• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE II :

1. Traduction/Traductologie : éléments définitoires

La distinction faite entre la traduction et la traductologie est celle qui sépare la pratique de la théorie. De nos jours, à l’époque de la globalisation et des échanges, de nombreux ouvrages, dans le monde entier, sont traduit attestant d’une nécessité permanente de transmettre le savoir dans tous les domaines. Cette activité de traduction suscite continuellement des réflexions, qui ne cessent de prendre de l’ampleur, sur les objectifs de la traduction, les différentes démarches des traducteurs et la distinction entre les domaines de traduction. Nous ne pouvons pas aborder de façon exhaustive toutes les théories de la traduction mais nous tenterons de donner brièvement quelques définitions sur la traduction en tant que pratique et sur la traductologie comme ensemble des travaux relatifs à des réflexions sur ce domaine.

La définition de la traduction est directement liée à la polysémie de ce terme, reflétée dans les typologies que certains ont proposées pour rendre compte de la diversité de cette activité.

Dans ce sens, Jakobson (1963) en distingue trois types :

1. La traduction intralinguale : il s’agit de procéder à une reformulation, plutôt à l’interprétation de signes linguistiques moyennant d’autres signes de la même langue.

2. La traduction interlinguale : celle-ci renvoie à la traduction d’une langue à une autre, par conséquent, à l’interprétation et l’expression des signes linguistiques d’une langue moyennant ceux d’une autre langue.

3. La traduction intersémiotique : elle s’occupe de l’interprétation des signes linguistiques au moyen de systèmes de signes non linguistiques.

Il s’agit pour nous de la traduction interlinguale que nous dénommons désormais traduction tout court. La notion de traduction est toujours associée à celle de traductologie.

65

Cette dernière regroupe toutes les activités théoriques qui se rapportent à la pratique de la traduction.

“La traducción más que un saber es un saber hacer; en este sentido, siguiendo la distinción de Anderson (1983) entre conocimiento declarativo (saber qué) y conocimiento procedimental u operativo (saber cómo), tendremos que calificar el saber traducir como un conocimiento esencialmente de tipo operativo y que, como todo conocimiento operativo, se adquiere fundamentalmente por la práctica” (Amparo Hurtado Albir 2004: 25).

La traduction, plus qu’un savoir, est un savoir faire, dans ce sens, et sur la base de la distinction faite par Anderson (1983) entre la connaissance déclarative (savoir quoi) et la connaissance opérationnelle (savoir comment). Savoir traduire doit être considéré, en tant que connaissance, essentiellement de type opérationnel. De ce fait, comme toute connaissance opérationnelle, ce savoir est fondamentalement acquis par la pratique41.

Par ailleurs, les études théoriques de la traduction interlinguale relèvent de la traductologie. “La traductologia es la disciplina que estudia la traducción; se trata pues, de un saber sobre la practica traductora. La traductologia es una disciplina científica…” (Amparo Hurtado Albir 2004: 25).

La traductologie est la discipline qui étudie la traduction. Il s’agit, par conséquent, d’un savoir sur la pratique de la traduction. La traductologie est une discipline scientifique…42

Dans le souci d’apporter des précisions concernant les discours existants sur la traduction, Jean René Ladmiral (2000) distingue quatre types de traductologie qu’il a établi en classant les travaux selon leur nature:

1.1.Traductologie prescriptive ou normative :

Les travaux portés sur cette traductologie sont d’inspiration littéraire ou philosophique comme les travaux réalisés par Walter « la tâche du traducteur » en 1923 ou ceux d’Henri Meschonnic (à partir de 1973, l’essentiel des travaux de cet auteur porte sur la traduction).

L’auteur inclut dans ce type les manuels de traduction les plus traditionnels. « Ces travaux ressortissent d’une réflexion sur le langage qu’on pourra dire idéologique ou philosophique,

41 Notre traduction

42Notre traduction

66

en un sens très large, dans la mesure ou elle illustre les diverses figures d’une idéologie spontanée concernant le langage » (Ladmiral 2000).

1.2. Traductologie descriptive :

Celle-ci se fixe un objectif didactique en s’inscrivant dans la linguistique appliquée selon une approche contrastive. C’est dans cette catégorie que l’auteur classe aussi bien les travaux de la stylistique comparée de J-P Vinay et Darbelnet (1968) et ceux de M. Ballard (1987) que les travaux qui se rapportent sur la théorie de la traduction proprement dite comme ceux de Georges Mounin ( 1963) et de J.C. Catford ( 1967). Cette traductologie considère la traduction comme produit, comme résultat ou comme effet.

1.3. Traductologie inductive ou scientifique :

Celle-ci s’appuie sur la psychologie cognitive en se fixant comme objet les activités mentales du traducteur. Ce n’est plus l’étude de traduction comme produit qui est l’objectif mais il s’agit de remonter à la source en étudiant la traduction au moment de sa réalisation.

