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Even between states conflict and cooperation are not so straightforward. Rather than an either/or an evolutionary continuum, conflict and cooperation can co-exist, and be oscillatory, and persistently partial phenomena. […] Looking beyond an interstate conflict-cooperation framework, the LHWP exhibits strong evidence of collusion on the part of elites across both countries to the benefit of the wealthy at the expense of more marginalized citizens. There, cooperation and conflict are occasionally between, but consistently across the states involved. (Furlong, 2006:455-51).

Le Lesotho Highlands Water Project est un très important projet d’infrastructures hydrauliques entre le Lesotho et l’Afrique du Sud. Il est destiné à alimenter la région du Gauteng, centre névralgique du pays, autant aux niveaux économique et politique qu’en termes de population. La construction des premiers éléments d’infrastructure a démarré en 1986 après la signature du Traité fondateur du Projet. Les deux plus importants barrages du Projet, le Katse Dam et le Mohale Dam, sont déjà en fonction depuis une décennie. A son terme, prévu autour de 2020-2030, il est prévu que des barrages soient construit sur tous les principaux cours d’eau du Lesotho et que près de la moitié des flux soient détournés vers l’Afrique du Sud. Il couvre déjà à l’heure qu’il est près de la moitié des besoins en eau du Gauteng. L’eau ainsi transférée de barrages en barrages, passe par un tunnel de près de 50 km creusé au travers du massif des Maloti, pour atteindre une rivière côté sud-africain, avant d’être à nouveau transférée par divers infrastructures hydrauliques jusqu’au Vaal Dam, principal réservoir de la région et barrage mythique de la période de Grande Hydraulique d’avant-guerre. Cette eau atteint la région de Johannesburg après près de 500km !

Il est nécessaire de faire une contextualisation historique qui exposera l’évolution du WD et du processus de sécuritisation-désécuritisation dans la notion de transferts d'eau entre le Lesotho et l'Afrique du Sud qui ont été mis à l'étude depuis les années 1950 déjà. Cela permettra d’illustrer plus

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concrètement en quoi des contextes discursifs et des circonstances politiques régionales radicalement différentes ont pu amener à des approches et justifications effectivement différentes d'infrastructures de transfert d’eau transfrontalière. Cependant, il va être intéressant de relever qu’un trait est commun aux différents projets envisagés, ils sont présentés officiellement comme ne relevant que de questions techniques et économiques, et d’enjeux d’accès à l’eau, alors que précisément ils étaient intimement liés à des enjeux politiques et idéologiques. Cela sera une première occasion d’observer le principe de purification qui naturalise la configuration du stress hydrique en Afrique australe et entend y répondre de manière strictement technique, pour des nécessités purement objectives de lutte contre cette rareté.

Par la suite, il s'agira de décrire le processus de négociation qui a débouché sur la signature du Traité du Lesotho Highlands Water Project en 1986 autour de certains enjeux particulièrement éclairant sur les relations entre les parties signataires du Traité, qui ont structurés l'élaboration et la mise en œuvre de ce projet. Par exemple, l'enjeu majeur du financement des politiques de mitigations et de prise en charge pour les populations qui ont perdu leurs terres est resté irrésolu, du fait d'une réticence de la part des partenaires sud-africains. De telles carences dans ce Traité ont laissé la porte ouverte à l’ingérence de l’Afrique du Sud dans les volets développementaux du Projet, dont les premiers à en souffrir ont été les communautés rurales du Lesotho. Ces irrésolutions dans les dispositions mêmes du Traité sont mises en cause par Scudder (2005) dans l'échec des politiques de compensation qui seront mises en œuvre par la suite.105 En cohérence avec l’hypothèse de ce travail, cette « faiblesse institutionnelle » et cette réticence à s’engager dans le financement des politiques de compensation du Projet est considérée comme le signe d’une volonté, ou d’une non-volonté, c’est-à-dire d’un désintérêt, pour des enjeux et des populations marginalisées politiquement et symboliquement stigmatisées de par leur traditionalisme, de la part des négociateurs représentant le Lesotho, autant que de la part des négociateurs sud-africain.

Le but de ce développement sur les négociations est de permettre de mettre en avant comment ce Traité est la condensation des intérêts et rapport de pouvoir entre les acteurs qui en sont parties, nommément le gouvernement d'Afrique du Sud, le gouvernement du Lesotho et la BM, comme instance d’expertise, et a été un lieu central pour l’émergence d’une communauté d’interprétation soutenant le Projet. Cette communauté sera analysée en termes de convergence d’agenda et d’horizons d’attente dont les acteurs impliqués ont investis ce Projet, traduit en termes de bénéfices que les deux pays parties au Traité doivent espérer en retirer. C’est cet accord sur un intérêt commun, quoi qu’il en soit des déclinaisons particulières des bénéfices spécifiques que les acteurs espèrent en retirer, qui les amènent à la mise en œuvre d’un discours commun, un concept hégémonique qui leur permet

105« [Scudder believes] that the Bank’s resettlement policies, along with the 1986 Treaty’s emphasis on “maintaining”

living standards, are a major cause for an unsatisfactory resettlement process. » (Thamae & Pottinger, 2006:45).

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d’articuler leurs intérêts respectifs en instituant une rhétorique essentiellement indéterminée, afin de permettre l’inclusion la plus large possible de acteurs hétérogènes et de voiler les tensions et agendas par ailleurs concurrents qui ne peuvent manquer d’exister au sein de cette communauté hétéroclite.

Pour se faire, elle se doit de rendre opaque l’économie des pratiques que leur comportement stratégique alimente. C’est cette rhétorique, cette interprétation qui va être analysée en tant que concept hégémonique des « bénéfices partagés » à partir des processus politiques et des coalitions qui ont présidé à son élaboration. Dans un second temps, certains détails du Traité pourront être abordé lorsqu’il s'agira d’analyser les enjeux de prise en charge des populations contraintes à se réimplanter suite à la construction des barrages du Projet et de décrire les enjeux en termes de contre-hégémonie et de repolitisation du Projet que cette interprétation concurrente du Projet tente de performer.

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