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CHAPITRE IV :

3. Analyse des termes du corpus : Etat des lieux

3.1.1. Termes à équivalents uniques

Ce point regroupe les termes dont les équivalents sont uniques. Par conséquent, pour chaque terme source, les trois propositions sont identiques. Nous distinguons deux -groupes,

82Ce dictionnaire bilingue est caractérisé par le fait que « le lexique recensé s’élève à plus de 45 000 unités lexicales réutilisées dans prés de 40 000 expressions…Il s’adresse donc à tous ceux qui approchent la réalité arabe…AS SABIL offre un lexique de notions contemporaines qui, sans aller dans les moindres détails de la haute technicité, permet toutefois à un lecteur cultivé arabe d’aborder n’importe quel sujet…Il ne se contente pas de donner une liste d’équivalents français du mot arabe, mais il présente généralement ce mot dans les contextes immédiats ou il a été rencontré. Il s’adresse donc à tous ceux qui attendaient un véritable dictionnaire dynamique de la langue arabe. Il permet en effet grâce à ses 40 000 expressions, l’accès aux diverses utilisations contextuelles du lexique et facilite la saisie de toutes les nuances du sens. » (Reig 1983: 7)

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soit les termes repris à la tradition grammaticale arabe et les termes repris à la langue courante.

a. Termes repris à la tradition grammaticale arabe

Les termes du tableau N°1 illustrent des cas d’équivalence totale. Les équivalents proposés sont issus de la grammaire traditionnelle arabe. Le contenu conceptuel véhiculé par les termes sources est assimilé à celui des termes équivalents. Néanmoins, l’analyse en traits conceptuels confirme que l’équivalence dans la majorité de ces cas est seulement dénominative. Par conséquent, les contenus conceptuels entre les termes et leurs équivalents ne renvoient pas aux mêmes mécanismes décrits.

F.Neveu Lexique des notions linguistiques 2005

A.Meseddi (Dictionnaire de linguistique

Français-Arabe) 1984

The Unified Dictionary Of Linguistic Terms

(English-French-Arabic) 2002

A.F.Fehri A Lexicon Of Linguistic Terms ( English-French-Arabic)

2009

Antonymie taḏaːd داضت taḏaːd داضت taḏaːd داضت

Apodose ʒaωaːb ʔaʃaгṯ طرشلا باوج ʒaωaːb طرشلا باوج

ʔaʃaгṯ ʒaωaːb ʔaʃaгṯ طرشلا باوج

Dérivation ʔiʃtiqaːq قاقتشا ʔiʃtiqaːq قاقتش ʔiʃtiqaːq قاقتشا

Phrase ʒumla ةلمج ʒumla ةلمج ʒumla ةلمج

Synonymie taгaːduf فدارت taгaːduf فدارت taгaːduf فدارت

Tableau N°1

Notons que la notion de dérivation renvoie à deux mécanismes distincts, selon qu’on aborde la langue arabe ou la langue française. Rappelons que cette notion, en arabe, se résume en :

Morphologie dérivationnelle : un système permettant la création de mots à partir d’une racine généralement trilitère et d’un schème morphosémantique. Les unités créées pouvant être verbales ou nominales.

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Morphologie flexionnelle : c’est un système qui permet d’avoir les différentes variantes d’un seul mot obtenues par flexion et par ajout. Par conséquent, y figurent toutes les variations du verbe et toutes celles relatives aux catégories de l’actualisation nominale. Ces formes peuvent correspondre aux verbes et à leurs formes réalisées ainsi qu’aux noms et à leurs formes réalisées. Cette morphologie concerne aussi les différentes formes d’actualisation du nom variable en genre et en nombre en détermination en signes flexionnelles.

En ce qui concerne le système linguistique du français, la procédure de dérivation83 se présente différemment :

Dérivation par affixation : elle consiste en l’adjonction à une base d’un ou de plusieurs affixes (préfixes, suffixes).

Dérivation par récatégorisation (ou conversion) : il s’agit d’un transfert que subi un item lexical en passant d’une classe grammaticale à une autre.

