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Pengo fiscal et tentative de stabilisation en Hon- Hon-grie en 1946

De la déficience des institutions monétaires à l’hyperinflation : le cas hongrois de 1945-1946

4.4. Pengo fiscal et tentative de stabilisation en Hon- Hon-grie en 1946

Le pengo fiscal apparait en janvier 1946 dans un contexte marqué par une baisse continuelle du pouvoir d’achat de la monnaie : les recettes réelles de l’État ne parviennent plus à couvrir les dépenses ; de même, les agents économiques préfèrent épargner en monnaie étrangère, notamment en dollar américain (Nogaro, 1948a,b). Ce dernier constitue la principale unité de paiement ; l’introduction du pengo fiscal constitue alors un moyen de modifier les pratiques monétaires des acteurs économiques. Cette expérience n’est pas nouvelle en Hongrie ; une réforme de même type a été menée des décennies auparavant, précisément entre février et juin 1924. Contrairement à l’expérience de 1924, les objectifs assignés au pengo fiscal n’ont pas été atteints. L’objectif de cette section est de montrer pourquoi l’introduction de la taxe pengo8 a été un échec.

4.4.1. Échec de la réforme de pengo fiscal

Fonctionnent du pengo fiscal

C’est dans un contexte marqué par une flambée des prix et par une concurrence monétaire que le pengo fiscal a été introduit par les autorités monétaires le 1er janvier 1946. Cette unité monétaire a coexisté au côté du pengo en tant qu’unité de compte et réserve de valeur entre janvier et juin 1946. À partir du 1er juin 1946, le pengo fiscal devient une unité de paiement. Pendant près de deux mois, la Hongrie disposait officiellement de deux unités de paiement ; le rapport d’échange entre la tax pengo et le pengo est fixé en fonction du taux d’inflation passé. Selon Varga (1949), cette réforme constitue le moyen de fournir une unité de compte stable aux acteurs économiques. Il est important de souligner qu’en l’absence d’une telle mesure, la valeur réelle du crédit remboursé baisse du fait de l’évolution continue des prix ; il est donc avantageux pour les agents économiques d’emprunter auprès des banques : ces dernières sont alors désavantagées.

Avec l’introduction du pengo fiscal, tout crédit est remboursé selon sa valeur réelle de départ. Le montant du crédit reste constant en termes réels pendant toute la durée du prêt ; le fait

4.4. PENGO FISCAL ET TENTATIVE DE STABILISATION EN HONGRIE EN 1946

de rembourser une quantité importante de pengo réduit les encaisses détenues par les agents économiques et pourrait freiner la hausse des prix : « It was to be hoped that the valorization of

the commercial credits by means of the tax-pengö would ensure the reflow of at least part of the great quantity of money issued in the course of the inflation. If on January 1, 1946, the date of the introduction of the tax-pengö, when 1 tax-pengö was equal to 1 paper-pengo, somebody contracted a short-term credit of 1 million pengos on the condition that after three months he would have to pay back as many times more paper-pengös as it had been necessary to issue in consequence of the inflation, the repayment of the larger amount of paper-pengö would, it was thought, to some extent counterbalance the effects of the inflation. » (Varga, 1949, p. 958)

Ce système consistant à conclure les activités de prêt dans une unité de compte domestique stable a été appliqué dans le domaine des finances publiques (Nogaro, 1948a,b). L’objectif pour-suivi est de protéger les recettes publiques qui ne cessaient de baisser avec la hausse des prix. Ce faisant, les impôts et taxes sont fixés en pengo fiscal, mais le paiement s’effectue en pengo selon le cours du change entre les deux unités monétaires domestiques. De ce fait, la valeur réelle des recettes publiques reste constante dans le temps. Un autre domaine d’application du système de pengo fiscal est le système bancaire (Nogaro, 1948a,b). En effet, les dépôts bancaires libellés en pengo fiscal sont valorisés lors du retrait — et ce en fonction du taux de change entre l’unité de compte et l’unité de paiement. Par exemple, un dépôt de 7000 pengos effectués à la période t1

vaut 700 pengos fiscaux pour un taux de change qui est égal à 1 pengo fiscal pour 10 pengos. Si à la période t2, ce taux de change passe à 20 alors les dépôts sont valorisés et passent à 14000 pengos. L’objectif de cette technique bancaire est de protéger les avoirs des agents économiques de l’inflation. Tels sont les modes de fonctionnement de la tax pengo. Toute la question est de savoir si les résultats attendus de cette réforme ont été atteints.

