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Théorie quantitative de la monnaie, instabilité de la vitesse de circulation et explication des hyperinflations : la version

Explications traditionnelles des phénomènes hyperinflationnistes : approche quantitative

3) L’équation quantitative de Chicago

1.2.3. Théorie quantitative de la monnaie, instabilité de la vitesse de circulation et explication des hyperinflations : la version

de Cambridge

Keynes (1923) et Kalecki (1962) s’appuient sur l’équation quantitative développée à Cam-bridge afin d’expliquer les phénomènes hyperinflationnistes. Leur apport est d’avoir identifié l’influence de la vitesse de circulation dans l’explication des hyperinflations. On passe d’une version de la théorie quantitative basée uniquement sur la variation de l’offre de monnaie à une version fondée sur les fluctuations de la masse monétaire et la variation de la vitesse de circulation de la monnaie.

Keynes et « la taxe inflationniste »

Keynes (1923) s’intéresse aux fluctuations de la valeur de la monnaie en Allemagne. Il dé-veloppe à ce sujet, le concept de la « la taxe inflationniste6 » afin d’appréhender l’évolution

5. Cassel (1923) s’est basé sur cette version de la théorie quantitative pour expliquer la hausse des prix apparue au lendemain de la Première Guerre mondiale. Selon lui, c’est l’augmentation des prix domestique qui explique la dépréciation du change.

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des prix en Allemagne. Pour Keynes, un pays peut décider de baisser la valeur de sa monnaie en mettant en circulation une quantité supplémentaire de monnaie, ce faisant les agents éco-nomiques subissent ce qu’il appelle la taxe inflationniste (Keynes, 1923). Il montre à travers l’exemple ci-dessous le fonctionnement de la taxe inflationniste.

Il décrit le processus en deux étapes ; une première étape où le gouvernement augmente l’offre de monnaie, ce qui se traduit par une taxe inflationniste et donc par une baisse de la valeur de la monnaie. Dans la seconde étape, les agents économiques réagissent face à la taxe inflationniste en réduisant les encaisses détenues : « Let us suppose that there are in circulation

9 million currency notes, and that they have altogether a value equivalent to 36 millions gold dollars. Suppose that the government prints a further 3 millions notes, so that the amount of currency is now 12 million ; then, in accordance with the above theory, the 12 million notes are still only equivalent to $ 36 millions. In the first state of affairs, therefore, each note = $ 4, and in the second state of affairs each note = $3. Consequently the 9 million notes originally held by the public are now worth $27 million instead of $ 36 million, and the 3 million notes newly issued by the government are worth $9 million. Thus by the process of printing the additional notes the government has transferred from the public to itself an amount of resources equal to $9 million, just as successfully as if it had raised this sum in taxation. On whom has the tax fallen ? Clearly on the holders of the original 9 million notes, whose notes are now worth 25 per cent less than they were before. The inflation has amounted to a tax of 25 per cent on all holders of notes in proportion to their holdings. » (Keynes, 1923, pp. 42-43). À travers cet exemple, Keynes

montre comment l’augmentation de la quantité de monnaie conduit à une baisse de la valeur de la monnaie et donc à une hausse des prix (Humphrey, 1981). On retrouve donc cette relation décroissante entre la quantité de monnaie et sa valeur exprimée en termes d’étalon métallique qui découle de la théorie quantitative de la monnaie.

L’idée est que l’augmentation la quantité de monnaie par l’État entraîne une baisse de la valeur de la monnaie7. Par conséquent, les agents économiques qui possédaient déjà une quantité donnée de monnaie voient leur pouvoir d’achat baisser. Ils supportent une taxe qui constitue une ressource pour l’État. Ces ressources proviennent de la capacité qu’a l’État à accroître la

the first full treatment in English of the inflation tax. ».

7. Cela concerne aussi bien la valeur interne et externe de la monnaie : « It will simplify the argument to ignore the fact the value of gold in terms of commodities itself a fluctuating one, and to treat the value of a currency in terms of gold as a rough measure of its value in terms of "real resources" generally. » (Keynes, 1923, p. 42).

1.2. L’APPROCHE QUANTITATIVE DE L’HYPERINFLATION

masse monétaire. Dans le cas allemand, Keynes donne deux principales raisons qui ont poussé les autorités allemandes à accroître la quantité de monnaie en circulation. Il s’agit de la hausse des dépenses publiques et l’insuffisance des devises. La création de monnaie permet de financer non seulement le déficit budgétaire, mais aussi d’acheter des devises sur le marché des changes. Il en résulte donc une hausse de la taxe d’inflation.

