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De l’échec du programme de réforme agraire à la désorga- désorga-nisation de la production

De la réforme agraire à l’hyperinflation : l’expérience zimbabwéenne (1997-2008)

5.1. Faits stylisés

5.1.2. De l’échec du programme de réforme agraire à la désorga- désorga-nisation de la production

Lorsque l’expropriation des terres débute en juillet 2000, les autorités politiques utilisent la réforme agraire comme un instrument politique en vue des élections législatives de 2000. Afin d’obtenir la majorité aux élections ; les autorités zimbabwéennes promettent de la terre aux électeurs en contrepartie de leurs voix : « The peasants, meanwhile, have been promised white

land in exchange for their vote in the June 2000 elections ; and they have also been warned that a new government would ignore their needs. » (Chitiyo, 2000, p. 18). Ainsi, la terre constitue un

instrument politique à la disposition des autorités zimbabwéennes afin d’assoir leur légitimité, ce qui fait que les terres reparties reviendraient aux partisans du pouvoir en place. Les ex-combattants constituent les principaux artisans de cette réforme, car ils ont été à l’origine de plusieurs irrégularités et violences enregistrées pendant la phase de répartition des terres. Entre 2000 et 2001, ils ont saisi certaines terres appartenant aux fermiers britanniques, le tout sous les yeux protecteurs du régime en place (Chitiyo, 2000; AfDB/OECD, 2002). Au final, les plus grands bénéficiaires des terres saisies ne sont pas la population rurale, mais plutôt les partisans du régime en place. C’est le constat fait dans le rapport de AfDB/OECD (2004, p. 423) :

« En 2002, un audit effectué par Flora Buka, ministre de la Réforme agraire, a révélé que des personnalités politiques très en vue s’étaient rendues coupables de graves violations de la règle

5.1. FAITS STYLISÉS

« un homme, une ferme » et étaient soupçonnées d’avoir reçu plusieurs grandes exploitations agricoles. »

Un autre problème majeur concernant la réforme agraire est l’exploitation des terres répar-ties. La question est liée au statut juridique des terres acquises, mais surtout à l’insuffisance du système bancaire. En 2003, le système bancaire zimbabwéen est confronté à deux obstacles ma-jeurs. Il y a d’une part l’insuffisance des dépôts bancaires qui s’explique par la baisse de l’activité économique et de l’inflation ; et d’autre part, le coût élevé des crédits bancaires, dû à la hausse des taux d’intérêt des banques secondaires (International Monetary Fund, 2005). De ce fait, les crédits accordés par les banques aux propriétaires terriens sont insuffisants. Par exemple entre 2003 et 2004, les nouveaux exploitants n’ont reçu que 10% des fonds nécessaires au financement de la campagne agricole (AfDB/OECD, 2004). L’échec de la réforme agraire s’explique donc en partie par un problème d’ordre monétaire (insuffisance du crédit).

Une autre contrainte est celle liée au risque de solvabilité. En effet, les bénéficiaires des terres ne disposaient pas d’un « droit de propriété », ce qui constitue un obstacle à la souscription d’un crédit. Ce faisant, les terres réparties n’ont pas été mises en valeur par leurs propriétaires :

« Même sur les terres redistribuées, le droit d’occupation n’est pas garanti. Au lieu d’un titre de propriété, l’État propose un bail sur 99 ans. Cette absence de garantie a des conséquences dramatiques sur la capacité des agriculteurs à financer leur production. » (AfDB/OECD, 2004,

p. 423). Ainsi, les nouveaux propriétaires ne peuvent pas financer la mise en production, ce qui a affecté négativement les investissements agricoles.

Le programme de réforme agraire destiné à transférer une partie des terres aux autochtones a été globalement un échec. Au total, ce sont environ 8,6 millions d’hectares (sur 11 millions) de terres qui ont été expropriés. De surcroit, les terres récupérées n’ont pas été exploitées comme le faisaient jadis les fermiers britanniques. La production agricole baisse de 24% en 2002, de 15% en 2003 ou de 39,3% en 2008 (tableau 5.2).

La réforme agraire n’a pas affecté que la production agricole. D’autres secteurs de production tels que l’industrie ont été touchés. En effet, les tensions ont alimenté la défiance des investisseurs. Selon le rapport de l’AfDB/OECD (2003, p. 388) : « Ces incertitudes liées à la réforme agraire et,

plus généralement, aux inquiétudes fondamentales concernant la politique économique du pays, ont sapé la confiance des milieux d’affaires et entraîné un repli persistant des investissements privés. » La dépendance de l’industrie manufacturière vis-à-vis du secteur agricole alimente aussi

ce repli. La part de la formation brute de capital dans le PIB est passée de 18,13% en 1997 à

5.1. FAITS STYLISÉS

4,99% en 2002 puis à 1,52% en 2005 (tableau 5.1). Entre 2000 et 2008, le taux de croissance moyen est de -5,99% et de -2,43% respectivement pour l’industrie et l’agriculture11. Le programme de réforme agraire, par ses effets d’entraînement, a conduit à une baisse de la production du secteur agricole et industriel.

5.1.

