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INNOVATIONS MANAGERIALES

CHAPITRE 1 MODELES DE DIFFUSION ET ACTEURS

3 RELATIONS ENTRE LES DIFFERENTS TYPES D’ACTEURS

3.3 Relations entre acteurs dans le processus d’émergence de l’innovation managériale

Nous allons maintenant approfondir la vision des auteurs qui considèrent la relation entre consultants et clients comme une relation équilibrée et collaborative. Dans ce cadre, nous allons tenter de détailler comment cela peut se traduire sur les aspects de construction d'une

innovation : tant dans sa conception initiale que dans les expérimentations de sa mise en

œuvre.

A partir d'ici, nous ne considèrerons plus les consultants uniquement mais plus largement les

acteurs externes. Et nous rappelons que ces acteurs externes peuvent être soit les concepteurs

de l'innovation managériale, soit des pionniers qui vont expérimenter l'innovation auprès d'organisations.

Les gourous sont parfois dépeints comme des génies créatifs, seuls responsables de leur succès : de la création des idées, pour lesquelles ils sont connu, à leur diffusion. Cette idée de toute puissance est totalement remise en cause par Clark and Greatbatch (2002) qui s’appuient sur un travail empirique fondé sur l’étude du développement des idées de cinq gourous et, plus précisément, de la création des idées et de leur mise en mode impliquant la production d'une rhétorique. Dans cette recherche, les gourous sont des académiques ou des consultants. A partir des entretiens avec les acteurs et l’analyse de leur livre et vidéos, les auteurs mettent en avant une vision collaborative et équilibrée de la relation gourous-managers, où les deux parties influencent le contenu et la nature de la relation. Ainsi, les innovations managériales sont-elles considérées comme étant le résultat d’une série de relations collaboratives entre ces acteurs externes et les managers. Les idées n'émergent pas d’un travail isolé, mais sont le résultat du travail avec et en observant les managers, soit au cours d’une mission de conseil, soit au cours d’une recherche.

Mais le rôle des managers se poursuit aussi dans le développement des idées, ils ne sont pas juste la source du travail de création initial. En effet, suite à la création de leur idée, les acteurs externes en font des présentations orales au cours desquelles ils peuvent confronter leurs idées à l’avis critique des managers. Ils vont ainsi tester leurs propositions et recueillir les réactions. De la même manière, certains acteurs externes utilisent un article dans un journal populaire pour tester leur idée émergente sur le public potentiel du livre à venir. Les retours des managers forment, d’après la recherche de Clark and Greatbatch (2002), une

importante partie du processus de développement des idées de l’acteur externe. Les managers ont donc un rôle critique sur la création initiale puis sur le développement des idées, en alertant les acteurs externes sur les limites ou les difficultés potentielles des idées proposées. Les auteurs tempèrent cependant leurs propos en précisant que leur analyse révèle essentiellement des modifications sur la forme et l’argumentaire suite aux retours des managers. Ils participent donc à la modification et l’amélioration du discours et l’impression de valeur provoquée par l’idée des acteurs externes. Mais ces retours ne semblent pas influencer le fond et l’aspect technique des idées, ou encore la pertinence du concept.

Les résultats des travaux de Clark et Greatbatch (2002) nous semblent fondés sur une vision particulière de la relation entre rhétorique et innovation, que nous avons abordé précédemment à travers la description des trois perspectives de la diffusion des innovations. En effet, ces travaux considèrent séparément l’innovation et la rhétorique sur l’innovation, dans un processus où les idées sont initialement conçues par les acteurs externes, puis l’interaction avec les managers assure l’amélioration de la construction de la rhétorique et non du concept. Tout se passe donc comme si le concept était figé une fois qu’il est inventé et que la rhétorique sur le concept peut évoluer indépendamment du concept lui-même. Certains auteurs remettent en cause cette séparation entre innovation et rhétorique (Callon, 1986), comme nous l’avons vu. Dans ce cas, la participation des managers à l’amélioration du discours sur l’innovation ne peut se faire sans influencer son contenu.

Il nous semble intéressant de nous interroger plus particulièrement sur cette idée dans notre recherche, à travers le cas que nous étudierons.

Dans le cadre de la diffusion des innovations, et du rôle des consultants, non pas comme créateurs des innovations mais relais de diffusion, nous pouvons également citer les travaux de Whittle (2008). Cet auteur démontre que les consultants, considérés comme des « fashion setters » ne sont pas des canaux passifs de diffusion de discours sur les innovations, « ils ne sautent pas automatiquement dans le train en marche ». Au contraire, ils mènent une réflexion critique sur l’innovation à la mode et mettent en vigueur le discours en ligne avec leurs propres intérêts. Ainsi, construisent-ils des interprétations variables au fur et à mesure qu’ils donnent du sens au discours sur une innovation particulière. Ces travaux nous permettent

de donner de l’importance à l’analyse du rôle des acteurs externes « pionniers » dans la poursuite de la construction de l’innovation après son invention.

Eléments de la littérature Justifications de la question de recherche

Apports pour nos travaux Relation collaborative et équilibrée

entre acteurs externes et acteurs internes (Clark et Salaman, 1998 ; Clark et Greatbach, 2002)

L’évolution de l’IM dans la période analysée devrait être issue de l’interaction entre ces deux types d’acteurs – Comment cette interaction influence-t-elle l’évolution de l’IM

Interaction entre acteurs externes et internes conduit à l’évolution de l’IM mais seulement la rhétorique et de la forme (Clark et Greatbach, 2002)

Peut-on réellement distinguer l’innovation de la rhétorique ? Cette interaction ne conduit-elle pas également à l’évolution du contenu ?

CHAPITRE 2 - OUTILS DE GESTION,