Dans la deuxième phase décrite par Keynes, les agents économiques réalisent qu’ils sup-portent une taxe inflationniste de la part du gouvernement et que celle-ci lui permet d’engranger une partie de ses ressources afin de financer ses dépenses. Ce faisant, les agents économiques modifient leurs comportements en réduisant leur détention en monnaie nationale « But sooner

or later the second phase sets in. The public discover that it is the holders of notes who suffer taxation and defray the expenses of government, and they begin to change their habits and to economise in their holding of notes. They can do this in various ways: –(1) instead of keeping some part of their ultimate reserves in money they can spend this money on durable objects, jewellery or household, and keep their reserves in this from instead ; (2) they can reduce the amount of till-money and pocket-money that they keep and the average length of time for which they keep it, even at the cost of great personal inconvenience ; and (3) they can employ foreign money in many transactions where it would have been more natural and convenient to use their own. » (Keynes, 1923, pp. 45-46). Lorsque les acteurs économiques réduisent leurs encaisses

détenues, la taxe inflationniste devient inefficace. En conséquence, la vitesse de circulation de la monnaie devient un élément capital dans la dynamique inflationniste : « Whilst economists

have sometimes described these phenomena in terms of an increase in the velocity of circulation due to loss of confidence in the currency ; nevertheless there are not, I think, many passages in economic literature were the matter is clearly analysed [...] Thus in the last stages of inflation the prodigious increase in the velocity of circulation may have as much, or more, effect in raising prices and depreciating the exchanges than the increase in the volume of notes. » (Keynes, 1923,

pp. 47-48). Keynes décrit un processus inflationniste dans lequel, une hausse de la vitesse de circulation de la monnaie, ce qui nourrit les tensions inflationnistes. Dans ce cas de figure, la taxe inflationniste est inefficace (schéma 3). Dans tous les cas, la création monétaire excessive est à l’origine de la baisse de la valeur de la monnaie et donc de l’inflation ; quant à son exacerbation, elle s’explique en grande partie par la hausse de la vitesse de circulation de la monnaie.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Kalecki (1962) propose un modèle d’hyper-inflation en se basant sur l’équation quantitative de Cambridge. À l’instar de Keynes (1923),

1.2. L’APPROCHE QUANTITATIVE DE L’HYPERINFLATION

ON. However, the level of the velocity of circulation generated by this rate of increase in prices is NL which is higher than OM. As a result the increase in prices will be accelerated and the "galloping" will continue until the point of intersection between the straight line and the curve A is reached. » Kalecki (1962, pp. 279-280). Selon Kalecki, une hausse de la vitesse de circulation

de la monnaie (OM) entraîne une hausse du taux d’inflation (ON). Cet accroissement des prix provoque à son tour des anticipations inflationnistes, d’où une hausse de la vitesse de circulation de la monnaie (NL), si bien que les prix augmentent à nouveau (OQ). Le passage de ON à OQ est dû à un accroissement de la vitesse de circulation de la monnaie qui est passée de OM à OR (graphique 1.1).

Ainsi, Kalecki décrit un cercle vicieux entre la vitesse de circulation de la monnaie et les prix. Toutefois, le point A de la figure ci-dessus ne peut pas être atteint théoriquement selon Kalecki, car l’hyperinflation s’arrête bien avant. En effet, l’hyperinflation se caractérise par un conflit de répartition entre les rentiers, les entrepreneurs et les travailleurs. Ce conflit se traduit par une baisse du revenu réel des travailleurs, un « appauvrissement des rentiers » et un « énorme profit

des entrepreneurs » (Kalecki, 1962). Comme les entrepreneurs font d’importants gains alors

ils ont intérêt à ce que l’hyperinflation se poursuive. Mais arrive un stade où les travailleurs développent des techniques ou mettent en place des stratégies visant à éviter l’érosion de leurs revenus réels. Par conséquent, les entrepreneurs ne sont plus gagnants dans le conflit. Cette situation conduit donc à un arrêt de l’hyperinflation. Raison pour laquelle selon Kalecki, le point A (graphique 1.1) ne peut pas être atteint en période d’hyperinflation : « This explains

the manifest support that big business gives to the continuation of hyperinflation once it has been started. However, their interest in it begins to vanish at the point where the techniques of fixing wages are so perfected as to enable the workers to increase the real wages. Since at the advanced stage of hyperinflation when this occurs the rentiers are already so impoverished that they cannot be squeezed any more, hyperinflation ceases to be a profitable proposition. It is at this point that usually emerge stabilisation schemes which put a stop to hyperinflation. As a result, as mentioned above, the point A in Fig. 1 or Fig. 2 may not be reached hyperinflation having been stopped earlier. » (Kalecki, 1962, pp. 280-81).

Dans le processus hyperinflationniste, Kalecki distingue deux phases. La première phase est matérialisée par une baisse des salaires réels des travailleurs et une augmentation des profits des entreprises. Quant à la seconde phase, elle est caractérisée par une hausse des salaires réels ; c’est donc dans cette seconde phase marquée par l’accroissement du pouvoir d’achat des travailleurs

1.2. L’APPROCHE QUANTITATIVE DE L’HYPERINFLATION

qu’intervient le point de stabilisation9

. C’est en effet dans cette phase que se développent les techniques de fixation de salaires plus sophistiquées qui selon Kalecki permettent d’accroître les salaires réels ; ces techniques sont en fait les « mécanismes d’indexations des salaires » (FitzGe-rald, 1990). L’originalité de son analyse réside dans le fait qu’il identifie les conditions d’arrêt des hyperinflations qui correspond au point d’accroissement des salaires réels. Il identifie les gagnants et les perdants de l’hyperinflation. De plus, il intègre le rôle des anticipations et de la vitesse de circulation dans la dynamique de l’hyperinflation. En 1956, Milton Friedman pro-pose une nouvelle version de la théorie quantitative de la monnaie. Cagan (1956) se base sur l’équation quantitative de Chicago pour proposer un modèle d’hyperinflation dans laquelle la demande de monnaie des agents économiques joue un rôle prépondérant.

1.2.4. La prise en compte de la demande de monnaie et des

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