Des dénominations comme, dérivation, antonymie, synonymie et phrase existent dans les deux systèmes linguistiques mais leurs traits conceptuels dans les deux langues diffèrent systématiquement. Il existe pour ces termes une équivalence au niveau de la dénomination et une inadéquation en ce qui concerne leurs traits conceptuels. Si cette équivalence est seulement au niveau de la dénomination, c’est parce que les sens que véhiculent ces termes dans les deux langues en contact sont différents puisqu’il s’agit de décrire deux fonctionnements linguistiques. La langue se sert, par exemple, de la dérivation qu’il s’agisse de l’arabe ou du français, pour former d’autres mots, mais la technique de chacune des deux langues dépend des deux systèmes en question car il s’agit de différences dans la nature de chaque langue, l’une est agglutinante et l’autre est flexionnelle.

L’équivalence peut se manifester sur le plan conceptuel à travers, un trait conceptuel.

C’est le cas, par exemple, pour le terme apodose dont l’équivalent en arabe est طرشلا باوج ʒaωaːb ʔaʃaгṯ (Litt. réponse à la condition). La définition du terme apodose est envisagée par renvoi au terme protase attestant d’un lien entre les deux notions. Par conséquent, apodose est définie par rapport à protase.

83Franck Neveu (2004). Il existe aussi d’autres procédés de dérivations comme la composition, la troncation, mot valise.

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« …La rhétorique contemporaine définit la protase, d’une manière générale, comme la partie ascendante de la courbe mélodique d’une phrase, par distinction avec l’apodose…qui constitue la partie descendante de cette courbe…La notion de protase est parfois employée en syntaxe, où elle sert à désigner le premier élément d’une structure binaire. Par exemple, dans un schéma phrastique du type proposition hypothétique + proposition principale (ex. si Gordon était musicien, il serait claveciniste), la subordonnée en si, qui pose la condition, constitue la protase ; la principale, qui énonce la conséquence de cette condition, constitue quant à elle l’apodose. » (Franck Neveu 2004 : 245-246)

En arabe, ʒaωaːb ʔaʃaгaṯ (Litt. Réponse de la condition) est défini par rapport à ʔaʃaгaṯ (Litt. Condition), considéré comme étant un « énoncé impliquant deux phrases à travers lesquelles se construit le sens. La première est appelée l’acte de la condition par contre la deuxième est la réponse de la condition. Cet énoncé contient obligatoirement des noms de condition ainsi que des connecteurs de conditions. »84 L’équivalence, dans cet exemple, est justifiée par le fait que le terme d’apodose et son équivalent en arabe décrivent, d’une manière analogue, la structure binaire de deux phrases et le lien qu’elles entretiennent entre elles.

Il est important d’insister qu’en français, aussi bien dans la rhétorique que dans la syntaxe les deux termes apodose et protase expriment ensemble cette idée de structure binaire d’une phrase complexe. On ne peut, cependant, envisager l’un sans l’autre. Cette relation indispensable entre les deux termes nous conduit à vérifier l’équivalent du terme protase en langue arabe. Par déduction, si apodose est traduit, en arabe par طرشلا باوج

ʒaωaːb ʔaʃaгṯ (Litt. Réponse de la condition), donc protase est طرشلاʔaʃaгṯ (Litt. Condition) car de la même manière que le français, la langue arabe ne peut envisager ʒaωaːb ʔaʃaгṯ (Litt. Réponse de la condition) sans ʔaʃaгaṯ (Litt. Condition).

84Cette définition est notre traduction réalisée à partir de la définition du terme donnée par (Mahmoud Matarji (2000, p 112)

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Tableau N°2

Le tableau N°2 ci-dessus montre que les équivalents du terme protase en arabe dans les trois lexiques ne correspondent pas totalement à la supposition précédente :

MSEDDI. A (1984) fait une distinction entre le sens de protase en rhétorique et en syntaxe, par conséquent, deux dénominations sont proposées selon l’emploi du terme dans tel ou tel discipline. Afin de préciser les deux emplois, l’auteur met en relief, en rhétorique, le trait conceptuel de « partie ascendante de la courbe mélodique d’une phrase » en l’exprimant par une dénomination composée de deux éléments de nomination دوعصلا ةمغن naɤamat ʔas̱uʕuːd (Litt. Mélodie montée). En syntaxe, la dénomination renvoie au terme de la tradition grammaticale arabe, soit

ʒumla ʔaʃaгṯ.

