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INNOVATIONS MANAGERIALES

CHAPITRE 1 MODELES DE DIFFUSION ET ACTEURS

1 LA DIFFUSION DES INNOVATIONS MANAGERIALES

1.3 Théorie de la traduction

Certains travaux récents (Godowski, 2003 ; Alcouffe, Berland et Levant, 2008) font appel à la théorie de la traduction (Callon, 1986 ; Latour, 1999) afin d’expliquer les processus de diffusion d’innovations managériales.

1.3.1 Définition de la perspective

Dans cette approche, l’innovation n’est pas stabilisée à l’issue du processus d’invention, l’idée est incomplète. La diffusion de l’innovation est assurée par un processus de traduction, au cours duquel l’innovation et son univers social vont progressivement se mettre en forme et se stabiliser. L’innovation doit donc être analysée au sein du contexte dans lequel elle évolue, car le contexte est un élément constituant de l’innovation. Cette perspective s’oppose donc à la vision classique de la diffusion des innovations selon laquelle l’innovation est « nettoyée » de toute trace du monde social.

On retrouve dans cette perspective l’idée que le processus d’invention n’aboutit pas à une innovation stabilisée et figée. Au contraire, l’innovation continue de se construire au fil des

mises en œuvre par les différentes organisations qui l’adoptent. Il n’est donc pas possible de

distinguer conception et usage, tous les acteurs participant à la construction et à la stabilisation progressive de l’identité de l’innovation.

La théorie de l’acteur-réseau, ou sociologie de la traduction, prend son origine en sociologie des sciences avec Latour et Woolgar (1979). Il s’agit d’une théorie de l’action collective fondée sur la résolution des controverses scientifiques qui conduisent à la stabilisation d’un énoncé. La domestication des coquilles St-Jacques en baie de St Brieux (Callon, 1986) illustre le mécanisme mis en œuvre par les acteurs de façon inconsciente. Cela ne présuppose pas le caractère délibéré du mécanisme dans sa mise en œuvre par certains acteurs.

1.3.2 Processus de diffusion

La diffusion des innovations managériales se réalise à travers le mécanisme de la traduction. Cette traduction est composée de quatre opérations successives (Callon, 1986) : la problématisation, l’intéressement, l’enrôlement et la mobilisation. Ces quatre étapes, présentées ici comme distinctes, ne le sont pas toujours dans la réalité mais peuvent se chevaucher. Dans cette théorie, le terme d’ « acteur » inclut les humains comme les non- humains.

La problématisation correspond à la formulation du problème. Cette étape conduit à l’identification de l’ensemble des acteurs concernés par le problème et des difficultés à

résoudre ce problème. Cette définition des acteurs n’est pas nécessairement précise à ce stade. En revanche, les acteurs qui réalisent la problématisation doivent poser le problème de manière à apparaître indispensables pour le résoudre. En effet, la problématisation met en évidence que les acteurs concernés par la question ne pourront pas atteindre leurs objectifs par eux-mêmes, et vont être obligés de faire appel à la solution proposée par les auteurs de la problématisation. Elle indique donc les déplacements nécessaires de l’ensemble des acteurs mais également les alliances à créer entre les acteurs pour y arriver. Apparaît alors le concept de « point de passage obligé » qui est celui vers lequel les acteurs vont devoir se déplacer pour résoudre le problème auquel ils sont confrontés. A ce stade, l’identité des acteurs concernés par le problème et les liens entre eux n’est qu’hypothétique. Les étapes suivantes vont permettre de les valider et de les stabiliser.