Les résultats de la réforme du pengo fiscal

La question que nous nous posons est de savoir si le pengo fiscal a freiné la fuite devant le pengo. Selon Nogaro (1948a,b) et Varga (1949), l’introduction du pengo fiscal a été un échec. À la différence de ces auteurs, nous nous proposons d’approfondir leur point de vue à l’aide de données statistiques. Partons de l’hypothèse que si les agents économiques utilisent le pengo fiscal comme un instrument d’épargne, et emploient le pengo comme la principale unité de paiement alors la demande de dollar pour l’épargne et les paiement va baisser9, ce qui va freiner

9. Selon Nogaro (1948a, p. 530), la valorisation des dépôts avait pour objectif de réduire la demande

4.4. PENGO FISCAL ET TENTATIVE DE STABILISATION EN HONGRIE EN 1946

evening so as to withdraw them, revalorized, the next morning. » (Nogaro, 1948a, p. 540). Une

autre idée qui se cache derrière cette observation faite par Nogaro est qu’une fois le montant des dépôts revalorisés, les agents économiques les retirent et les convertissent par la suite en devise. Cela exerce une pression supplémentaire sur le marché des changes si bien que le cours du change progresse de façon fulgurante.

L’échec du pengo fiscal dans le changement des pratiques monétaires et financières débouche sur un problème qui est celui de la forte fluctuation du taux de change entre le tax pengo et le pengo. Cette fluctuation est le signe d’une défiance vis-à-vis de la nouvelle unité de compte et des autorités monétaires. Signalons que le taux de change entre les deux unités monétaires domestiques dépend du taux d’inflation passé. Autrement dit, sa forte progression (tableau 4.4) montre que le rythme du taux d’inflation s’est accru entre janvier et mai 1946. Cette forte progression du taux de change n’est pas sans conséquence sur la stabilité de l’unité de compte. Selon Varga (1949), les prix ont augmenté dans la tax pengo parce qu’il y a eu un écart entre la « valeur légale » et la « valeur réelle ». La première était inférieure à la seconde si bien que les pengos reçus lors des opérations de ventes étaient en deçà de leur valeur réelle. Pour éviter cela, les vendeurs augmentent le prix de leurs biens en pengo fiscal de sorte à compenser l’écart entre la « valeur légale » et la « valeur réelle ». Cette différence de valeur constitue, selon Varga (1949), une raison de l’échec de la tax pengo à laquelle il ajoute plusieurs facteurs économiques, notamment la faiblesse de la production et la forte progression de la demande, puis la hausse des salaires nominaux. Ajoutons à cela, la courte échéance des dépôts bancaires, un constat fait par Nogaro (1948a) et qui selon Varga (1949) a contribué à l’échec du tax pengo.

4.4. PENGO FISCAL ET TENTATIVE DE STABILISATION EN HONGRIE EN 1946

Tableau 4.4 – Variation du taux de change (pengo fiscal/pengo) en Hongrie en 1946 Années Variation en % du taux de change (pengo

fiscal/pengo) 1 janvier 1946 -1 février -1946 70 28 février 1946 479,41 3 avril 1946 346,7 12 avril 1946 140,9 12 mai 1946 2683,01 31 mai 1946 3561,01

Source : Etudes et conjoncture - Economie mondiale (1946), construction personnelle

4.4.2. Les conditions politiques et sociales de la mise en œuvre du

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