pas irrévocablement pris dans des traditions figées réagissant au « Progrès » colonial par inertie et incapacité à saisir l’opportunité de progresser, contrairement à la représentation misérabiliste de traditions sclérosées qu’en a construit le discours colonial.29

28 « La vulgarisation du pouvoir, […] est associée au rapport que les groupes sociaux entretiennent avec le pouvoir d’État et désigne plus particulièrement les stratégies de captation des politiques publiques par des groupes particuliers [...]

Elle est également susceptible de recouvrir les stratégies d’investissement de la situation coloniale par les groupes sociaux autochtones[..] » (Bayart, 2008:20).

29« Les traditions inventées européennes se caractérisaient par leur inflexibilité. […]Dans ces circonstances, quand les Européens pensaient à la coutume en Afrique, ils lui attribuaient naturellement les mêmes caractéristiques. [ils pensaient que] la société africaine était profondément conservatrice : vivant selon des règles immémoriales et immuables, conformément à une idéologie basée sur l'absence de changement. […]Le problème de cette approche est qu'elle faisait intervenir une conception totalement erronée des réalités de l'Afrique précoloniale » (Ranger, 2006 : 263).

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La vulgarisation du pouvoir […] nous parle alors, implicitement, de l’ « invention de la tradition

» par laquelle se noue la « rencontre » ou le « dialogue » colonial, se légitime la « domination

» des élites autochtones et allogènes et s’ « imagine » la nation comme « habitacle » de la servitude bureaucratique. (Bayart, 2008:20).

Cette invention de la tradition n’est ainsi pas le pur produit d’une importation du néo-traditionalisme européen. Elle est le produit des rivalités entre les acteurs colonisés. Certains ayant pu se légitimer dans le processus de cette réinvention du « matériel » culturel propre aux sociétés colonisée. Il est nécessaire de considérer cette hétérogénéité des historicités, des systèmes de croyance qui caractérisait la « rencontre coloniale », c’est-à-dire que les historicités dans lesquelles s’inscrivent les colonisés sont irréductibles aux historicités des colonisateurs. Cependant, cette « Rencontre coloniale » a été le lieu de projets universalistes de dépassement de ces « incommensurabilités » qui ont servi de terreau à la formation de l’État colonial par l’entremise de formes culturelles communes, les catégories politiques hybridées dans le processus de « vulgarisation du pouvoir ».

Les élites cooptées des pays colonisés ont ainsi été des acteurs à part entière, stratégiquement impliqués dans l’émergence d’hégémonies30 lors du « moment colonial », que ce soit par l’entremise de processus d’invention de la tradition, des projets nationalistes ou encore par l’incorporation du discours du Progrès. Ainsi, l’approche historiciste exclut d’adhérer aux mythes d’une « innocence » des colonisés face à la colonisation ou d’une « innocence » de l’État comme représentant de la nation.

Autant la critique du postulat de l’État-conteneur des RI par Agnew que l’analyse en termes de trajectoires historiques mettent à mal toute conception consensuelle de la relation État et nation. L’État en Afrique a été et y est, comme ailleurs, un lieu de pouvoir et donc un espace et un enjeu de lutte.

La notion de vulgarisation du pouvoir permet de décrire ce processus d’hybridation qui a amené à la formation de l’État colonial. Elle rejoint la notion gramscienne d’hégémonie en tant qu’elle recouvre les enjeux symboliques du pouvoir, c’est-à-dire le bras culturellement armé de la domination politique. Elle partage certains traits avec la notion de gouvernementalité de Foucault, quoi que celle-ci ne semble pas la plus à même de rendre compte des luttes inhérentes à des processus hégémoniques, s’intéressant plutôt aux instruments de régulation, qu’aux luttes qui les ont fait naitre31.

In the gramscian sense, hegemony describes a process of struggle rather than an existing state of consensual domination that is continually produced and reproduced. (Mumby 1997 : 365).

Ainsi, un processus hégémonique ne saurait être figé, quand bien même dans sa forme, il se doit de se revendiquer comme immuable évidence. Dans la mesure où les équilibres des différents groupes sociaux évoluent en permanence et où les coalitions peuvent donc à tout moment se reconfigurer en fonction des acteurs qui réussissent à imposer leurs « concepts hégémoniques », cette « guerre de

30 « La vulgarisation du pouvoir.[...] recoupe la problématique gramscienne de l’hégémonie. » (Bayart, 2008:20).