L’intéressement est une phase de consolidation, dans laquelle les acteurs à l’origine de la problématisation tentent de stabiliser l’identité de l’ensemble des acteurs définis précédemment. Intéresser est ici entendu dans son sens étymologique qui signifie « se placer entre » (Callon, 1986). En effet, il s’agit d’intéresser les acteurs et cela passe par la tentative de rompre les liens, visibles ou invisibles entre eux et d’autres acteurs qui chercheraient également à les intéresser. Ces différents processus d’intéressement concourent donc à l’évolution ou la redéfinition de l’identité et des propriétés des acteurs. Plusieurs stratégies peuvent être mises en place pour réaliser cet intéressement : la sollicitation, la séduction ou même la force. Si l’intéressement réussit, il confirme la validité de la problématisation. Suite à cet intéressement, l’objectif est de parvenir à l’enrôlement des acteurs. Cette étape correspond à la définition et l’attribution d’un rôle à chaque acteur qui l’accepte. Il s’agit donc de décrire l’ensemble des négociations multilatérales qui accompagnent l’enrôlement et lui permettent d’aboutir. L’enrôlement correspond à un intéressement réussi. Ainsi, chaque acteur du réseau, ou catégorie d’acteurs, a un rôle qui lui permet de poursuivre ses intérêts.

La mobilisation consiste à « rendre mobiles », rassembler ses alliés. Cette phase va aboutir à la désignation de porte-paroles. En effet, au sein des différentes catégories d’acteurs, impliqués dans cette résolution de problème, apparaissent des porte-paroles, qui parlent pour les autres et qui ont été intéressés au nom des foules qu’ils représentent ou prétendent représenter. Ce sont ces porte-paroles qui interagissent directement avec les acteurs à l’origine du processus de traduction. Au fil de la mobilisation, et donc des déplacements des acteurs, les chaînes d’intermédiaires aboutissent à un seul et ultime porte-parole. Ainsi, progressivement, assiste-t-on à l’alliance d’acteurs qui font masse pour rendre crédible et indiscutable la proposition initiale de la problématisation.

Finalement, la traduction consiste à déplacer ses alliés et les faire passer par des points de passage obligés. Il s’agit également d’arriver à s’ériger en porte-parole et ainsi exprimer dans son propre langage ce que les autres disent ; en d’autres termes d’imposer un discours qui va être repris par l’ensemble des alliés. Au début du processus, les différents acteurs appartiennent à des univers distincts et ne communiquent pas aisément. Les différents déplacements des acteurs permettent à un discours d’émerger et de mettre en relation ces acteurs.

La traduction est donc un processus au cours duquel un monde social se met progressivement en forme et se stabilise. Ainsi, l’objet de la traduction devient-il une boîte noire (Latour, 1995) qui correspond à une clôture au sein de laquelle les différents intérêts ont été enrôlés, mis en réseau et unifiés.

Mais certaines traductions sont des échecs et elles prennent alors la forme de controverse. Une fois qu’une controverse émerge, c’est la mise en débat qui va permettre la résolution du problème. Les faits ne seront alors plus remis en cause, la controverse s’arrêtera et ils seront adoptés par tous.

Le processus de la traduction et ses quatre étapes peuvent donc s’appliquer à une innovation et au discours qui l’accompagne. Ainsi, de l’analyse des réseaux socio-techniques proposée par la théorie de l’acteur-réseau naît un processus d’innovation pensé comme tourbillonnaire impliquant les acteurs humains et non-humains, l’intéressement et la traduction. Élaboré au Centre de Sociologie de l’Innovation de l’École des Mines, le modèle tourbillonnaire suppose une itération des activités et s’oppose littéralement au modèle linéaire. Akrich et al. (1988) se sont fondés sur la théorie de la traduction pour élaborer leur modèle et en particulier sur la notion d’intéressement, puisque dans ce modèle, l’intéressement des acteurs du réseau et la traduction se succèdent et sont réalisées de manière récursive. C’est au tout au long du processus que l’innovation est construite (Figure 3).

Ainsi, c’est en lien avec les acteurs que l’objet se transforme et se concrétise, au sein du réseau sociotechnique. La boucle itérative modifie à la fois l’environnement et l’innovation, ce qui conduit à la création de nouveaux savoirs et à l’adoption-adaptation des innovations.

Figure 3 - Le modèle tourbillonaire (Akrich et al., 1988)

Godowski (2003) applique ce modèle à l’analyse de la diffusion des approches par activités et notamment pour comprendre les difficultés d’assimilation de ces approches par les organisations. Selon lui, de nouvelles fonctionnalités, sous la forme de nouveaux instruments, sont apparues dans ces approches par activité, par le biais d’opérations de traductions et d’adaptation réalisées dans les organisations.