Cette traductologie est tout à fait à ses débuts, elle ne dispose pas, pour l’instant, de théorie cohérente et expérimentale validée.

1.4. Traductologie productive :

L’auteur propose de classer l’ensemble des travaux qui se réalisent actuellement sur la traduction dans la catégorie de la « traductologie d’aujourd’hui » par rapport à celle de demain qui est la traductologie inductive. « La traductologie productive s’attache à prendre conscience de ce qui se passe dans la tête de ce traducteur que nous somme chacun de nous. Il y a là une approche qu’on pourra définir en termes de phénoménologie et dont la méthode est l’introspection. » (Jean Réné Ladmiral 2000)

Cette typologie de la traductologie est désignée par certains pour marquer l’autonomie de la discipline par rapport à la linguistique dans les années 60-70. Néanmoins, le recours aux méthodes plus ou moins traditionnelles des disciplines linguistiques n’est pas dénué d’intérêt (Marianne Lederer 2008). C’est sur le comparatisme que reposent ces méthodes dont la conception de la traduction est fondée donc sur l’étude des structures linguistiques, à titre d’exemple: stylistique comparée du Français et de l’Anglais de Vinay et Darbelnet (1968) et les travaux de Michel Ballard (1987). Pour cette tendance que Lederer (2008) qualifie d’« intellectuelle », la traduction, basée toujours sur des faits observables, est considérée

67

comme étant un outil plutôt qu’un but, par conséquent les textes sont intéressants du point de vue des objets linguistiques.

En parallèle, le courant « scientifique » ou « empirique » introduit, en plus de l’observation, l’élément de l’expérimentation. Cette dernière se sert des outils qu’elle emprunte aux sciences de la nature, ce qui explique son caractère scientifique.

Ainsi, « l’explosion relativement récente43 de ces études est due à l’évolution technologique de ce dernier demi-siècle, qui a donné naissance aux sciences cognitives et met entre les mains des chercheurs des logiciels sophistiqués, ainsi que les outils les plus modernes qui permettent l’exploration détaillée du cerveau. » (Marianne Lederer 2008 : 133).

Par ailleurs, si on aborde le côté observation de cette recherche empirique, le comparatisme réapparait de nouveau sous une autre forme que lui confère l’utilisation decorpus informatisés. Dans ce sens, ces corpus ouvrent une porte sur des recherches inépuisables. Qu’il s’agisse de mettre en correspondance un texte original et plusieurs traductions ou bien des traductions et des textes non traduits du même domaine, les possibilités d’observations qui sont mises à disposition grâce à ces corpus sont bien supérieures à ce qui pourrait se faire sans le recours à l’informatique. On voit que le comparatisme qui s’est basé sur des méthodes traditionnelles linguistiques ou littéraires, peut faire encore preuve de validité par l’exploitation de corpus dont l’utilisation est plus efficace grâce à l’outil informatique.

Cette méthode basée sur le comparatisme44, valable pour tous types de traduction, a donné lieu à une série de travaux (Laviosa 2002 ; Lohan 2004).

43Soulignons que déjà en 1965, une expérience, basée sur des statistiques, visant les détails de traduction de mots, de phrases, de paragraphe, a été menée par le psychologue Pierre Oléron. La recherche expérimentale est depuis entreprise par les traductologues en Interprétation, sachant que du coté de la traduction écrite, le travail expérimental a été entamé avec l’étude des protocoles de deverbalisation (Think Aloud Protocols ou TAPs)

44Nous voulons dire par comparatisme, la méthode contrastive sur laquelle se base l’alignement des textes: “Un corpus multilingue de textes comparables est un corpus multilingue comprenant, dans chaque langue, des textes comparables au niveau quantitatif et typologique. Un corpus parallèle est un corpus multilingue comprenant des textes avec leurs traductions. Un corpus aligné est un corpus parallèle pour lequel on a identifié des relations d'équivalence traductionnelle entre les segments qui le composent. Ces segments peuvent concerner différents grains : paragraphe, phrase, syntagme ou mot. En général, il est possible d'effectuer automatiquement un alignement au niveau des phrases, avec des résultats de bonne qualité. Ces corpus sont utiles aux traducteurs et aux terminologues, afin d'alimenter des mémoires de traduction. Ils sont également intéressant pour les llinguistes ou aux lexicographes travaillant dans une perspective contrastive. Enfin, ils peuvent alimenter des systèmes de traitement automatique, tels que le système de traduction basée sur l'exemple, ou de traduction basée sur des statistiques ».

http://w3.ugrenoble3.fr/kraif/index.php?option=com_content&task=view&id=19&Itemid=35

68

Dans la traduction spécialisée, elle permet, entre autre, de constater le fonctionnement de l’appareil terminologique dans les deux langues simultanément en servant de base à des constations théoriques.