31 (Sibille, 2006 : 5-6).

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position » permanente alimente « the persistence of ideologically hegemonic concepts, the destruction of formerly ideologically hegemonic concepts, or the emergence of new ones » (Trottier, 2003:2) ] La notion de contre-hégémonie est utile pour décrire ces luttes dans le champ de légitimation de l’exercice du pouvoir politique. Dans une approche en termes de « narratives », la notion d’ « interférence discursive » rend également compte de résistance que tout projet de totalisation d’un espace social ne manque pas de rencontrer.

Ideologically hegemonic conceptions provide stabilizing distortions and rationalizations of complex realities and arbitrary distributions of valued resources. They are presumptions that exclude outcomes, options, or questions from public consideration; thus they advantage those elites well positioned to profit from prevailing cleavage patterns and issue definitions.

(Lustick, 1993 :121)

Ainsi, l’hégémonie est un processus de légitimation de certaines conceptions et positions par rapport à des enjeux collectifs favorables à certaines coalitions d’acteurs politiques qui se légitiment en produisant ce discours institué, hégémonique. Précisément, l’hégémonie, c’est le processus de violence symbolique poussé à son maximum, où son institutionnalisation est telle que les réponses à certains enjeux les plus importants pour ces élites ne sont précisément plus considérés comme problématiques et discutables collectivement, mais comme des évidences acceptées tacitement. Ainsi, sur un principe analogue à la notion de paradigme, ce cadre définit ce qui est dicible politiquement, comment quelque chose peut le devenir et ce qui n’a pas de raison de l’être.32

La difficulté est alors d’appréhender simultanément l’irréductible incommensurabilité des durées constitutives des sociétés lors du moment colonial (ou postcolonial) et les processus de formation d’échelles de commensurabilité qui sont inhérents aux entreprises impériales, quels que soient les concepts par lesquels on les désigne : recherche hégémonique ou hégémonie, gouvernementalité, savoir colonial, marché ou « mission civilisatrice» ! (Bayart, 2009 : 35).

Le caractère processuel de la notion d’hégémonie implique de considérer ces « échelles de commensurabilité» comme les produits de « transactions hégémoniques » entre colonisateurs et colonisés et au sein des sociétés colonisées, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas le produit univoque de la domination coloniale, « il y a place pour la transaction, fût-ce sous le glaive de la coercition, ce que suppose au demeurant le concept d’hégémonie ».33

[This] group social group can become dominant and gather state power in its hands only if it succeeds in developing its hegemony within the civil society by persuading the subordinate groups to accept the values and ideas that it has adopted and by building a network of alliances based on these values. (Trottier, 1995: 2).

32« sanctioned discourse as ‘a normative delimitation separating the types of discourse perceived to be politically acceptable from those that are deemed politically unacceptable at a specific point in time’ » (Warner, Zeitoun, 2008 :806).

33 (Bayart et Bertrand, 2005:63).

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La notion gramscienne d'hégémonie ne décrit pas un processus circonscrit au territoire national,34 au contraire du monopole de la violence symbolique tel que défini par Bourdieu. Elle a trait aux processus culturels de pouvoir par lesquels différentes coalitions d’acteurs politiques, ou « blocs historiques » ont été à même d’instituer des conceptions qui les ont légitimé dans leur captation de l’appareil étatique. Une dimension importante à cette notion, c’est l’idée que chaque bloc historique, en tant que produit contingent de chaque trajectoire historique, donne lieu à une forme étatique spécifique.35 Ainsi, dans ce processus transnational d’émergence de la forme de l’État-Nation, malgré le monopole de cette forme en tant que modèle de « société politique »36, il ne faut pas perdre de vue cette contingence qui contredit la violence symbolique de réduction qu’exerce le modèle de l’État-territorial face à la diversité qui a émergé des trajectoires de vulgarisation du pouvoir propres notamment à l’Afrique sub-saharienne. Les notions de nationalisme et d’extraversion, en tant qu’elles seront étudiées dans leur caractère hybride, fruit de pratiques vont servir à illustrer comment certaines formes étatiques ont émergé suite à l’historicité des blocs historiques ayant monopolisé l’État.