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Développement des phénomènes d’indexation autour de 2006 L’étude de la corrélation entre les salaires, les prix et le taux de change parallèle ainsi que

la dette extérieure

5.2. Analyse de l’hyperinflation zimbabwéenne

5.2.2. Développement des phénomènes d’indexation autour de 2006 L’étude de la corrélation entre les salaires, les prix et le taux de change parallèle ainsi que

les travaux de Jefferis et al. (2013) puis de Ellyne et Daly (2016) permettent de révéler les pratiques d’indexation des acteurs économiques. Au début des années 2000, les Nations Unies fournissent leurs propres données sur l’évolution du taux de change au Zimbabwe (Ellyne et Daly, 2016, p. 259). Ces données ont permis aux Nations Unies d’indexer les salaires de leurs fonctionnaires présents au Zimbabwe sur le cours du change permettant aux fonctionnaires de l’ONU de maintenir leur pouvoir d’achat constant sur la base d’un revenu versé en monnaie étrangère. Autrement dit, leurs salaires en dollars zimbabwéens sont revalorisés sur la base de la variation du taux de change. Cette pratique semble avoir été suivie par les travailleurs locaux

5.2. ANALYSE DE L’HYPERINFLATION ZIMBABWÉENNE

et les entreprises nationales.

À partir de 2006, nous observons une forte corrélation entre les salaires et le taux de change, décalé d’une période. En effet, en 2006, les salaires et rémunérations en termes no-minaux croissent en fonction du taux de dépréciation du change de 2005. En 2007, on observe le même phénomène ; les salaires et rémunérations en termes nominaux croissent en fonction du taux de dépréciation de 2006. Lorsque le taux de change est multiplié par 2,36 en 2005, les salaires nominaux croissent et sont multipliés par 3,11 en 2006. De même, quand le taux de change est multiplié par 12,51 en 2006, les salaires nominaux sont multipliés par 13,71 en 2007 (tableau 5.4). Ce lien entre salaires et taux de change n’est pas anodin. Il révèle l’indexation des salaires sur le cours du change passé. En effet, les travailleurs cherchent à préserver leurs revenus en monnaie étrangère. Désormais, ils comptent leurs revenus en dollars américains. Une dépréciation du change conduit les travailleurs à revendiquer des augmentations de salaire à hauteur de l’évolution du change entre le dollar zimbabwéen et la monnaie américaine.

Les entreprises ne sont pas indifférentes face à la variation persistante du pouvoir d’achat de la monnaie nationale. En effet, le profit nominal des différents secteurs de l’économie augmente dans les mêmes proportions entre 2006 et 2007. Cela implique que ces différents secteurs ont un « dénominateur commun » : le taux de change parallèle. Lorsque le taux de change est multiplié par 2,36 en 2005, le volume de profit nominal des différents secteurs est multiplié par 3,09 en 2006. De même, lorsque le taux de change est multiplié par 12,51 en 2006, le volume de profit nominal des différents secteurs de l’économie est multiplié par 13,71 en 2007 (tableau 5.4). Cette forte corrélation entre les profits et taux de change met en lumière l’indexation des profits nominaux sur le cours de change. Cela signifie que les entreprises évaluent dorénavant leurs profits en dollar américain, si bien que leurs profits suivent l’évolution du taux de change. En d’autres termes, elles comptent leurs profits en dollar américain.

À partir donc de cette analyse de la corrélation entre les profits, les salaires des différents secteurs de l’économie et le taux de change, nous avons pu montrer que la stratégie adoptée par l’ONU pour protéger le revenu réel de ses fonctionnaires était répandue. L’évolution des salaires et des profits par rapport au taux de change nous a permis d’attester la présence des phénomènes d’indexation dans l’économie zimbabwéenne22. Ces pratiques d’indexation destinées à préserver les profits des entreprises en dollar américain ne sont pas sans conséquence sur le niveau des

22. Notre analyse est en adéquation avec les observations faites par Jefferis et al. (2013, p. 4), qui signale l’existence des pratiques d’indexation entre 2006 et 2008.

5.2. ANALYSE DE L’HYPERINFLATION ZIMBABWÉENNE

prix intérieurs23.

L’indexation met en lumière le rejet du dollar zimbabwéen dans sa fonction d’unité de compte. Du fait de sa détérioration persistante, le dollar zimbabwéen est abandonné au pro-fit du dollar américain. Ce dernier sert désormais à exprimer les grandeurs économiques. Les agents économiques cherchent à convertir leurs revenus et avoirs en dollar américain, ce qui exerce des pressions sur le marché des changes, d’où la hausse fulgurante du cours du change. Et comme les prix intérieurs suivent l’évolution du change, on assiste à une exacerbation des tensions inflationnistes. Dans notre cas, le taux de change enregistre une forte progression. Le dollar américain s’est apprécié de 1351% en 2006 et de 161225% en 2007 (tableau 5.4), d’où une hausse du taux d’inflation annuel de 1016,7% et de 6723,7% respectivement en 2006 et en 2007 (Reserve Bank of Zimbabwe, 2008). Nous retrouvons ici la seconde relation entre le taux de change et les prix, observée dans un contexte de rejet de l’unité de compte domestique. Elle se manifeste à travers l’indexation de l’ensemble des prix sur le cours du change. Cette pratique monétaire tend à alimenter les tensions inflationnistes ; l’action du change dans la seconde phase est prépondérante par rapport à la première.

Tableau 5.4 – Taux de croissance (en %) des profits, salaires et du change parallèle au Zimbabwe entre 2004 et 2007

Profit des entreprises publiques

Profit des compagnies (non financières )

Profit des entreprises privées (non financières) Salaires et rémunéra-tions Taux de change parallèle 2004 64,78 269,90 211,06 236,22 78,89 2005 1395,78 3496,44 398,67 1.335,70 336,81 2006 409,37 409,36 409,36 411,56 1351 2007 1.471,28 1.471,28 1.471,28 1.467,45 161225

Source : Reserve Bank of Zimbabwe (2005, 2008), Coomer (2010)24 et Mandizha (2014)25, construction personnelle

23. Pour une étude récente sur le rôle des indexations dans la trajectoire des hyperinflations, voir par exemple Marie (2014) ou Charles et Marie (2017).

24. Coomer (2010) présente les données mensuelles sur le taux de change parallèle, ses données sont issues de la base de données de l’ONU et vont de 2005 à 2008. Pour avoir les données annuelles, nous avons calculé la moyenne des données sur douze mois.

25. Les données sur le taux de change parallèle sont issues de l’article de Mandizha (2014). Pour avoir les données annuelles, nous avons calculé la moyenne des données des douze mois, cela concerne le taux de change de 2004.

5.2. ANALYSE DE L’HYPERINFLATION ZIMBABWÉENNE

5.2.3. Vers un rejet complet de la monnaie domestique en 2007

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