F.Neveu Lexique des notions

linguistiques 2005

A.Meseddi (Dictionnaire de linguistique

Français-Arabe) 1984

The Unified Dictionary Of Linguistic Terms

(English-French-Arabic) 2002

A.F.Fehri A Lexicon Of Linguistic

Terms (English-French-Arabic) 2009

Apodose (rhé.) طرشلا باوج

ʒaωaːb aʃaгṯ طرشلا باوج

ʒaωaːb ʔaʃaгṯ طرشلا باوج

ʒaωaːb ʔaʃaгṯ

Apodose (syn.) طرشلا باوج

ʒaωaːb ʔaʃaгṯ طرشلا باوج

ʒaωaːb ʔaʃaгṯ طرشلا باوج

ʒaωaːb ʔaʃaгṯ

Protase (rhé.)

دوعصلا ةمغن

naɤamat ʔas̱uʕuːd ×

ةيضارتفا ةلمج ʒumla ʔiftiгaːḏiːa

طرشلا ةلمج ʒumlat aʃaгṯ

Protase (syn.) طرشلا ةلمج

ʒumlat aʃaгṯ ×

ةيضارتفا ةلمج ʒumla ʔiftiгað̱ija

طرشلا ةلمج ʒumla ʔaʃaгṯ

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The Unified Dictionary of Linguistic Terms (2002) ne traite pas le terme protase.

Les deux croix expliquent ce vide. Ceci dit, le terme طرشلا باوج ʒaωaːb ʔaʃaгaṯ , repris à la traditiongrammaticale est appréhendé indépendamment de celui deطرشلا ʔaʃaгaṯ A.F.Fehri (2009) propose deux équivalents sans faire allusion à une distinction

quelconque entre leurs deux emplois, soit طرشلا ةلمج ʒumla ʔaʃaгaṯ (Litt. Phrase de la condition). Par ailleurs, la deuxième dénomination ةيضارتفا ةلمج ʒumla ʔiftiгað̱ija composée des deux éléments de nomination « phrase supposée » met l’accent sur le caractère de ce qui a été supposé, admis en chose probable.

L’approche décrite précédemment dont l’objet est le recours aux termes de la tradition grammaticale arabe pour dénommer des concepts de la langue française révèle certaines spécificités pertinentes. On se rend compte à travers les exemples traités que les dénominations qui renvoient à des concepts dans la tradition grammaticale arabe servent, sur le plan de la traduction, à dénommer des concepts de la langue française. Cette démarche, à notre avis, nécessite quelques précisions afin de lever les ambigüités qui pourraient être à l’origine du recours à des termes ayant déjà des valeurs conceptuelles dans la langue cible.

L’absence d’une équivalence totale entre les concepts dans les deux langues en contact montre qu’une seule dénomination en langue arabe est susceptible de renvoyer à deux concepts distincts selon qu’il s’agisse d’un concept de la langue arabe ou d’un concept de la langue française. Par exemple, la dénomination « قاقتشا » ʔiʃtiqaːq qui renvoie à

« dérivation » en français, est tributaire du mécanisme que nous décrivons et auquel nous faisons référence dans les contextes définitoires. Par conséquent, le recours à des termes déjà existant dans la langue d’arrivée pour traduire des termes de la langue de départ ne signifie en aucun cas une équivalence sur le plan conceptuel.

Dans ce sens, les termes طرشلا باوج ʒaωaːb aʃaгṯ et طرشلا ةلمج ʒumlat aʃaгṯ renvoient non seulement à des concepts de la traditiongrammaticale arabe, mais ils dénomment, dans une perspéctive traductive, respectivement, les concepts apodose et protase. Pour justifier d’une manière cohérente la motivation dénominative, c'est-à-dire ce qui motive le recours en traduction à ces deux dénominations, on se rend compte que les deux termes en arabe ne sont porteurs de sens que l’un par rapport à l’autre: la langue arabe ne peut prévoir l’un sans l’autre dans la tradition grammaticale arabe.