Cette théorie nous conforte donc dans la posture adoptée vis-à-vis des innovations managériales et de l’idée que suite à leur invention, elles vont être enrichies, modifiées au contact des organisations, avant d’atteindre un statut « établi », qui ne soit plus questionné et qui correspondrait à la boîte noire.

1.3.3 Facteurs d’influence de la diffusion

1.3.3.1 « Faits durs » et « faits souples »

Il est intéressant de noter que les processus de traduction n’aboutissent pas tous aux mêmes types de boîtes noires (Latour, 1994). Celui-ci distingue les faits « souples » des faits « durs », lorsqu’il présente la propagation d’énoncés au sein de la communauté scientifique.

Les faits « souples » correspondent aux énoncés qui assurent une marge de négociation pour que les acteurs puissent les transformer et les adapter à leur contexte. Dans ce cas, les possibilités d’intéressement sont augmentées, mais les risques de déformation sont également importants. Ces déformations ne sont pas apparentes lors de la reprise des énoncés : il est essentiel que tous les acteurs semblent parler de la même chose. Mais en réalité, chacun s’est

approprié de façon particulière l’énoncé initial. De plus, il n’y a pas un auteur unique mais autant d’auteurs qu’il y a de membres le long de la chaine de propagation.

En revanche, les faits « durs » sont des énoncés qui ont vocation à se faire accepter tels quels, sans modification possible. Il y a donc un auteur unique, propriétaire de l’énoncé, qui possède un contrôle important sur l’énoncé original, lequel a peu de possibilités d’être modifié. Cependant, ce contrôle diminue les chances de diffusion de l’énoncé.

1.3.3.2 Les objets-frontière

Star et Griesemer (1989) mettent en avant une limite du modèle de la traduction qui se concentre uniquement sur le point de vue des chercheurs, lesquels sont les acteurs à l’origine du processus de traduction. Il leur semble nécessaire de tenir compte du rôle des différents mondes sociaux qui participent à la traduction. Ils vont donc tenter d’analyser la collaboration entre ces mondes sociaux, et la manière d’aboutir à une solution qui paraît cohérente pour tous les acteurs impliqués.

Pour cela, les auteurs proposent un modèle dans lequel il n’y a pas une unique traduction mais de multiples traductions qui s'entrecroisent. De la même manière, il n’y a pas un seul « point de passage obligé ». En effet, une négociation se met en place, négociation où chacun des intervenants tente de recruter des alliés, traduire les intérêts des autres et les amène à passer par leur propre « point de passage obligé ». Ces traductions multiples permettent de faire coexister des mondes sociaux différents.

La cohérence de ce réseau de traductions croisées conduit à la création d'objets-frontière. Ces objets-frontière sont des objets matériels ou conceptuels qui peuvent traverser différents mondes sociaux en maintenant une identité structurelle. Ainsi, sont-ils reconnaissables par tous, tout en ayant une signification différente d'un monde social à l'autre. En d’autres termes, ces objets-frontières assurent la communication entre des mondes différents. Les objets- frontières doivent être à la fois robustes pour conserver une identité commune d'un monde social à l'autre et malléables, pour que chaque monde puisse les adapter à ses besoins locaux et les utiliser de la manière la plus pertinente.

La caractérisation de ces objets-frontières permet de mettre en avant quatre paramètres de la coopération entre groupes sociaux aux intérêts divergents (Giroux, 1999). L’objet de la coopération, constitué de plusieurs éléments, doit être suffisamment vaste et varié pour que chaque groupe puisse y trouver un point d’intérêt. De plus, certains éléments doivent rester

suffisamment flous pour permettre une interprétation différente de chacun. Néanmoins, d’autres éléments doivent être communs à l’ensemble des groupes qui vont utiliser l’objet et constituer ainsi un lieu de rassemblement. Enfin, le caractère flou de l’objet-frontière peut conduire, dans la pratique, à certaines incertitudes. Il est donc nécessaire d’apporter un minimum de formalisation qui permet de réduire ces incertitudes.

