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Faits stylisés et analyse de l’épisode 1 (janvier- (janvier-avril 1945)

De la déficience des institutions monétaires à l’hyperinflation : le cas hongrois de 1945-1946

4.2. Faits stylisés et analyse de l’épisode 1 (janvier- (janvier-avril 1945)

Dans cette section, nous insistons sur le désordre monétaire enregistré pendant l’occupation soviétique entre janvier et avril 1945. Cet épisode est marqué par la coexistence de plusieurs monnaies concurrentes. C’est dans ce contexte que naissent les pratiques monétaires parallèles, ce qui va engendrer une dépréciation du change et des tensions inflationnistes.

4.2.1. La souveraineté politique et monétaire en cause au

lende-main de la Seconde Guerre mondiale

Entre 1944 et 1945, la souveraineté de la Hongrie est menacée par les occupations allemande et russe ; la Hongrie a été envahie par l’armée allemande le 19 mars 1944 (Mende, 1948, p.

4.2. FAITS STYLISÉS ET ANALYSE DE L’ÉPISODE 1 (JANVIER-AVRIL 1945)

168). En conséquence, les différentes organisations politiques ont été dissoutes — et ce jusqu’à la libération de la Hongrie par l’armée russe. Dès lors, un gouvernement de transition a été mis en place le 21 décembre 1944 (Mende, 1948, p. 168). Toutefois, l’armée russe occupa la Hongrie pendant près de quatre mois, soit entre janvier et avril 1945 ; les premières élections se tiennent en octobre 1945 (Mende, 1948, p. 168). Ces faits mettent en lumière l’instabilité politique qui régnait en Hongrie entre 1944 et 1945. S’il y a un point qui nous intéresse, c’est bien l’occupation russe — celle-ci a été militaire, et surtout économique. En effet, la Hongrie a été sous tutelle russe aussi bien sur le plan politique qu’économique ; c’est le constat fait par (Borhi, 2006, p. 23) : « The armistice agreement signed with Hungary on January 20, 1945 provided the Soviet

armed forces freedom of maneuvering on Hungarian territory without any measure of Hungarian oversight and this provision was never lifted in the period under examination ».

C’est la souveraineté qui est remise en cause avec l’occupation de l’armée russe ; l’autorité est exercée par une puissance extérieure. Dans ces conditions, les institutions qui existaient avant les affrontements militaires sont inopérantes. Ainsi, l’occupation russe et allemande a fragilisé les institutions hongroises ; cela n’est pas sans conséquence sur la souveraineté monétaire, celle-ci va être fragilisée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale

4.2.2. Déficience des institutions monétaires et concurrence de

monnaies : Analyse de l’épisode 1

L’ordre monétaire a été bouleversé en Hongrie après les violents affrontements enregistrés au dernier trimestre de l’année 1944 entre l’armée russe et l’armée allemande ; plusieurs études mettent en perspective le désordre monétaire qui régnait en Hongrie au début de l’année 19451. L’armée allemande, évincée, emporte avec elle les réserves de la Banque Centrale hongroise ainsi que le matériel. De ce fait, les institutions monétaires n’étaient plus fonctionnelles ; les autorités monétaires n’étaient plus en mesure de répondre à la demande de monnaie des agents économiques, ce qui a conduit à une pénurie de monnaie en Hongrie : « So all restrictions

were cancelled and there followed four months of complete laissez-faire. The result was that population survived, but the cost of living had risen fifteen times the previous level. It would have risen far more but for the extreme shortage of currency in the currency in the country.

1. Ce sont entre autres les travaux de Kaldor (1946a), Nogaro (1948b) et de la Banque de Règlements Internationaux (1946)

4.2. FAITS STYLISÉS ET ANALYSE DE L’ÉPISODE 1 (JANVIER-AVRIL 1945)

The Government printing presses were not in operation (the first note-printing press, repaired in feverish haste, was only got going on April 29, four months after liberation ; the Hungarian Arrow-Cross (Nazi) leaders carried away the bank-note reserves of the National Bank, while the Russians issued military currency in small quantities only. A fifteen-fold increase in prices was the maximum that the available currency in circulation could support. » (Kaldor, 1946a, p. 2).

La Banque Centrale est inopérante au début de l’année 1945. Ces faits soulignent une crise de confiance hiérarchique, car il n’existe plus d’autorités monétaires capables d’assurer l’émission et la stabilité de la monnaie nationale. Ainsi, l’armée rouge s’est substituée à la Banque Centrale en émettant sa propre unité monétaire libellée en pengo : « The Soviet Union contributed to

Hungary’s hyperinflation crisis, probably in an effort to destroy Hungary’s economy. In 1945, the Soviet army issued in Hungary the highest denomination banknote ever printed, a 100-quadrillion-pengo note. » (Allen, 2009, p. 223)

Le comportement de l’armée rouge rappelle celui des Bolchéviques au lendemain de la Pre-mière Guerre mondiale2

. Cette expérience a marqué négativement les acteurs économiques et sociaux. Le parti communiste, c’est-à-dire le parti qui dirigea la revolution, avait été dissout en 1920 (Mende, 1948). Lorsque cette même expérience se produit quelques années plus tard les agents économiques font le rapprochement avec l’épisode de 1919. Ainsi, ils anticipent un effondrement de la monnaie nationale. De ce fait, ils développent des pratiques monétaires et financières parallèles — des monnaies étrangères sont recherchées pour se prémunir d’une insta-bilité future du pengo. D’autres facteurs ont pu pousser les acteurs économiques à adopter une monnaie étrangère dans les transactions intérieures. Il s’agit des difficultés d’accès au pengo, de la fragilité des institutions monétaires et de la pénurie des moyens de payement nationaux. Ainsi, le paysage monétaire hongrois va être marqué par la circulation d’unités de monnaie na-tionale et étrangère pendant l’occupation russe : « Des pengoes et des roubles furent émis par

l’armée rouge et des billets provenant des territoires cédés affluèrent dans la Hongrie à nouveau amputée. » (Banque de Règlements Internationaux, 1946, p. 46)

Selon nous, ces pratiques monétaires des agents économiques signalent le déclenchement de l’hyperinflation. Ces pratiques se sont traduites par la transformation des unités de pengo

2. En 1919, les Bolchéviques avaient mis en circulation des unités monétaires de couleur blanche. Ces dernières ont été remises en cause par certains groupes socioéconomiques dont le secteur agricole et l’industrie (Varga, 1922). De plus, après le départ des révolutionnaires, les unités de couronnes blanches ont été échangées par les nouvelles autorités monétaires pour 25% de leur valeur faciale (Young, 1925; Dornbusch, 1992; Chown, 2003). Pour plus détails, voir le chapitre 3.

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