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Ces explications montrent que dans le domaine de la linguistique, les concepts, d’une langue à une autre, ne peuvent être identiques comme dans le cas par exemple de certaines sciences (biologie, médecine, etc.). Par conséquent, ce constat ou bien cette particularité du domaine des sciences du langage comme le cas aussi des domaines, juridique, enseignement et arts populaires, exige d’un traducteur, ou d’un traducteur- terminologue des précisions supplémentaires (explicitations) afin de lever, pour chaque cas de traduction, les ambigüités liées aux contraintes imposées par les termes.

Il est également important de souligner que, sur le plan méthodologique, dans la conception des ouvrages terminographiques bilingues, la délimitation préalable des concepts décrits est nécessaire pour rendre compte de cette double fonction que peuvent avoir certains termes dans la langue arabe. Nous voulons dire par délimitation, définir l’objectif assigné à l’ouvrage terminographique traduit en soulignant que les termes proposés par traduction décrivent des concepts de la langue de départ. Ainsi, dans le cadre de la conception d’un ouvrage terminographique bilingue, il est necéssaire de tenir en compte et de préciser que le recours du traducteur-terminologue aux dénominations des termes de la tradition grammaticale arabe ne signifie pas l’existence d’une équivalence totale comme est le cas des sciences pour lesquelles les équivalents sont universels, ce sont les mêmes concepts dans toutes les langues, c’est juste les dénominations qui varient.

b. Termes traduits repris à la langue générale

Le recours à la langue générale pour dénommer des concepts est un moyen courant.

L’équivalence décrite à travers les cas regroupés dans le tableau N°3 relève du phénomène de la terminologisation. Par conséquent, les dénominations (signifiants) en langue arabe sont reprises du vocabulaire de la langue générale.

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F.Neveu Lexique des notions

linguistiques 2005

A.Meseddi (Dictionnaire de

linguistique Français-Arabe)

1984

The Unified Dictionary Of Linguistic Terms

(English-French-Arabic) 2002

A.F.Fehri A Lexicon Of Linguistic Terms

(English-French-Arabic) 2009

Champ sémantique يللاد لقح ẖaqal dalaliː

يللاد لقح ẖaqal dalaliː

يللاد لقح ẖaqal dalaliː

Clitique

×

mutasلصتﻣ̱il mutasلصتﻣ̱il

Glose ةيشاح

ẖaːʃija

ةيشاح ẖaːʃija

حرش،ريسفت،ةيشاح ẖaːʃija/tafѕiːгʃaгẖ

Syllabe maqṯaʕ عطقﻣ maqṯʕ عطقﻣ maqṯaʕ عطقﻣ

Compétence/Perfor mance

زاجنإ ،ةردق Qudгa/ ʔinʒaːz

زاجنإ ،ةردق Qudгa/ ʔinʒaːz

زاجنإ ،ةردق Qudгa/ ʔinʒaːz

Contexte ѕijaːq قايس ѕijaːq قايس ѕijaːq قايس

Période daωгa ةرود daωгa ةرود daωгa ةرود

Tableau N°3

L’analyse en éléments de nomination permet de rendre compte du recours à la langue générale pour dénommer les concepts. Elle montre plus précisément le trait conceptuel mis en évidence à travers le choix de la dénomination (signifiant). Notre analyse nous mets en présence de trois types de motivation : le critère de distinction étant la stratégie traductive.

Motivation similaire entre dénominations : cas de synonymie

Il s’agit des cas à travers lesquels les éléments de nomination des traductions mettent en relief le même trait conceptuel du terme :

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Les trois équivalents du terme glose illustrent un cas de synonymie : il existe un rapport sémantique entre ces trois propositions car leurs sens prédictibles partagent des traits sémantiques en faveur d’une synonymie. Le sens véhiculé par ce terme montre qu’il est définit par rapport au terme épilinguistique. Il « désigne l’ensemble des jugements qu’une communauté humaine porte sur sa langue.…Antoine Culioli a montré que l’activité épilinguistique se manifeste principalement dans la glose, c'est-à-dire dans des énoncés produits par le locuteur pour commenter de manière spontanée son propre discours, pour commenter un énoncé antérieurement proféré, à des fins de désambigüisation…(ex. tu veux dire que, je ne le dirais pas comme ça, en d’autres termes… » (Neveu 2004 : 120-121). La glose, pour Culioli, est, donc, un moyen linguistique par lequel se pratique l’épilinguistique.

