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CHAPITRE II :

6. La notion d’équivalence dans la traduction de la métalangue du français vers l’arabe

6.2. L’équivalence partielle

Deux concepts sont liés par une équivalence partielle dans le cas ou leurs définitions ne présentent des traits conceptuels en commun et aussi dans le cas ou l’équivalent de la langue d’arrivé ne possède pas la même valeur sémantique que celle du terme de la langue de départ. La paire de terme n’a pas exactement les mêmes fonctions dans les deux langues. Les

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équivalents des termes métalinguistiques en français sont repris, par conséquent, de la tradition grammaticale arabe dont nous présentons quelques exemples49:

Phrase (phrase simple et phrase complexe) = ةلمج (ʒumla50 )

Article51 (défini et indéfini) = فيرعتلا ةادأ (adaːt ataʕгiːf) Litt. (Outil d’identification) Adverbe = فرظ (ð̱aгf) Litt. (Circonstance)

Conjonctions de coordination = فطعلا فورح (ẖuгuːf alʕaṯ f) Litt. (Outils de liaison) Adjectif = ةفص ( s̱ifa ) Litt. (Description, qualification)

Prédicat = دنسﻣ (musnad) Litt. (Support)

Les exemples cités ci-dessus reflètent la tendance du traducteur à chercher une symétrie entre les deux langues en contact dans le but de transmettre le contenu par la transposition des concepts de la langue de départ sur ceux de la langue d’arrivée qui sont liés par des traits définitionnels en commun.

Jean Patrick Guillaume (1998) a mis en garde sur des conséquences qu’entraine le fait de recourir en traduction à l’équivalence partielle et ce, en partant du cas inverse, celui de la traduction de la terminologie canonique en français. Sa position est illustrée par les cas de traduction des termes métalinguistiques appartenant à un vocabulaire technique de la grammaire arabe.

49 Précisons que ces exemples sont des exemples présentés par Mhiri lors de la « journée d’étude sur trois cas de langues de spécialité en arabe : Sciences du langage, gestion-finance et droits humains » tenue le jeudi 24 juin 2010 au LDI- Université Paris 13.

50« La racine « j.m.l » est à la base de plusieurs vocables qui expriment tous la notion de réunion de plusieurs éléments dans un même ensemble. Certains expriment, en plus, les notions de solidarité et de complémentarité ; d’autres évoquent aussi l’idée d’un tout, de quelque chose d’entier qui se suffit à lui-même. On oppose souvent le terme « jumla » au terme « mufrad » ; le premier exprimant la pluralité, le second l’unité. On emploie aussi au sujet de l’agencement des composantes de la phrase le verbe « aquada » (nouer), et on désigne le résultat de cet agencement par le nom « uqda » (nœud). Toutes les définitions présentent la phrase comme étant ce qui exprime un sens complet. Les indices qui indiquent qu’on est en présence d’une phrase c’est, d’une part, l’intérêt de l’interlocuteur qui ne s’explique que si le sens est complet. Plus techniquement, la phrase est définie comme étant ce « qui est composé de deux mots liés entre eux par un rapport de prédication ». L’un des deux noms doit appartenir nécessairement à la classe des noms, l’autre peut être un verbe, mais aussi un nom…Les grammairiens emploient aussi une terminologie qui spécifie si la phrase est verbale ou nominale. Ainsi, dans la phrase verbale le sujet est appelé « faːʕil » ou agent, est dans la phrase minimale, il est appelé « mubtada » ou « inchoatif ». » (Mehiri 1998 : 9-10)

51 En arabe, la notion d’article n’existe pas parce que les mots grammaticaux qui expriment le défini et l’indéfini sont des mots liés et se présentent en tant que préfixe pour le défini ( al) et en tant que suffixe pour l’indéfini ( nonation). Un équivalent du terme « article » vers l’arabe est proposé par Benhamouda (2004), soit le terme

ةلصفنم نييعت ةادأ (Litt. Outil de désignation disjointe)

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Il présente le couple de termes (دنسم / هيلإ دنسم ) (musnad/ musnad ilayhi), pour lesquels il propose une traduction possible qui serait ( support et apport). Il est clair que ces deux termes en grammaire arabe désignent une relation prédicative. Celle-ci peut être exprimée par le terme دانسا (isnad) désigne approximativement « l’apport d’information ». En ce qui concerne le premier terme (musnad), il désigne le sujet, par conséquent « sur quoi une information est apportée » et le deuxième, (musnad ilayhi) renvoyant au prédicat, donc à

« l’information ».