Il est possible de rapprocher cet objet-frontière de ce que Latour appelle les « faits souples » qui sont suffisamment malléables pour augmenter les possibilités d’intéressement.

Il nous semble intéressant de retenir cette distinction entre faits durs et faits souples et

cette notion d’objets-frontières pour caractériser les innovations managériales et leur évolution possible dans la période analysée, après l’invention mais avant une diffusion

établie.

Peters et al. (2010) précisent la différence entre les objets-frontière et les objets-intermédiaires issus du processus de traduction, présentés dans la théorie de l’acteur-réseau. Selon ces auteurs, les acteurs à l’origine de ces deux types d’objets ne sont pas les mêmes. Les objets intermédiaires sont issus du travail de traduction d’un acteur principal qui cherche à enrôler d’autres acteurs. L’objet intermédiaire est donc « le témoin du processus de connexion entre les différents acteurs » (p.67). Les objets-frontières sont issus d’un processus collectif de traduction et de coordination par l’ensemble des acteurs en présence. Ils témoignent « des inerties, des défaillances, des ruptures, des négociations et des débats entre ces acteurs » (p.67). Ainsi traduisent-ils à la fois le savoir-faire des experts mais aussi les pratiques des utilisateurs. Les objets-frontière participent à la fois au découpage temporel du processus d’innovation mais également à la définition-même de l’innovation en étant les supports de son existence (Peters et al., 2010).

Si l’on considère le cycle de vie de l’innovation comme la succession de trois phases : prise de risque, légitimation et stabilisation, nous pouvons analyser les rôles joués par ces deux types d’objets dans l’enchaînement de ces phases (Peters et al., 2010). Les objets-frontières participent ainsi au découpage temporel du processus d’innovation, puisqu’ils limitent les possibilités de choix dans les phases suivantes. Ces objets-frontières sont des marqueurs temporels uniquement pour le passage de la phase 1 à la phase 2. Le passage à la phase 3 se traduit par le recours à des objets intermédiaires. Cela marque le besoin d’appropriation du

processus d’innovation par les concepteurs qui cherchent à créditer leur projet, dans le

On retrouve donc ici l’idée que même si la poursuite de la conception est issue d’un processus interactif entre concepteur et organisations, il est intéressant d’analyser plus particulièrement le point de vue du concepteur. En effet, celui-ci va s’appuyer sur cette interaction pour parvenir à définir et stabiliser l’identité de l’innovation de manière à ce qu’elle satisfasse le plus grand nombre.

Pour Latour, comme pour Star et Griesemer, le processus de traduction ou l’apparition des objets-frontières est le résultat d’une action délibérée dirigée vers l’extérieur. Au contraire, Fujirama (citée par Giroux, 1999) considère que l’apparition des objets-frontières provient de la coïncidence du travail de plusieurs mondes sociaux, même si certains acteurs peuvent avoir un rôle particulier dans la coordination du processus ou dans l’orientation de l’objet-frontière, notamment les acteurs qui ont créé ou développé l’objet ou certains de ses éléments. La constitution d’un objet-frontière est progressive. Ainsi, la popularité d’un objet-frontière résulte-t-elle du fait qu’il permet à chacun des mondes sociaux de protéger ses intérêts tout en fournissant à ces mondes de nouveaux outils.

1.4 Synthèse

Après avoir exposé ces trois perspectives sur la diffusion des innovations managériales, il nous semble important de résumer les différences entre ces approches, mais aussi de montrer de quelle manière nous pouvons articuler ces apports avec notre problématique.