L’analyse contrastive de ce terme atteste que les signifiants des termes équivalents du tableau N°3, appartenant à la langue générale mettent en évidence, par leurs éléments de nomination le même trait conceptuel. Les formes signifiantes des trois équivalents du terme glose proposés par Fehri (2009) soit ةيشاح ẖaːʃija, ريسفت tafѕiːг et حرش ʃaгẖ, sont associées au sens du terme source. Une partie importante du sens du terme source est prédictible de sa structure sémantique. Du point de vue traductif, les formes linguistiques ont un même niveau du degré d’informativité. Les informations transmises par ces formes sont commenter et désambigüisation. La traduction ةيشاح ẖaːʃija traduit par la dénomination l’idée d’annotation, marge ou note. Par ailleurs, le sémantisme de ريسفت tafѕiːг et celui de حرش ʃaгẖ sont difficilement dissociables : si l’unité lexicale ريسفت tafѕiːг (nom d’action dérivé du verbe رسف faѕѕaгa) correspond à « commenter » ; « faire l’exégèse » ;« élucider » ;« expliquer » ;

« interpréter » , celle de حرش ʃaгẖ ( nom d’action dérivé du verbe حَرش ) correspond à

« annoter » ; « commenter » ; « développer une idée » ; « élucider » ; « expliquer » ; « faire une exégèse ».

La traduction du terme « glose » montre un cas de variation terminologique. Si nous avons choisi cet exemple, parmi tant d’autres, c’est pour le fait qu’il met en évidence le cas de trois équivalents synonymes. La particularité de cet exemple montre que les trois dénominations (signifiants) accèdent au concept glose par le même trait conceptuel.

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Dans les trois termes, c’est l’idée de désambiguisation qui est dégagée. Qu’il s’agisse de ةيشاح ẖaːʃija (Litt. Annotation, marge ou note), de ريسفت tafѕiːг (Litt. Commenter; faire l’exégèse; élucider; expliquer; interpréter) ou de حرش ʃaгẖ (Litt. Annoter ; commenter ; développer une idée ; élucider ; expliquer ; faire une exégèse), le concept glose est appréhendable par les lecteurs arabophones à travers le trait commenter ou élucider. Une annotation ou une note servent pour commenter ou élucider un fait. Les structurations sémantiques des trois équivalents mettent en évidence le trait saillant désambiguisation.

En vérifiant l’inférence au niveau des sens que dégagent les trois équivalents, les structurations morphologiques des deux dénominations ريسفت tafѕiːг et حرش ʃaгẖ peuvent donner lieu à une « explosion inférentielle85 » rendant le sens terminologique moins prédictible. La structure sémantique de l’équivalent ريسفت tafѕiːг, outre les traits commenter et élucider, elle véhicule, également, le sens d’interprétation. Le trait sémantique interprétation dégagé par cette structure morphologique peut perturber le processus d’interprétabilité du sens terminologique: des énoncés produits par un locuteur pour commenter un autre énoncé antérieur ne sont pas forcément une interprétation de ce dernier, c’est plutôt un commentaire, une note ou une annotation à travers laquelle on fourni plus d’explications sur ce dit.

Nous optons pour l’équivalent ةيشاح ẖaːʃija que nous considérons adéquat car une note ou une annotation correspondent à un ensemble d’énoncés explicatifs, c'est-à-dire à des énoncés proférés pour commenter ce qui a été dit préalablement en vue de désambiguisation.

