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Termes construits morphologiquement traduit par termes composés

CHAPITRE IV :

3. Analyse des termes du corpus : Etat des lieux

3.5 Les structurations morphosémantiques des équivalents

3.5.1.3 Termes construits morphologiquement traduit par termes composés

Nous nous référons à des termes en langue source construits morphologiquement (préfixation, suffixation et infixation). La traduction de ces termes vers l’arabe se fait dans la majorité des cas par des termes composés syntagmatiques en arabe. Nous rendrons compte du processus dénominatif de la langue arabe dans des cas de dénominations sources en analysant la structure morphosémantiques des équivalents proposés.

Nous analysons le contenu sémantique des éléments de nomination qui constituent les termes proposés par traduction pour rendre compte des traits mis en évidence à travers les équivalents en mettant l’accent sur les divergences entre les deux systèmes linguistiques sur le plan du processus dénominatif. « Le français accepte les structures hybrides qui enrichissent, d’ailleurs, son effectif lexical considérablement…à l’encontre de l’arabe qui se montre imperméable aux éléments d’hybridation extrêmement productif en français (et dans une partie importante des langues indo-européennes modernes) » (Nabil Esber : 73-74).

Le processus dénominatif, en arabe, relatif aux termes construits morphologiquement est caractérisé par des divergences. On constate, par exemple, que pour traduire les deux bases poly et pluri, la langue arabe recourt à un seul nom d’action traduisant le contenu sémantique suivi forcément d’un nom au pluriel. C’est le cas des deux termes polyphonie et plurisémioticité.

La dénomination (signifiant) plurisémiocité est composée de la base pluri, élément tiré du latin plures « nombreux, plusieurs », entrant essentiellement dans la construction d’adjectifs103. A priori, la dénomination source indique qu’il s’agit de plusieurs domaines sémiotiques. Au niveau du concept, il est dit que « la sémiotique (ou sémiologie) peut être considéré comme la science des différents systèmes de signes, parmi lesquels se trouvent les signes linguistiques». (Charaudeau, Maingueneau 2002 : 434). Le contenu sémantique de la

103http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?11;s=300870675;r=1;nat=;sol=0;

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dénomination rend compte d’une information pertinente liée au contenu conceptuel. C’est

« différents systèmes de signes » qui est désigné par plurisémioticité.

En arabe 104 تاملاعلا ددعت taʕaddud alʕalaːmaːt (Litt. nombrabilité105 d’indices, de signes) est, en quelque sorte, une traduction littérale (calque) de la dénomination source. Ce terme, composé de deux éléments de nomination ne véhicule pas tout à fait le même contenu sémantique de la dénomination source. L’information introduite à travers le contenu sémantique « nombrabilité d’indices, de signes » ne véhicule pas de manière précise le trait conceptuel « différents systèmes de signes » car à travers cette dénomination, il s’agit de

« nombrabilité de signes », non pas de « nombrabilité de systèmes de signes ».

En fonction du sens véhiculé par le terme plurisémiocité, le trait sémantique indice mis en évidence par la dénomination ne correspond pas à un trait conceptuel pertinent du terme. Le fait de rendre visible cet élément dans la traduction proposée peut rendre l’interprétabilité du terme ambigue. Les informations véhiculées par la traduction doivent, en principe, faciliter l’accès au terme dans le cas de motivation. Dans le processus de compréhension du sens véhiculé par un terme, le lecteur arabophone se sert des informations obtenues par la structure sémantique de la dénomination qui est censée pointer vers les traits saillants afin de rendre le sens du terme plus accessible.

Nous proposons l’équivalent تايئايميسلا ددعت taʕaddud aѕiːmjaːʔijjaːt (Litt. Nombrabilité des systèmes de signes). Le sens terminologique est prédictible de la forme : les deux éléments nombrabilité et système de signe sont deux traits saillants dans le sens du terme plurisémiocité. L’élément de nomination تايئايميسلا aѕiːmjaːʔijjaːt est un terme forgé à partir d’une partie empruntée à la langue source. Il s’agit de l’élément ميس ѕiːm, emprunt lexical de sème, qui a servi d’item de base pour former ce qu’on appelle en arabe 106 يعانﺻ ردصم masdaг sinaːʕiː. Ainsi, cet exemple analysé atteste de l’importance des traits rendus visibles dans la dénomination cible car ceux-ci « pointent » vers le sens du terme source.

