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Tensions politiques, sociales et crises hyperinflationnistes : le cas hongrois de

3.1. Le contexte historique

leur. Toutefois, dans les deux épisodes, l’hyperinflation est appréhendée à travers les pratiques monétaires parallèles des acteurs économiques.

Pour mieux comprendre la dynamique de ces crises hyperinflationnistes, ce chapitre s’articule autour de trois grandes sections. La première section s’intéresse au contexte historique qui règne en Hongrie au lendemain de la Première Guerre mondiale. La deuxième section traite des deux épisodes de la crise monétaire hongroise de 1919-1924. Quant à la troisième section, elle est consacrée à la restauration de la monnaie hongroise rendue possible par la mise en place d’une réforme monétaire en février 1924.

3.1. Le contexte historique

Le contexte historique est marqué par la succession de plusieurs régimes politiques. D’abord, la république (16 novembre 1918 au 21 mars 1919), ensuite la révolution bolchévique (21 mars au 7 août 1919), et enfin la monarchie (1920-1944). Sur le plan international, on note la signature du Traité de Trianon qui a conduit à la mutilation de la Hongrie.

3.1.1. Caractéristiques de l’économie hongroise

Il est important de souligner le rôle déterminant de l’agriculture dans l’économie hongroise. En effet, l’agriculture représente 64,41% du revenu national brut avant la mutilation de la Hon-grie et 61,3% après sa mutilation (tableau 3.1). Par ailleurs, avant l’amputation de la HonHon-grie, l’agriculture emploie entre 60 et 65% de la population active ; les biens agricoles représentent 74% des exportations hongroises (Kopsidis, 2006). En 1920 (après la mutilation de la Hongrie), le secteur agricole emploie 58% de la population active3 et fournit près de 80,4% des exporta-tions totales (Kopsidis, 2006). L’agriculture constitue ainsi la base de l’économie hongroise ; ce secteur est composé de grandes, moyennes et petites propriétés. Les deux premières sont celles qui dominent l’agriculture hongroise ; elles constituent le pilier de l’économie. Avant la Première Guerre mondiale, les grandes propriétés sont au nombre de 1070 et occupent 29,9% des terres cultivables soit une propriété pour 2586 hectares (Etudes et conjoncture - Economie mondiale, 1950). Les moyennes propriétés évaluées à 10994 occupent 18,2% de l’ensemble des terres soit

3. Pour une étude sur le poids du secteur agricole dans l’économie hongroise, voir Ypersele (1923) ou Delos (1925).

3.1. LE CONTEXTE HISTORIQUE

153,3 hectares par propriété (Etudes et conjoncture - Economie mondiale, 1950). Ces données permettent d’avoir une idée de l’importance de l’agriculture dans l’économie hongroise et du système agricole en vigueur dans ce pays.

3.1.2. Une instabilité politique persistante après la Première Guerre

mondiale

L’abdication du Roi Charles le 13 novembre 1918 (Epstein, 1932) ouvre la porte à des options politiques divergentes. Trois régimes politiques vont se succéder entre novembre 1918 et mars 1920 (Lampland, 2016). Juste après la chute de la Monarchie, la Hongrie va connaitre pour la première fois un régime républicain le 16 novembre 1918. À la tête de cette République se trouve Mihály Károlyi dont l’objectif est d’instaurer un régime démocratique en Hongrie (Molnár, 1996). Károlyi est désigné par le « Conseil Nation » qui regroupe les principaux partis politiques hongrois. Nyiri (1926) dénonce les conditions dans lesquelles Károlyi a accédé au pouvoir, qui n’obéissent pas au principe même de la démocratie. À ce sujet, il affirme que : « Le

Conseil Nation n’a organisé aucune sorte d’élection, ni ouverte ni secrète, pas plus au moment de sa réunion, que plus tard quand il fut en pleine possession du pouvoir et qu’il disposait de tous les moyens pour le faire. Ni avant, ni pendant le règne du Conseil, il ne fut donné à la nation aucune occasion d’exprimer sa confiance ou sa défiance envers cet organisme qu’elle fut forcée d’accepter et de subir. » (Nyiri, 1926, pp. 11-12). Et plus loin il ajoute que : « La Hongrie n’apprit donc que par les journaux qu’elle était devenue république et que le président de cette république était Michel Károlyi [...] Le « Conseil Nation » a remplacé partout le peuple et a agi en son nom. Qui a demandé au peuple s’il voulait un Conseil National ? Personne ! » (Nyiri,

1926, p. 23). Selon ce même auteur, le parti de Károlyi ne représente que 4,8% de la population. Ainsi, la faible représentativité du parti au pouvoir et l’accession de Károlyi à la tête de la Hongrie posent la question de la légitimité du président de la nouvelle république.