La relation qui relie une forme linguistique au sens qu’elle doit véhiculer doit être transparente. Cette caractéristique est la condition que doit remplir un terme. L’exemple de ريسفت tafѕiːг montre que la polysémie peut empêcher la transparence : le fait qu’une structure morphologique permet plusieurs interprétations, il est possible que l’une d’elle ne soit pas compatible avec le sens terminologique.

Nous avons démontré que les structures morphologiques des trois équivalents du terme glose, considérés comme synonymes ne sont pas interprétés de la même manière. Ceci implique une variation dans la predictibilité du sens terminologique. L’interprétabilité de ce sens à partir des formes linguistiques n’est pas au même niveau dans les trois cas. Même si les trois équivalents partagent une relation sémantique, leurs adéquations au sens terminologique est différente.

85Boisson (2001) reprend l’idée d’”explosion inférentielle” de Coirier et Alii (1996). Boisson a recouru à l’idée d’inférence dans l’interprétation des dénominations, alors qu’elle est utilisée dans le cadre des textes.

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Nous avons constaté que si ريسفت tafѕiːг est moins prédictible, c’est par ce qu’il ne fait pas preuve d’une transparence suffisante lui permettant d’avoir le statut de terme. Il convient, par conséquent, de vérifier la transparence d’une dénomination avant son adoption définitive.

Cette condition de transparence est liée à l’inférence : le sens dégagé par la structure morphologique doit inférer une partie saillante du sens terminologique, c'est-à-dire l’existence d’une relation directe entre le sens prédictible et le sens lexical. En revanche, l’ « explosion d’inférence » liée à la structure morphologique cause l’opacité du sens terminologique.

Motivation conceptuelle et la condition de productivité morphologique

L’adoption d’une dénomination dans le cas de la terminologie traductive doit répondre nécessairement à deux conditions majeures, soit l’application du critère de motivation intrinsèque et celui de la motivation extrinsèque. Nous entendons par motivation intrinsèque le rapport qui existe entre la dénomination (signifiant) et les traits conceptuels du terme. Par contre, la motivation extrinsèque est le fait de rendre visible et de prendre en considération, dans la traduction, le lien que partagent un terme source avec son réseau, c'est-à-dire l’ensemble des termes avec lesquels il forme un champ lexical et sémantique.

Dans le cas de la traduction d’un terme partageant des relations lexicales avec d’autres termes, il est nécessaire que le terme traduit soit productif morphologiquement. L’exemple du terme suivant est un cas à travers lequel, on se rend compte qu’une dénomination obtenue par traduction, dans certains cas, doit permettre la dérivation. Il s’agit de rendre visible ce que peut impliquer au niveau traductif, le fait de ne pas prendre en compte le critère de productivité morphologique dans certains cas de termes.

L’objectif de ce cas de figure est de vérifier l’aspect de productivité morphologique dans les traductions, c'est-à-dire la capacité d’un terme à la dérivation. On cherche à vérifier si le traduteur, dans les cas de termes sources intercorrelés par des relations lexicales, a pris en considération ce lien dans les propositions de traductions.

Le terme clitique est « formé à partir du verbe grec Klinein, « incliner ». Un clitique est un morphème grammatical inaccentué, qui peut appartenir à la classe de l’adverbe, de la conjonction, du déterminant, de la préposition, du pronom. Le terme est fréquemment employé comme adjectif pour décrire la forme faible et l’emploi conjoint au verbe des pronoms et adverbes pronominaux personnels (je, tu, il(s), elle(s), on, nous, vous, me, te, se, le, la, les, lui, leur, en, y)…Les morphèmes et les groupes syntaxiques inaccentués ont tendance à prendre appui sur une unité accentuée de leur environnement immédiat avec

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laquelle ils forment un groupe rythmique. Le phénomène est appelé cliticisation… ». (Neveu 2004 : 68.)

En parallèle, l’équivalent de ce terme, en langue arabe, لصتم muttas̱il (Litt. En liaison, en rapport, en relation avec.) est repris du vocabulaire général (participe actif). Ce terme, qui est formé d’un seul élément de nomination, met en évidence un trait du concept qui se manifeste dans «… terme… fréquemment employé…pour décrire…l’emploi conjoint au… ».