Ces précisions ont abouti pour l’auteur de proposer des équivalents pour l’un et l’autre. L’hésitation est plus accentuée dans le choix de l’équivalent du premier terme (musnad). L’auteur propose d’abord « sujet », ensuite introduit un néologisme

« prédicande ». Selon lui, ce dernier semble plus transparent, neutre, de manière à ne pas susciter l’incompréhension. En dernier, il propose l’équivalent « support » sous réserve d’un inconvénient causé par la réutilisation d’un terme déjà existant. Pour le second terme, l’auteur opte pour « prédicat » ou apport ».

Le traducteur est libre de recourir à des termes déjà existant, mais la précision doit être l’objectif visé dans le choix des termes équivalents. Guillaume (1998) donne un autre exemple relatif à la traduction d’un terme dans la grammaire arabe, celui de ةفﺻ s̱ifa (Litt.

Description, qualification), qui renvoie en réalité à deux termes en français « adjectif » et

« épithète ». « Il est bien certain que « adjectif » et « épithète » ont, dans la tradition occidentale, une histoire longue et complexe ; il n’en reste pas moins que dans leur usage actuel, aucun des deux ne donne un équivalent satisfaisant de « sifa », et que l’on ne saurait accepter l’échappatoire qui consisterait à employer, selon les contextes, tantôt l’un et tantôt l’autre. » (Guillaume 1998 : 600). Pour cet exemple aussi, il propose également de recourir à une autre solution qui est celle d’un néologisme à savoir « qualificatif ».

Le deuxième type d’équivalence partielle consiste à recourir à un terme équivalent dont la valeur est distincte dans les deux langues. Nous proposons dans ce sens, l’exemple du couple « mot construit » et « mot simple » dont les équivalents sont formés par une traduction littérale : il s’agit respectivement de ةينبم ةملك « kalima mabnia » et ةطيسب ةملك

«kalima basita ». Or, il s’avère que le terme ةينبم ةملك « kalima mabnia » (mot construit) renvoie dans la tradition grammaticale arabe à un couple de terme ةينبم ةملك « kalima mabnia » (mot invariable) et ةبرعمةملك« kalima mo3araba » (mot fléchi) ( Salah Mejri 2008).

Cette situation suscite l’idée de chercher un critère d’équivalence permettant de détecter à quel degré, le traducteur peut accepter l’équivalence partielle dans la traduction des

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textes linguistiques vers l’Arabe. La réponse est de vérifier que cette équivalence partielle n’induit pas le récepteur dans l’ambigüité ni dans l’erreur.

Les exemples proposés par Guillaume reflètent son souci de traduire la métalangue de départ qui ne trouve forcément pas des équivalents identiques dans la langue d’arrivée. Il s’agit par conséquent d’accéder au contenu exprimé dans les termes de la langue de départ par la langue d’arrivée.

L’équivalence partielle rapelle le cas de la traduction juridique. Les juristes traducteurs ont soulevé la question importante de la distinction entre la traduction juridique et la transposition juridique. Ils ont, par conséquent, trouvé nécessaire de faire cette distinction et ont préféré donner un sens différent à chaque opération. « Il ne faut pas confondre la traduction juridique et la transposition juridique. La traduction juridique est l’opération de transfert d’un message juridique, dans un seul système juridique, d’une langue vers une autre langue. La transposition juridique est l’opération de transfert d’un message juridique émis dans une langue et dans un système juridique, vers une autre langue et un autre système juridique » (Didier, 1991 :9). En effet, l’opération de la traduction juridique implique un même système appliqué dans des pays, alors que les conditions de la transposition juridique seraient une pluralité de langues et de systèmes juridiques. Ces deux opérations existent en fonction des cas de traduction qui se présentent. Il est à souligné que « …la plupart des juristes préfère parler de traduction juridique à partir du moment où l’on procède au transfert d’un message de sa langue d’origine vers une autre langue indépendamment de la différence des systèmes juridiques. Par contre on emploi l’expression transposition juridique pour désigner les termes intraduisibles que l’on doit reproduire dans une langue autre que celle d’origine afin d’éviter la déformation du texte et les contresens. » (Abdel Hadi 1992 :52).

La distinction entre ces deux opérations traductives révèle la nature particulière de l’appareil terminologique du domaine juridique. L’application d’un même système juridique dans des pays différents donne lieu à la création de termes dont les sens renvoient à des réalités identiques. Dans ce cas, les équivalents se multiplient selon les langues, mais le mécanisme décrit est invariable. L’équivalence est, donc, totale et la différence est située au niveau des formulations, c'est-à-dire sur le plan linguistique. La transposition juridique fait appel à une traduction qui différe de la précédente.

Si la traduction juridique implique une équivalence totale dont la caractéristique est la stabilité du concept décrit, la transposition juridique renvoie à une absence d’équivalence.

Selon les traducteurs-juristes, le recours à la transposition juridique est valable dans des cas