Károlyi perd peu à peu la main dans l’exercice de ses fonctions ; la première république hongroise est marquée par une instabilité persistante qui s’est traduite par des démissions fré-quentes des membres du gouvernement : « La situation du gouvernement Károlyi, secoué par

des crises successives à la suite de la confusion intérieure et des difficultés extérieures, devint tellement précaire au début des années 1919 que les ministres démissionnaient les uns après les autres. » (Nyiri, 1926, p. 21). La fragilité du pouvoir provoque la mise en place d’une coalition

3.1. LE CONTEXTE HISTORIQUE

composée de sociaux-démocrates et de communistes, qui accède au pouvoir le 21 mars 1919 par un coup d’État4 (Molnár, 1996; Papp, 2013). Cette alliance ne sera que de courte durée, car les sociaux-démocrates sont perçus par le parti communiste comme « les traitres de la révolution » (Molnár, 1996, p. 335), ce qui laisse à penser que le parti communiste est le seul parti qui a dirigé cette brève période de révolution. De la république démocratique, la Hongrie passe à une

république des Soviets qui va durer 133 jours (Molnár, 1996). C’est ainsi que les Bolchéviques

cherchent à instaurer la dictature du prolétariat ; le paysage politique et économique est marqué par des mesures radicales dont : « La nationalisation d’entreprises, des banques, des assurances,

du commerce en gros, des immeubles locatifs ; décrets sociaux pour les femmes et les enfants ; mesures de contrôle sur la presse, la culture et les professions libérales. » (Molnár, 1996, pp. 334-35). L’opposition soutenue par l’armée roumaine parvient à évincer le pouvoir révolutionnaire

le 7 août 1919 (Epstein, 1932). Par la suite, la Hongrie va être occupée par l’armée roumaine pendant 3 mois (Dornbusch, 1992). Finalement, les élections se déroulent entre janvier et février 1920. Le 1er mars 1920, Nicholas Horthy est élu régent — la Hongrie bascule à nouveau dans la monarchie (Epstein, 1932).

3.1.3. L’évolution du régime monétaire national et le contexte

in-ternational

À l’instar de plusieurs pays de l’Europe, l’empire austro-hongrois a mis fin au système de l’étalon-or5à la veille de la Première Guerre mondiale soit le 4 août 1914 (Schumpeter, 1925). De ce fait, au lendemain de la Grande Guerre, la couronne austro-hongroise n’était plus couverte par l’or ni convertible en métaux précieux. Malgré l’effondrement de l’empire, la couronne austro-hongroise6 a continué à circuler en Hongrie jusqu’en août 1921 date à laquelle celle-ci a été remplacée par une nouvelle unité monétaire. Jusqu’en fin d’année 1919, la banque d’Autriche-Hongrie située en Autriche a mené ses activités en fournissant des couronnes austro-hongroises à la Hongrie et à l’Autriche. Il faut attendre janvier 1920 pour voir la séparation de la banque d’Autriche-Hongrie en deux sections : la section hongroise et la section autrichienne, mais c’est en octobre 1920 que le département hongrois débute ses activités (Mitzakis, 1925). Ce département

4. Papp (2013, p. 73) parle d’un « coup d’État socialo-communiste ».

5. Ce système a existé entre 1892 et 1914 dans l’empire austro-hongrois. Voir à ce sujet Mises (1909) ou Flandreau et Komlos (2001) sur le système monétaire austro-hongrois.

6. Cette monnaie avait cours légal en Hongrie et en Autriche depuis 1892.

3.2. FAITS STYLISÉS ET ANALYSE DE L’ÉPISODE 1 DE L’HYPERINFLATION

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