L’emploi du terme clitique en français donne lieu à différentes classes grammaticales : nom, adjectif, nom d’action. Cet ensemble constitue un groupe de mots formés par dérivation dont il est utile de vérifier l’adéquation en arabe.

Catégories grammaticales du

terme « clitique »

A.MSEDDI(Dictionnai re de linguistique

Français-Arabe) 1984

The Unified Dictionary Of Linguistic Terms

(English-French-Arabic) 2002

A.F.Fehri A Lexicon Of Linguistic Terms (

English-French-Arabic) 2009

Nom : clitique

×

muttas̱il لصتم muttas̱il لصتم

Adjectif : clitique

× ×

muttas̱il لصتم

Nom d’action :

cliticisation

× ×

يريمض لاصتا

itis̱aːl ð̱amiːгiː

Tableau N°4

A.F.Fehri (2009) [tableau N°4] est le seul parmi les trois traducteurs à proposer des équivalents aux différents termes sources formant les catégories grammaticales du terme clitique. Le terme en arabe يريمض لاصتا itis̱aːl ḏamiːгiː, l’équivalent du terme cliticisation, est composé de deux éléments de nomination : liaison exprime le sens véhiculé par لاصتا itis̱aːl et pronominale renvoie à يريمض. La structuration sémantique de l’équivalent indique que le choix du traducteur a été motivé par le trait conceptuel emploi conjoint. Outre l’idée de liaison, l’équivalent du nom d’action cliticisation spécifie que cette liaison est pronominale, c'est-à-dire qu’elle concerne les pronoms.

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Par conséquent, l’analyse des structurations sémantiques des dénominations (signifiants) en rapport avec le terme clitique permet de faire deux remarques pertinentes:

1. Motivation intrinsèque: Le sens prédictible de la dénomination arabe لصتم muttas̱il met en évidence le trait liaison et son interprétation peut provoquer ce que nous appelons des « interférences sémantiques ». L’idée de liaison permet plusieurs interprétations, ce qui laisse la place à l’ambigüité de s’installer.

2. Motivation extrinsèque : la relation morphologique, que partage le terme clitique (nom) avec les termes clitique (adjectif) et cliticisation (nom d’action) n’est pas prise en considération dans les équivalents.

Les structures sémantique et morphologique d’une dénomination donnent accès au concept, ceci implique qu’une partie du sens lexical est prédictible de la forme. Les propriétés sémantiques de cette forme contribuent, essentiellement au processus de l’interprétabilité. Il est, donc, nécessaire de cibler un choix, motivé et de s’assurer que le choix d’une dénomination ne donne pas lieu à l’ « explosion inférentielle » : le fait que le sens d’une forme linguistique permet d’autres interprétations susceptibles de rendre l’interprétabilité du terme contraignante. Dans l’explosion inférentielle, les sens dégagés par la structure morphologique d’un terme ne sont pas tous en lien direct avec le sens terminologique. Si un des sens de la forme linguistique est inadéquat avec le sens terminologique, le lecteur interprétera ce dernier de manière ambigu.

En effet, le sens du terme لصتم muttas̱il en arabe montre que le choix du traducteur- a été motivé par le trait emploi conjoint en le sélectionnant comme trait saillant pour dénommer le concept. Mais si on observe le cas du nom d’action cliticisation dont l’équivalent en arabe (Fehri 2009) est يريمض لاصتا itis̱aːl ḏamiːгiː (Litt. liaison pronominale), on se rend compte que le traducteur sentait un besoin de précision qu’il avait exprimé par un ajout d’information : la dénomination montre à travers les deux éléments de nomination, qu’il s’agit d’une liaison relative à des pronoms.

Pour dénommer en arabe le nom clitique et le nom d’action cliticisation, le traducteur recourt à une démarche différente de celle du français. Si en français, la relation morphologique entre les deux dénominations est claire, ce n’est pas le cas de l’arabe puisque ce lien lexical n’est pas couvert dans les propostions: يريمض لاصتا itis̱aːl ḏamiːгiː (Litt. liaison pronominale) est l’équivalent de cliticisation et لصتم muttas̱il (Litt. en liaison) traduit