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Analyse de l’épisode 1 de l’hyperinflation hongroise de 1919- 1919-1920

Tensions politiques, sociales et crises hyperinflationnistes : le cas hongrois de

3.2. Faits stylisés et analyse de l’épisode 1 de l’hyper- l’hyper-inflation hongroise (1919-1924)

3.2.2. Analyse de l’épisode 1 de l’hyperinflation hongroise de 1919- 1919-1920

Caractérisé par une concurrence de monnaies, l’épisode 1 est marqué par une hyperinflation. En effet, la monnaie légale a été rejetée en tant que moyen de paiement par certains groupes socioéconomiques, ce qui s’est traduit par une dépréciation du taux de change entre les deux monnaies concurrentes. Le refus de la monnaie légale n’est pas due à des tensions inflationnistes (détérioration de l’unité de compte), mais à des facteurs d’ordre politique. Cela constitue une des spécificités de cet épisode. L’hyperinflation n’est pas précédée d’une hausse continue des prix ;

3.2. FAITS STYLISÉS ET ANALYSE DE L’ÉPISODE 1 DE L’HYPERINFLATION HONGROISE (1919-1924)

En Hongrie, les pratiques monétaires ne sont pas homogènes. D’un côté, il y a une monnaie concurrente (couronne bleue) inspirant confiance et de l’autre côté la monnaie légale (couronne blanche) disposant d’une confiance limitée. Dans ces conditions, les deux unités de monnaies n’auront pas le même pouvoir d’achat ; sur le marché des changes le rapport d’échange entre les deux unités monétaires concurrentes est différent de l’unité, ce qui signifie que pour une quantité donnée de biens, les prix en couronne blanche et en couronne bleue ne vont pas être identiques. L’idée ici, c’est d’expliquer la hausse des prix en couronne blanche (la monnaie légale) à travers la dépréciation du change entre les deux unités de monnaie domestique. Ainsi, les prix en couronne blanche augmentent avec la dépréciation du change. Étant donné que le taux de change enregistrait une forte augmentation alors les prix en couronne blanche ont atteint des niveaux spectaculaires. En juillet 1919, le taux d’inflation mensuel (prix en gros) atteint 37,04%, alors qu’il était de 2,02% en février 1919 (graphique 3.1). Cette progression des prix provient en partie de la coexistence de deux unités monétaires concurrentes. En effet, la dépréciation de la couronne bleue fait que pour un bien libellé en couronne bleue, les détenteurs de monnaies blanches (secteur public) déboursent plus d’unités monétaires pour acquérir ce bien auprès du secteur privé. Plus le taux de change est élevé, plus les couronnes blanches déboursées par les agents économiques sur le marché des changes vont être importantes. De ce fait, le même bien coûte plus cher en couronne blanche qu’en couronne bleue ; c’est de cette manière que le taux de change entre les deux monnaies domestiques se répercute sur les prix des biens exprimés en monnaie blanche (schéma 9).

Avec la dépréciation, les prix en monnaie blanche vont s’élever par rapport à ceux en mon-naie bleue. Le pouvoir d’achat des agents rémunérés en monmon-naie blanche baisse progressivement. La période révolutionnaire en Hongrie montre que la monnaie peut être rejetée non pour des raisons économiques, mais pour des raisons politiques. En rejetant la monnaie des révolution-naires, les agriculteurs rejettent aussi l’autorité des Bolchéviques. La monnaie constitue alors un moyen pour le secteur agricole de remettre en cause le pouvoir politique14, ce qui s’est traduit par une concurrence de monnaies pendant la période révolutionnaire. Il en résulte un désordre monétaire qui se manifeste non seulement par une dépréciation du change, mais aussi par des tensions inflationnistes — ce qui a nourri le rejet de la couronne blanche, d’où une coagulation du mouvement de contestation.

14. Pour une étude récente sur le lien entre la politique et la monnaie, voir Ould Ahmed (2015) ou Ould Ahmed et Ponsot (2015).

3.2. FAITS STYLISÉS ET ANALYSE DE L’ÉPISODE 1 DE L’HYPERINFLATION HONGROISE (1919-1924)

La coexistence de deux monnaies concurrentes s’est traduite par l’émergence de plusieurs échelles de prix, ce qui a bouleversé le système de prix en Hongrie. Il y a d’un côté des prix en couronne bleue et de l’autre côté des prix exprimés en couronne blanche. Toutefois, cette situation de concurrence monétaire constitue un obstacle aux échanges de biens et services. En Hongrie, le secteur agricole et industriel a un poids économique important. De ce fait, les secteurs ou les zones utilisateurs de couronnes blanches ont un accès limité aux biens et services. C’est le constat fait par Buday (1922, p. 22) : « Il y eut dans la vie économique une stagnation économique

jusque-là ; un déluge de papier-monnaie inonda la place, mais la marchandise disparut et le prolétaire, malgré tout son argent et son pouvoir, fut exposé d’un jour à l’autre à la famine ». Un constat qui

met parfaitement en relief les conséquences sur l’activité économique d’une monnaie dépourvue de confiance collective, ce qui justifie l’assertion de Lelart (1964, p. 255) selon laquelle « L’État

crée la monnaie. La société crée sa valeur ». En Hongrie, le rejet de la couronne blanche a

perturbé non seulement le système des prix, mais aussi les échanges de biens et services, d’où le désordre monétaire observé pendant la révolution Bolchévique.

La fin du règne des Bolchéviques met fin à l’émission des couronnes blanches, mais pas au désordre monétaire puisque la Hongrie a été occupée pendant 3 mois par l’armée roumaine juste après l’éviction des Bolchéviques (Dornbusch, 1992). En mars 1920, les nouvelles autorités monétaires procèdent à l’estampillage15

des différentes unités monétaires (couronnes blanches et couronnes bleues), le gouvernement profite de cette occasion pour garder la moitié des unités monétaires (estampillées) — en échange les détenteurs recevaient un bon d’État avec un intérêt de 4% (Dornbusch, 1992). Quant aux couronnes blanches, elles ont été échangées par les autorités monétaires pour 25% de leur valeur faciale16. L’objectif majeur de ces mesures est de résorber à la pluralité de monnaies qui existe depuis la révolution Bolchevique de sorte à doter la Hongrie d’une seule unité monétaire.

L’instabilité politique qui a régné en Hongrie au lendemain de la Première Guerre mondiale a

15. Cette technique consiste à apposer un timbre sur les couronnes austro-hongroises en circulation en Hongrie, ce qui permettra de faire une distinction entre les couronnes austro-hongroises en circulation dans les autres pays.

16. « First, the Bolshevik regime had had access to the plates for printing 1 and 2 crown Austro-Hungarian banknotes, and used them to print what was known as ’counterfeit money’. (These were even-tually honoured by the government at par, while the larger denomination ’white notes’, printed on white paper under their own authority by the Bolsheviks, were redeemed at 25 per cent of face value. Dornbusch says they lacked the blue paper used for Austrian notes and used white paper : ’Issue of money in the name of the Soviet government did not succeed, even when the death penalty was threatened’.). » (Chown, 2003, p. 140).

3.3. FAITS STYLISÉS ET ANALYSE DE L’ÉPISODE 2 DE L’HYPERINFLATION

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