104 Mhiri (2008)

105 Ce mot nous l’avons forgé à partir de l’adjectif « nombreux » pour exprimer et traduire de manière plus précise le mot arabe ددعت

106Voir chapitre III : Noms crées par suffixation, p 90

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Etant donné que les deux langues, le français et l’arabe, ne permettent pas les mêmes expressions linguistiques, le traducteur doit vérifier l’interprétabilité des éléments de nomination des traductions proposées afin de s’assurer de leurs structures sémantiques et de leurs degrés d’informativité en fonction de ce qu’ils désignent.

Le terme polyphonie composé de la base poly, « élément tiré du grec « nombreux, entrant dans la construction des substantifs ou adjectifs (un certain nombre d’entre eux assurant cette double fonction) principalement dans les domaines scientifiques et techniques107. » Ce terme est connu dans le domaine musical et il renvoie en linguistique aux différents points de vue coexistant dans les textes. O. Ducrot a le mérite d’introduire cette notion en linguistique. « L’originalité de son approche réside dans la scission du sujet parlant au niveau de l’énoncé même ». (Charaudeau, Maingueneau 2002 : 444). La traduction en arabe, soit le terme 108 تاوﺻلأا ددعت taʕaddud alʔas̱ ωaːt (Litt. nombrabilité de voix) révèle le recourt à la même démarche traductive à travers laquelle la base poly est traduit par le nom d’action ددعت taʕaddud (Litt. nombrabilité).

Les deux éléments de nomination de l’équivalent تاوﺻلأا ددعت taʕaddud alʔas̱ ωaːt (Litt.

nombrabilité de voix) mettent en évidence deux éléments pertinents dans le sens du terme polyphonie, soit la variété et les voix. Ce dernier élément renvoi directement au trait conceptuel points de vue car les voix sous entendent l’existence de points de vue. Cette analyse de la structuration sémantique de la dénomination montre que l’équivalent proposé est adéquat car il rend le sens véhiculé par le terme source et facilite au lecteur arabophone l’accès à son sens terminologique assigné.

Sur les plans morphologique et syntagmatique, cette analyse contrastive est susceptible d’être schématisé comme suit :

Poly (base) + Nom = ددعت (nom d’action) + Nom (pluriel) Pluri (base) + Adjectif = ددعت (nom d’action) + Nom (pluriel)

Ainsi, le français a la possibilité de former un nom et un adjectif en recourant à deux éléments différents dont le sémantisme introduit dans les deux cas le trait nombreux. Par

107 http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?11;s=300870675;r=1;nat=;sol=0;

108 Mhiri (2008)

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contre, l’arabe doit recourir à deux éléments de nomination pour exprimer la totalité du contenu sémantique.

Les termes composés du préfixe « inter » donnent lieu en arabe à des résultats non homogènes, par conséquent, les équivalents sont en fonction des cas. Le tableau suivant regroupe un échantillon de termes à travers lequel nous constatons qu’un terme construit morphologiquement en français est traduit par un terme construit morphologiquement en arabe. Le traducteur dans ce cas a tenté de reproduire une structure morphologique similaire entre les deux langues.

Terme en français Traduction en arabe

interdiscours تاباطخنيب bajnaϰiṯ aːbat (litt. Entre discours) interculturel يفاقثنيب bajnaθaqaːfiː (Litt. Entre culturel),

interlangue

ناسل

طيسو liѕaːn ωѕiːṯ, (Litt.langue intermédiaire)

ناسلنيب bajnliѕaːn (Litt. Entre langue)

interlocuteur بطاخم muϰaːṯ ib (Litt. Personne à qui on adresse la parole)

intertextualité ةيﺻانت tanaːs̱ija(Litt. Entre textuel)

Tableau n° 09

En reproduisant littéralement la structure du signifiant, le terme interdiscours dont la dénomination est composée d’un préfixe « inter » et du nom « discours » est traduit en arabe par باطخ نيب ام maːbajna alϰiṯ aːb (Litt. Ce qu’il ya entre discours) et par تاباطخنيب bajna ϰiṯ aːbaːt (Litt. Entre discours). Le terme تاباطخنيب bajna ϰiṯ aːbaːt est forgé sur le modèle français : préfixe + nom, donnant lieu en arabe à celui de préposition+ nom dont les éléments sont نيب (Litt. Entre) + تاباطخ (Litt. Discours au pluriel).