FAITS

STYLISÉS

Tableau 5.1 – L’évolution de quelques agrégats macroéconomiques au Zimbabwe entre 1990 et 2008

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 Croissance du PIB (% annuel) 6,98 5,53 -9,01 1,05 9,23 0,15 10,36 2,68 2,88 -0,81 -3,05 1,43 -8,89 -16,99 -5,80 -5,71 -3,46 -3,65 -17,66 Dépenses de consommation finale (% du PIB) 82,54 84,18 89,02 78,95 78,19 83,02 81,26 88,88 80,97 81,7 84,17 87,71 98,13 97,65 102,59 107,42 109,33 101,49 121,46 Formation brute de capital (% du PIB) 17,37 19,1 20,23 22,77 23,72 19,66 18,54 18,13 20,75 14,39 13,56 10,26 4,99 7,99 4,5 1,52 1,57 7,1 5,12 Exportations de biens et de ser-vices (% du PIB) 22,86 23,88 27,22 30,71 34,59 38,23 36,13 37,59 43,39 37,4 38,15 34,95 31,83 32,39 34,46 33,54 35,95 37,78 41,46 Importations de biens et de ser-vices (% du PIB) 22,79 27,16 36,48 32,44 36,51 40,92 35,93 44,6 45,12 33,51 35,90 32,93 34,97 38,05 41,56 42,49 46,86 46,38 68,05 Solde com-mercial (% du PIB) 0,074 -3,28 -9,25 -1,72 -1,91 -2,68 0,19 -7,01 -1,72 3,89 2,25 2,01 -3,13 -5,6 -7,1 -8,94 -10,9 -8,6 -26,58

Source : Banque Mondiale (2016), indicateurs de développement dans le monde, construction personnelle

5.1. FAITS STYLISÉS

En 2003, la baisse de la production agricole et industrielle conduit à une baisse du PIB de 16,99%. Le Zimbabwe ne parvient plus à couvrir ses besoins en biens et services à partir de 2004. D’après le tableau 5.1, les dépenses de consommation comprenant celles du gouvernement sont supérieures à la production intérieure à partir de 2004, renforçant la dépendance du Zimbabwe vis-à-vis des importations de biens et services. Ainsi, la part des importations dans le PIB est passée de 35,90% en 2000 à 42,49% en 2005 puis à 68,05% en 2008. En conséquence, le solde commercial se dégrade entre 2002 et 2008. Il passe de 2,01% du PIB en 2001 à -26,58% du PIB en 2008 (tableau 5.1). Les importations sont essentiellement constituées de biens manufacturés qui représentaient 76,89% et 75,89% des biens importés respectivement en 1998 et 2003 (Banque Mondiale, 2016). Une telle hausse des importations de biens de consommation finale est liée en l’absence d’investissements au Zimbabwe au début des années 2000, ce qui ne permet pas de relancer la production nationale. Mécaniquement, les exportations de biens et services chutent au début des années 2000. Celles-ci ont baissé de 7,73% en 2000 et de 20,43% en 2003 (Banque Mondiale, 2016), ce qui entraîne une baisse des recettes d’exportation, affectant ainsi les réserves de change du Zimbabwe.

La baisse des exportations s’explique aussi par les mauvais rendements du secteur minier. Ce dernier a enregistré des performances négatives au début des années 2000. La production annuelle baisse de 13,5% en 2001, de 30,9% en 2003 et de 39,7% en 2008 (Reserve Bank of Zimbabwe, 2008), ce qui a contribué à la baisse des exportations12. Il est aussi important de souligner la détérioration de l’indice des termes de l’échange du pays à la fin des années 1990 et au début des années 2000, notamment entre 2001 et 2006.

12. Le secteur du tourisme a été moins affecté pendant la crise. Paradoxalement, entre 1998 et 2003, puis entre 2006 et 2008, le Zimbabwe a reçu autour de 2 millions de touristes par an, un record depuis l’indépendance du pays en 1980 (Abel et Mudzonga, 2016, p. 89).

5.1.

FAITS

STYLISÉS

Tableau 5.2 – Indicateurs de la production industrielle et agricole, de commerce extérieur du Zimbabwe entre 1990 et 2008

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 Industrie, valeur ajoutée (% de

crois-sance annuelle)

3,99 1,23 -5,06 -6,22 15,43 -7,05 9,45 1,54 -0,31 8,69 -9,79 -10,20 -9,91 -16,63 1,037 1,15 -4,15 -3,76 -20,91

Agriculture, valeur ajoutée (% de crois-sance annuelle)

12,13 1,03 -23,19 27,12 7,31 -7,58 19,81 3,21 5,08 4,46 1,99 14,00 -24 -15 -8,99 -5 -3,99 -6,99 -39,3

Investissements étrangers directs, en-trées nettes (% du PIB)

-0,13 0,03 0,22 0,42 0,5 1,65 0,94 1,58 6,94 0,86 0,34 0,05 0,4 0,06 0,14 1,78 0,73 1,3 1,16

Indice des termes de l’échange des mar-chandises nets (2000=100)

97,51 98,36 100 97,31 97,97 96,75 97,60 96,93 97,32 97,08 100 95,48 93,55 96,25 99,36 90,52 95,42 104,28 92,30

Degré d’ouverture 22,82 25,52 31,85 31,58 35,55 39,57 36,03 41,10 44,25 35,46 37,03 33,94 33,40 35,22 38,01 38,02 41,41 42,08 54,76

Source : Banque Mondiale (2016), indicateurs de développement dans le monde, construction personnelle13

13. Le degré d’ouverture a été calculé par l’auteur à partir des données de la Banque Mondiale (2016).

5.1. FAITS STYLISÉS

5.1.3. D’autres facteurs importants : les dépenses de guerre, les

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