La théorie classique de la diffusion des innovations (Rogers, 1995) suppose que l’idée à l’origine de l’innovation est bonne et par conséquent l’innovation se diffuse d’elle-même. La définition du succès de l’innovation est liée au taux d’adoption par les organisations. Dans le cas des modes managériales, le succès de la diffusion est lié à la capacité des fashion-setters à faire apparaître l’objet de mode comme un choix rationnel et donc comme un enjeu de légitimité. Il s’agit de rendre indispensable la montée dans « le train en marche ». Dans le modèle de la traduction, l’innovation se diffuse parce qu’elle traduit les intérêts changeants et transitoires de différents groupes d’acteurs au sein du « méta-réseau » qui cherchent à maintenir leur position et leur influence. Les pionniers recrutent des alliés, mais ces changements de groupes d’acteurs peuvent à leur tour conduire à une transformation de l’innovation. Ainsi, l’innovation est-elle issue d’un processus itératif qui témoigne de

stratégies d’acteurs qui cherchent à créer des alliances. Ce processus mêle des périodes d’incertitudes, d’improvisations ou de hasards mais également des périodes de planification ou de sécurisation.

Dès lors, la définition du succès de l’innovation n’est plus liée au taux d’adoption mais au degré de maturité de l’innovation dans son processus de transformation. L’innovation est un succès quand elle devient une « boîte noire » qui n’est plus questionnée. On assiste à des progressions multiples, cumulatives et conjonctives, au cours du développement d’une innovation managériale, d’activités convergentes, parallèles et divergentes, pour aboutir à une boîte noire. Celle-ci forme une clôture qui implique que les différents intérêts enrôlés ont pu être mis en réseau et unifiés.

Ainsi, le modèle de l’intéressement proposé par les sociologues de l’innovation apparaît-il comme plus pertinent pour comprendre la diffusion des innovations managériales.

Ces différences sur la manière d’envisager la diffusion ont des conséquences notamment sur deux aspects particuliers qui nous intéressent plus particulièrement dans le cadre de cette recherche : la relation entre invention et diffusion, d’une part, la relation entre l’innovation et la rhétorique, d’autre part.

Les travaux classiques sur la diffusion, ainsi que ceux sur les modes managériales amènent à penser la conception de l’innovation séparément de sa diffusion. La conception de l’innovation ou de la mode managériale est achevée au moment où elle commence à se diffuser. Cela laisse donc supposer que l’innovation n’est pas amenée à évoluer au cours de sa diffusion. Ces travaux n’excluent pas l’idée que les organisations qui adoptent l’innovation la modifient pour l’adapter aux contextes, aux contraintes, autrement dit aux spécificités de l’organisation (notion de « réinvention », ou encore de « testabilité » de Rogers (1995) par exemple). Mais cette modification est réalisée par les adopteurs et les concepteurs, ou fashion-setters ne sont pas inclus dans ce processus d’adaptation. En revanche, l’utilisation de la théorie de la traduction pour comprendre l’émergence des innovations managériales interdit de penser séparément l’invention du reste du processus de mise en œuvre et de diffusion. En effet, on ne peut pas considérer qu’il existe une innovation managériale toute faite, antérieure à sa mise en mode ou à sa diffusion. L’innovation managériale est donc construite au fil de sa circulation dans de nouvelles organisations, par un processus d’intéressement et d’enrôlement d’alliés de toutes sortes. Comprendre l’émergence de l’innovation managériale nécessite donc

de mettre à jour les petites causes, l’ordinaire qui a produit les grands effets sur la construction progressive de l’innovation.

De la même manière, se pose la question de la dissociation entre la rhétorique sur l’innovation et l’innovation elle-même. Les travaux sur les modes mettent en avant une phase de « processing » au cours de laquelle la rhétorique est élaborée. Cette étape est indépendante de celle de la construction de l’objet de mode. Il semble donc possible de dissocier et d’analyser ces deux processus de manières distinctes, la rhétorique n’influençant pas l’objet de mode et inversement.

Au contraire, si l’on mobilise la théorie de la traduction, il est impossible de dissocier l’innovation managériale elle-même de la rhétorique qui vise à la faire adopter. La rhétorique se construit et évolue au fur et à mesure de la circulation de l’innovation dans les mondes sociaux. Le modèle de la traduction met également en avant l’exigence de légitimité au cœur de la construction des objets. La légitimité, que nous avons également mise en avant dans la