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En parallèle, la dénomination باطخ نيب ام maː bajna ϰiṯ aːb est composée de ام maː (pronom sujet) [Litt. Ce qu’il y a], نيب (adverbe de lieu)[Litt. Entre] et باطخ [Litt. Discours]

(substantif). Au niveau des traits sémantiques, les éléments de nomination des deux dénominations ne présentent pratiquement pas de différence: تاباطخنيب « entre discours » sous-entend باطخ نيب ام « Ce qu’il ya entre discours ». Ainsi, le modèle préposition + nom donne lieu, en arabe, à d’autres termes forgés sur le même principe : on cite, par exemple, يفاقثنيب bajnθaqaːfiː (Litt. Entre culturel) pour dénommer le concept de interculturel, يتاذنيب bajnðaːtiː (Litt. Entre personnel) pour intersubjectif, يصخشنيب bajnʃaϰs̱iː (Litt. Entre personnel) pour interpersonnel et ناسلنيب bajnliѕaːn (Litt. Entre langue) pour dénommer le concept de interlangue.

L’avantage du modèle sur lequel ces termes sont forgés consiste en la possibilité de former des dénominations (signifiant) constituées chacune d’un seul élément de nomination contenant aussi bien le préfixe inter (dans ce cas la préposition نيب bajna ) que le nom qui suit, par exemple, تاباطخ ϰiṯ aːbaːt dans تاباطخنيب ( interdiscours), ou يفاقﺛ θaqaːfiː dans يفاقثنيب (interculturel).

Dans le cas de la notion intertextualité, l’arabe recoure à une dénomination composée d’un seul élément de nomination soit ةيﺻانت tanaːs̱ija (Litt. Entre textuel) pour désigner

« l’ensemble des relations explicites ou implicites qu’un texte ou un groupe de textes déterminé entretient avec d’autres textes. » (Charaudeau, Maingueneau 2002 : 326). Précisons que ةيﺻانت tanaːs̱ija est formé d’un nom d’action dérivé de la forme صانت tanaːs̱a signifiant l’association de deux ou plusieurs parties dans une action. Dans ce cas, il s’agit du fait qu’un texte ait un ou plusieurs points communs avec un ou plusieurs autres textes. A cette première forme s’ajoute par suffixation la forme ةي qui introduit la notion de substantivation.

Cette analyse contrastive effectuée sur un échantillon de termes présentant des caractéristiques similaires atteste des visions différentes de chacune des deux langues compte tenu des résultats obtenus. Celle-ci montre comment procède les deux systèmes linguistiques pour aborder et plus précisément pour dénommer les concepts en rendant compte des moyens morphologiques et syntaxiques auxquels ils recourent sur le plan dénominatif.

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Il convient de souligner que certains termes sources sont traduits par des termes composés de plusieurs éléments de nomination. Le terme hypallage est définit en rhétorique comme étant « une figure consistant à attribuer à un mot de la phrase ce qui convenait à un autre de la même phrase ; ex : ce marchand accoudé sur son comptoir avide (V. Hugo) » (Dubois 2007 : 235). Cette dénomination est composée d’un seul élément de nomination qui ne correspond à aucun trait conceptuel du terme de manière évidente.

Le terme en arabe soit 109 فوﺻوملا و ةفصلا نيب ةبسانملا مادعنا ʔinʕidaːm almunaːѕaba bajna as̱ifa ωa almaωs̱uːf (Litt. Absence d’adéquation entre la caractérisation et ce qui est caractérisé) est une paraphrase. Contrairement à la démarche dénominative du système linguistique du français, l’arabe recourt à une paraphrase pour proposer un équivalent au terme hypallage. Le concept décrit comme l’attribution à un mot de la phrase ce qui est normalement attribué à un autre mot de la même phrase, est dénommé en arabe comme une situation d’inadéquation entre la caractérisation et ce qui est caractérisé. Le sens terminologique est, donc, totalement prédictible de la structure morphologique. Etant composé de plusieurs éléments de nomination à caractère définitionnel, le degré d’informativité de l’équivalent permet l’interprétabilité du sens terminologique. L’idée de rapport entre la caractérisation et ce qui est caractérisée exprimée par la dénomination infère celle de figure véhiculée par le sens terminologique. Aussi, l’élément de nomination absence d’adéquation traduit le caractère d’attribution à un mot ce qui convient à un autre. Le concept de la figure à travers laquelle on attribue à un mot de la phrase ce qui convenait à un autre peut être décrit comme une absence d’adéquation entre la caractéristique et ce qui est caractérisé. Les termes-paraphrases sont des termes qui peuvent poser des contraintes lors de leurs repérages dans les textes spécialisés et notamment pour leurs utilisations dans ces textes.

Cet exemple rend compte également de la difficulté de traduction, c'est-à-dire des efforts que doit fournir le traducteur-terminologue pour assurer l’adéquation entre les traductions proposées et les termes auxquels elles correspondent.